PORTRAIT DU DIMANCHE Mohammad Zaman, itinéraire d'un réfugié politique
Mohammad Zaman est de ceux qui ont connu les embarcations de fortunes. Menacé par les talibans en Afghanistan, il a rejoint l'Europe comme des milliers d'autres tentent actuellement leur chance par les côtes italiennes. De Nîmes, il a écrit un livre qui sera prochainement publié.
Son périple s'est terminé à Nîmes. C'est le destin qui l'aura emmené jusqu'ici, un peu contre sa volonté. Mohammad a été chassé par les Talibans alors qu'il luttait pour l'éducation des enfants dans un pays où seulement 27 % sont scolarisés. "C'est la clef pour la paix, les Talibans n'en veulent pas, ils refusent que les filles et les garçons aillent à l'école ensemble. Ils sont contre la démocratie". Là-bas, il en avait fait son combat, publiait des articles dans la presse écrite locale jusqu'à s'attirer les foudres des fondamentalistes musulmans, ceux qui brûlent des écoles, où jettent de l'acide aux visages des enfants. "Ils m'ont menacé, m'ont dit qu'ils allaient m'égorger avec un filet ou m'enterrer vivant." Un soir, un groupe armé débarque dans la maison familiale, en vain, Mohammad se cache d'un endroit à un autre pour ne pas être attrapé. Sa famille quitte Laghmân, à l'Est du pays, et rejoint Kaboul. Issue d'une classe sociale modeste, voir aisée, sa famille réunit assez d'argent pour l'aider à fuir l'Afghanistan, soit 20 000 dollars en faveur des passeurs. Une somme colossale, mais Mohammad Zaman Qarghaiwal de son vrai nom, n'est pas au bout de ses peines.
"Dans le bateau gonflable, je pensais mourir après chaque vague"
Première étape en avion jusqu'à Machad en Irak, puis en bus jusqu'à Téhéran en Iran, et une petite voiture le dépose à la frontière Turque. De là, il poursuit sa traversée à pied durant toute une nuit. "Il y a eu des coups de feu dans notre direction, on a d'abord fait marche arrière. Puis on a recommencé une heure après, jusqu'au levé du soleil." Dans un bateau gonflable, il traverse la Méditerranée jusqu'en Grèce accompagné d'une trentaine de personnes. "Je pensais mourir après chaque vague". Le bateau fini par heurté un rocher vers la fin du périple et les passagers sont contraints de finir à la nage. La Grèce, celle dont il avait lu la grandeur dans les livres, n'est plus qu'un pays en ruine. Il est confronté au racisme, à la barrière de la langue, à la misère. Après quelques petits boulots, il repart. "Il ne reste plus rien des Droits de l'Homme dans ce pays" lance t-il, amer. Il repaye un passeur pour obtenir des faux papiers. Avec une nationalité roumaine factice, il fait trois tentatives pour rejoindre la Belgique et réussit la quatrième fois.
Dans la Jungle de Calais, quatre jours avant son démantèlement
Il se retrouve ensuite à Paris, où il passe plusieurs nuits dehors, au bord du Canal Saint-Martin. "J'avais très froid, j'étais apeuré. Autour de moi, des alcooliques, de la violence..." Mohammad rejoins la Jungle de Calais où 800 personnes, souvent d'origine afghane, ont trouvé un refuge éphémère. Il le sera d'autant plus pour lui. Quatre jours plus tard, le 22 septembre 2009, à 7h30 du matin, le ministre de l'immigration Eric Besson fait démanteler la zone, Mohammad est envoyé en centre de rétention à Nîmes. Ici, la Cimade ainsi que d'autres associations comme Les Afghans de Montpellier l'aident dans ses démarches administratives, lui procurent un toit et de la nourriture. Le 26 juillet 2012, Mohammad reçoit le statut de réfugié politique après trois ans d'attente. le Club de la Presse du Gard lui a financé une année de cours de français. Il cumule depuis les expériences, dans la presse en rédigeant des articles pour La Gazette, au tribunal de Nîmes où il traduit des textes, et travaille dans un Fast Food à mi-temps.
"Je suis à moitié là-bas"
À la difficulté d'apprendre une langue en peu de temps, s'ajoute la douleur et le manque. À des milliers de kilomètres, il a laissé famille, amis, et une grande partie de sa vie. "Je ne me sens pas libre d'apprendre et d'avancer correctement, je suis à moitié là-bas." Comme exutoire, Mohammad Zaman raconte son histoire dans un livre intitulé "Dans le jardin de mon espoir", fruit d'un travail de deux ans. Il est question de son enfance, de l'éducation, et adresse un message aux écoliers français : "Nous n'avions pas de chaise, nous étudions par terre. Les jours de pluies, l'école était fermée car nous n'avions même pas de toit." Des poèmes aussi, figurent dans son libre, et une réflexion sur la situation insoutenable dans son pays.
Financé à 100 % sur kisskissbankbank, il sera publié prochainement à 1 000 exemplaires. Mohammad a également crée une association qui récolte des fonds pour aider les orphelins en Afghanistan.
Baptiste Manzinali