LE PORTRAIT DU DIMANCHE - Spécial initiative insolite : Tomates, courgettes, aubergines... Servez-vous !
Le panneau "Nourriture à partager" est discret. Posée à l'entrée du village de Saint-Jean-de-Valériscle devant un bac rempli de plants de tomates, de courgettes et d'aubergines, cette plaque est le résultat d'une démarche originale, d'une initiative innovante voulue par Eric Begny. Ce professeur de physique-chimie d'un lycée nîmois, âgé de 54 ans, a eu l'idée de planter des bacs de légumes dans différents endroits de sa commune. "Je ne suis pas allé chercher l'idée bien loin, confie l'homme aux mains vertes. Ce concept existe déjà dans le nord de l'Angleterre, à Todmorden, et ça cartonne ! Pour vous donner une idée de l'ampleur que ça a pris, il y a des parcours touristiques pour visiter les bacs. Les hôtels sont bondés. Et l’ambiance s’est tellement apaisée dans la ville que la police a même noté une baisse de la criminalité ! » Si la musique adoucit les mœurs, les légumes, eux, semblent adoucir les hommes.
A Saint-Jean-de-Valériscle et ses 700 âmes, on est encore loin d’un tel phénomène. Mais, tous les jours ou presque, Eric Begny et une dizaine d’habitants du village, tous passionnés de jardinage, vont de bacs en bacs pour arroser les légumes, enlever les mauvaises herbes ou simplement les regarder pour le plaisir. « On a quatre bacs pour le moment. L’idée, c’est que les gens du village ou d’ailleurs se servent. C’est complètement gratuit. En revanche, soit notre mouvement n’est pas encore assez connu, soit les gens n’osent pas, mais je n’ai encore vu personne se servir. Il restait quelques salades et, pendant longtemps, j’ai bien cru que j’allais devoir les prendre pour moi. Heureusement, quelqu’un est passé entre temps ». Le professeur, avec une allure entre Jean Ferrat et Louis Bertignac, sourit, soulagé de ne pas à avoir eu à jeter ses salades. Un crime pour lui.
A travers son initiative, Eric tient à faire passer un message qui va bien au-delà de quelques poireaux ou courgettes : « Mon projet, c’est que les habitants consomment bio et local. Attention, prévient-il, on ne peut pas fournir tout le village. Mais si cette initiative permet aux gens d’éviter de prendre leur voiture, si elle permet aussi d’instaurer un lien de simplicité entre les habitants et qu’ils échangent plus entre eux grâce aux potagers, je serai très satisfait ».
Lancé au mois de mai, ce projet bio a permis à Eric Begny de se faire une petite notoriété. Depuis plusieurs jours, les journalistes défilent dans la commune. « J’ai remarqué que j’avais plus de sourires dans la rue. Les gens me disent que la démarche est bien, que c’est sympa. Tant mieux ! Mon plus grand souhait serait qu’ils se lancent à leur tour dans le jardinage ».
Ce matin, petit évènement, deux tomates ont disparu. Ce qui ferait rager n’importe quel agriculteur, illumine le visage souriant d’Eric Begny. Son idée commence à prendre forme. Tout comme ses légumes.
Tony Duret
tony.duret@objectifgard.com