FAIT DU JOUR Croquez des pommes gardoises : c'est lutter contre l'embargo russe !
Hier, les consommateurs ont échangé directement avec les producteurs de pommes à Jonquières-Saint-Vincent. Une visite dans un contexte explosif pour la filière soumise à l'embargo de Poutine.
Pas le temps d'avaler son déjeuner que Rémy Foissey, pomiculteurs à Jonquières-Saint-Vincent, est déjà sur le pied de guerre. Dans le cadre de l'opération "Vergers Ouverts", des dizaines de visiteurs, consommateurs avertis ou simples gourmands, s'amassent devant les insolentes Gala qui rougissent au soleil. Le tête à tête, aussi rare que précieux, a pour "but de faire venir les gens dans nos vergers afin d'expliquer comment on travaille", avance Rémy Foissey.
A mi-chemin entre chimique et bio
Exploitant depuis 1999, le Gardois détient 25 hectares de vergers pour une production annuelle de 1 500 tonnes de pommes. Des Gala, Reine des reinettes ou encore Pink Lady cultivées selon les méthodes de la charte de l'agriculture raisonnée, à mi-chemin entre l'agriculture conventionnelle, gourmande en pesticides, et le bio aux nombreux interdits.
"Il ne faut pas se voiler la face : on travaille avec du vivant, il y a donc des agresseurs", introduit l'agriculteur. Et de poursuivre : "pour lutter contre eux, il faut comprendre leur fonctionnement". Exemple bien connu : le ver dans le fruit, résultant des pontes des papillons. Pour lutter contre le phénomène, plus question de balancer des litres de pesticides : "nous tavaillons la confusion sexuelle des papillons qui ont beaucoup plus de mal à se reproduire dans les vergers", explique Rémy Foissey.
Idem pour les araignées rouges qui piquent les feuilles avant de se nourrir goulûment de la sève des vergers : "Nous introduisons un acarien, le typhlodrome, qui se nourrit de ses araignées".
La France sous embargo
Mais un autre prédateur, insoumis et vénal, est plus difficile à abattre : le marché. Ces dernières années, avec l'ouverture des frontières et le libre-échange en Europe, les producteurs français ont du mal à vendre leurs produits : "nous sommes concurrencés par la marchandise espagnole et allemande dont les coûts de production sont moins chers". Début août, un nouveau séisme à secoué le marché de la pomme : l'embargo de Poutine, d'une durée d'un an sur des produits alimentaires dont les fruits, en représailles aux sanctions qui visent la Russie pour son soutien aux séparatistes ukrainiens.
"La France exporte 3 à 5% de sa production en Russie, ce n'est pas un gros problème. En revanche, la Pologne* qui exporte beaucoup va devoir vendre sa marchandise dans les autres pays et inonder un peu plus le marché", explique Rémy Foissey. Le problème : plus la quantité d'un produit est grande, plus son prix est bas.
Loin des aides exceptionnelles que Bruxelles entend débloquer (125 millions d'euros annoncés pour soutenir le secteur maraîcher de l'UE, NDLR), le Gardois demande une "solution pérenne" comme "l'harmonisation des conditions du travail des pays producteurs". Rémy Foissey en appelle aussi aux consommateurs : " Chaque année, un Français consomme 20 kg de pommes. On peut aller plus loin. Si chaque Français consommerait une pomme par jour, cela nous aiderait". Comme le dit le proverbe anglais : une pomme par jour pour éloigner le médecin…
Coralie Mollaret
*Avant l'embargo la Pologne exportait avant l'embargo environ 500 000 tonnes de pommes chaque année vers la Russie contre 30 000 à 45 000 tonnes pour la France.