Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 28.04.2015 - baptiste-manzinali - 3 min  - vu 992 fois

FRATERNITÉ Bonnevaux, ce village qui n'a jamais voté FN

Bonnevaux, village ardéchois qui ne vote pas FN. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

À la frontière ardéchoise, un village cévenol perché à 750 mètres d'altitude fait figure d'exception. Pour son architecture, sa population hétéroclite, et l'absence de vote FN dans ses urnes. Voyage au pays des irréductibles.

Il faudra bien du courage à celui qui voudra visiter ce lieu unique en France. Après un long périple dans les récifs montagneux cévenols, où les départementales deviennent des routes, puis des chemins, et finissent par des sentiers à l'issue incertaine, Bonnevaux s'offre enfin. Un profond silence règne sur les environs. On y découvre une architecture typique en roche de schiste, à flanc de montagne, livrant une vue imprenable sur la vallée. "D'ici, on peut voir le Ventoux", lance Roseline Boussac, maire de Bonnevaux depuis 2004. Parisienne, mariée à un Nîmois, cette sexagénaire est ce que d'autres appellent une "néo", comprenez une citadine ayant décidé de s'installer en zone rurale. Comme Mme Boussac, beaucoup ont fait ce chemin inverse dans les années 70, au moment où une jeunesse "hippie" cherche des modes de vies alternatifs. "Ils ont alors le coup de cœur pour des maisons à l'abandon", note-t-elle.

Roseline Boussac devant la petite mairie de 9 m² de Bonnevaux. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Pas un gramme de round'up

Un élan qui donnera une seconde vie à ce village déserté par la grande majorité de sa population en 14-18, puis à l'ouverture des mines de charbon plus bas dans la vallée. Aujourd'hui, il compte 101 habitants, dont seulement 50 % sont ici en résidence principale. Tous les niveaux sociaux sont représentés. L'isolement géographique est tel que la plupart d'entre eux utilisent la force de la débrouille, et la revendiquent. Certaines demeures ne sont même pas encore reliées à l'eau potable. "J'ai trois boulots à l'extérieur en plus du jardin et du bois", sourit Nathalie, 40 ans, née à Bonnevaux, comme les six générations qui la précèdent.

Nathalie, habitante de Bonnevaux. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

D'autres vivent du maraîchage, de l'élevage de moutons ou de l'apiculture. "La tendance est au bio. Il n'y a pas un gramme de round'up sur la commune", plaisante Roseline Boussac qui ne revendique aucune étiquette, mais est tout de même apparentée EELV sur le net.  "Des orientations politiques, il y en a, mais elles ne ressortent pas dans les élections municipales. C'est l'humain qui prime". Exception faite d'un engagement contre le gaz de schiste qui opposait le village à la compagnie pétrolière Schuepbach Energy LLC.

Gaëlle, habitante de Bonnevaux. (photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Un record malheureux

Dans la petite commune où le palier de l'un est le trottoir de l'autre, pas de vote sanction. L'assertion ne se vérifie pas qu'aux élections locales. Depuis quinze ans, un seul bulletin FN y a été comptabilisé, lors des Européennes de 2014. Un mystère, même pour les habitants de la commune, compte tenu du contexte actuel. "On a une concentration de gens libres de leurs pensées, pas fixés sur certains points", analyse modestement la maire qui peine à comprendre pourquoi, en bas de la vallée, le village voisin d'Aujac a enregistré 31% de votes FN au 1er tour des dernières Départementales. "Pourquoi les autres se tournent vers l'extrême-droite? C'est cette question qu'il faut se poser!", répète Nathalie. "Contrairement à d'autres communes rurales, plusieurs nationalités se côtoient, des belges, des belgo-marocains. Tout se passe bien. Même s'il y a des problèmes de voisinage, comme partout", observe Gaëlle, 38 ans, arrivée à Bonnevaux quand elle était enfant.

Intérieur du village de Bonnevaux. (Photo Baptiste Manzinali / Objectif Gard)

Cette triste exception française a valu à Bonnevaux la Une du journal Le Monde en 2002. "Quand il y a eu une voix l'an dernier, tout le monde a spéculé pour connaître son auteur. En fait, certains craignent même de s'inscrire aux électorales, de peur qu'on ne les accuse si le FN obtient des voix", s'amuse Roseline Boussac. "Si ça se trouve, celle de 2014 a été glissée volontairement pour qu'on arrête de parler de nous", renchérit Nathalie qui a hésité avant d'accepter la présence d'un appareil photo. Pourtant, la résistance de quelques irréductibles peut faire des miracles, en témoigne un célèbre village gaulois imaginaire...

Eloïse Levesque et Baptiste Manzinali

Baptiste Manzinali

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