Publié il y a 12 ans - Mise à jour le 20.05.2012 - stephanie-marin - 5 min  - vu 3096 fois

PORTRAIT DU DIMANCHE : Marie-Pierre Callet, "la tauromachie, l'histoire de ma vie"

Marie-Pierre Callet, 55 ans, délégataire avec son époux Philippe et son fils Pierre-Henry, des Arènes d'Alès. Photo DR/S.Ma

30 ans. Il y a 30 ans, Marie-Pierre Callet entrait dans l'univers de la tauromachie pour ne plus jamais en sortir. La passion, paraît-il. Et on veut bien le croire, il suffit de plonger dans les yeux bleu azur de la ganadera (éleveuse de taureaux) et la rejoneadora à la retraite (si l'on peut dire), de l'écouter vous raconter ce qu'est la corrida le tout agrémenté de mouvements de muleta. La passion est bien là, n'en déplaise aux anticorridas. Des anticorridas que la petite-fille et fille d'agriculteurs née en Algérie en 1957, n'a pas de mal à comprendre. Car Marie-Pierre Callet n'était pas destinée à la tauromachie. Après une enfance heureuse à Uzès où elle a atterri avec sa famille en 1962, Marie-Pierre continue son parcours de vie en étudiant le Droit à l'Université de Nîmes. Elle obtiendra son DEUG (aujourd'hui Licence 2) avant de suivre une formation d'aide-soignante. À l'âge de 22 ans, elle deviendra déléguée médicale pour le laboratoire Searle. Et puis, trois ans plus tard, changement de cap, elle repart en formation pour faire un BEPA (Brevet d’Études Professionnelles Agricoles) Agriculture et élevage par amour pour les animaux.

C'est à Arles au début des années 80, que Marie-Pierre Callet assiste à sa première corrida accompagnée de son époux, déjà mordu de tauromachie. "Je suis partie avant la fin. Je hurlais, c'était horrible." Mais elle a persisté, n'ayant qu'une obsession : "comprendre pourquoi des milliers et des milliers de gens venaient voir ce spectacle." Assise dans l'arène, elle a enlevé ses œillères pour mieux observer. "J'ai alors découvert la force du taureau, sa puissance, son élégance. J'ai aussi compris que l'on vénérait le taureau, que sa vie était ainsi faite : vivre en toute quiétude et puis mourir digne dans une arène."  Elle a ainsi appris la loyauté, le respect qu'ont les aficionados pour le taureaux. "Nous ne nous réjouissons pas de la souffrance animale. Il faut le savoir, la tauromachie est très réglementée. D'ailleurs, une étude a été menée sur la souffrance du taureau. Elle démontre que lorsque le taureau entre dans l'arène, il est dans un état de colère tel qu'il qu'il ne souffre pas. Un état qui dure une dizaine de minutes. La mise à mort doit d'ailleurs se faire dans ce temps imparti pour ne pas faire souffrir le taureau." Une mise à mort qui n'est, dans tous les cas, qu'un aspect de la corrida, sa finalité. Mais avant ça, il y a l'art du torero, sa posture, ses gestes, ce combat dominé-dominant, cette peur de ne pas briller dans l'arène face à un public qui n'épargne personne. C'est aussi cet aspect là de la corrida qu'a envie de défendre Marie-Pierre Callet.

Un aspect qu'elle connaît bien puisqu'en 1992, après avoir acheté tout le troupeau ainsi que le fer de la ganadería de Pérez y Sola  (Grenade) de pur sang Murube, la toute frêle Marie-Pierre Callet se lance dans l'arène pour devenir torero à cheval. Le 11 juillet 1993, première corrida, 12 août 2 000, elle reçoit l'Alternative aux Saintes-Maries de la Mer, elle a alors 43 ans. Pour beaucoup de toreros, l'Alternative représente le début d'une carrière, pour la réjoneadora, ça a été un aboutissement. "Je n'ai plus toré depuis. J'ai été lucide, à un certain âge, on ne prend plus les mêmes risques." Mais pour autant, Marie-Pierre Callet n'a pas tiré un trait sur la tauromachie. Retirée dans son domaine Malaga à Maussane-les-Alpilles, elle s'est concentrée avec son époux et son fils, Pierre-Henry, ancien torero diplômé de l’École de commerce de Montpellier, sur l'élevage des taureaux, un élevage qu'elle revendique totalement bio. "La tauromachie, c'est l'histoire de ma vie, c'est un sacerdoce. J'ai choisi ce métier par passion, passion des animaux, passion des grands espaces."

Des arènes à la politique

Et puis, en marge de l'élevage (aujourd'hui près de 200 taureaux et 17 chevaux), la famille Callet se lance un nouveau défi en 2005 : prendre les commandes des arènes de la région. Ainsi voit le jour la société Caltoros gérée d'une main de maître par le trio fils, père et mère. L'aventure commence par les arènes de Collioure dans les Pyrénées-Orientales en 2005 pour lesquels les Callet seront prestataires de service pendant sept ans. S'ajoutent celles de Saint-Rémy-de-Provence dans les Bouches-du-Rhône, celles d'Aire-sur-l'Adour. Enfin en 2009, la famille de mordus de tauromachie devient délégataire des arènes d'Alès, les plus grandes du Gard après celles de Nîmes. Nîmes qui est d'ailleurs dans la ligne de mire des Callet, au même titre qu'Arles. Un rêve qui un jour peut-être deviendra réalité, le message est passé. Un autre rêve titille Marie-Pierre Callet, présidente de l'association Bovin 13 mais aussi Chevalier de l'ordre du mérite agricole, "j'aimerais me mettre au service de l'Agriculture et pour ce faire entrer en politique, non pas par ambition personnelle, mais pour défendre une cause qui m'est chère." Ainsi, elle envisage de se présenter en 2014 à l'occasion des élections des conseillers territoriaux, des élections prévues par la Réforme des collectivités territoriales (chantier dit prioritaire de Nicolas Sarkozy, l'ancien Président de la République). "La tauromachie m'a donné la force et la combativité pour mener cette lutte pour la défense de l'agriculture, un domaine qu'il faut préserver, victime d'une urbanisation de plus en plus agressive." Un poste intéressant si toutefois François Hollande décide de maintenir cette réforme, ce qui aux dernières nouvelles, n'était pas le cas, l'actuel chef de l’État socialiste préférant la décentralisation au regroupement des collectivités territoriales. Affaire à suivre donc.

Question d'actualité, Marie-Pierre Callet répond aux anticorridas

Pourquoi n'avez-vous pas déprogrammé de la Feria d'Alès (16 au 20 mai) le réjoneador portugais, Rui Fernandes, comme vous l'a demandé le député-maire d'Alès, Max Roustan, poussé par les anticorridas ?

"Ce n'était pas possible. Nous avons signé un contrat d'engagement il y a plusieurs mois de ça avec Rui Fernandes. On ne peut pas rompre le contrat aussi facilement, ce n'est juridiquement, professionnellement et déontologiquement pas possible. L'accident qui s'est produit à Séville -- Xelim, le cheval de Rui Fernandes a été éventré par un taureau -- est malheureux, mais ça arrive. Ce sont les risques du métier. Et croyez-moi, le réjoneador, comme l'éleveur, souffrent lorsqu'ils voient ça. Mais la corrida est un combat lors duquel ces choses peuvent arriver. Je voudrais demander aux anticorridas s'ils sont allés faire un tour dans les hippodromes où parfois les chevaux portent de petits piques aux pattes, juste au dessus des sabots pour qu'ils apprennent à sauter plus haut lors des épreuves de sauts d'obstacles. On en entend pas parler de ça. Honnêtement, je peux comprendre les anticorridas, mais qu'ils nous laissent faire notre métier dans un contexte apaisé et professionnel."

Stéphanie Marin

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