FAIT DU JOUR Au Diable Vauvert, 15 ans de littérature indépendante
La Maison d'édition gardoise subsiste aux vents contraires d'une économie frileuse depuis 15 ans. Avec ses 970 000 livres vendus depuis sa création, Au Diable Vauvert, c'est David contre les Goliath du holding de la littérature.
Sur ses épaules minces, Marion Mazauric a bâti un empire. Un petit empire qui ne tient pas à grand chose de son propre aveu, ou du moins au succès de quelques publications qui permettent de voir venir un peu. En tant qu'éditrice, cette yvelinoise d'origine a pourtant eu le nez fin plus d'une fois. Dès la création de sa maison d'édition en 2000 nommée Au Diable Vauvert - et installé à Vauvert - comme pour envoyer valser les mondanités parisiennes, Marion Mazauric publie le second ouvrage de Nicolas Rey, Mémoire Courte, récompensé la même année par le prix de Flore. Aujourd'hui, l'auteur est la meilleure vente de la maison d'édition. Le tout, à 750 km de Saint-Germain des Prés. "Être à Vauvert, c'est un vrai handicap et en même temps, avec Les Avocats du Diable, on est une bête à deux têtes." Une bête qui a su trouver son public, local mais pas seulement. "On est fier d'avoir mis la lecture dans un monde taurin. Mais on parle de nous partout, à Paris." Entre un prix Hemingway suffisamment guindé pour l'Hôtel de l'Imperator, une gratuité totale des évènements qu'ils organisent, des lectures improbables dans le TER, et des résidences en pleine camargue, la maison d'édition, épaulée par son association des Avocats du Diable, semble ne se fier qu'à son instinct. Et ne se soucie guère d'une conjoncture peu réjouissante.
"Notre réussite, c'est d'être toujours vivant"
Quinze ans, et toutes ses dents. Mieux, depuis 3 ans, la maison d'édition vauverdoise enregistre un chiffre d'affaire annuel de 1 500 000 euros, riche d'un catalogue de 330 titres et 150 auteurs. De quoi la faire grimper parmi les 200 premiers éditeurs français. Une renommée qui dépasse un peu sa fondatrice. "On a reçu 35 000 manuscrits, soit 3 000 par an. Forcément, on passe à côté de talents. Mais en tant qu'éditeur, il ne faut pas y penser, au risque de devenir fou." Chaque roman est une prise de risque, plus ou moins contrôlée, difficile à anticiper. Le Liseur du 6h27 de Jean-Paul DidierLaurent, succès phénoménal annoncé, 13 000 exemplaires en cours d'acheminement chez les libraires avant même la parution du livre. "On s'attendait à en vendre 250 000, on a fait 60 000. Ce n'est jamais acquis." Un succès toutefois notable, mais qui révèle d'une incapacité à anticiper les échecs et les réussites. En France, le marché du livre est paradoxal. S'il est l'un des premiers marchés culturelle du pays, sa baisse est constante depuis trois ans, ses revenus sont passés sous la barre des 4 milliards d'euros depuis 2013. "Le système du livre n'est pas rationnel en France, il n'est pas régionalisé comme en Allemagne. Du coup, les marges sont très faibles et l'on dégage très peu de rentabilité sauf pour les grands groupes, qui déclinent ce qui marche à toutes les sauces." Depuis 5 ans, l'hexagone souffrirait de la plus grosse croissance des non-lecteurs. D'où la nécessite de mener des actions parallèles fortes, conviviales et accessibles comme savent le faire Les Avocats du Diable.
Depuis l'an dernier, Marion Mazauric souhaite développer la littérature jeunesse avec des auteurs de science-fiction comme Jessica Brody - dont les droits d'auteur viennent d'être achetés par les producteur d'Hunger Game - ou Mario Pimiento, graulens installé à Madagascar qui a publié récemment Petit-Cuivre et le secret de l'arche d'alliance. Un prix de la nouvelle érotique vient également d'être lancé par l'association et s'ouvrira à partir du 24 juin.
Baptiste Manzinali