INTERVIEW Philippe Saurel : "Ma candidature est une autre façon de faire de la politique "
Dans son livre "Réparer la République", le maire de Montpellier, affranchi du PS, revient sur sa prouesse aux municipales. Une expérience que l'édile aimerait réitérer aux Régionales de décembre.
Objectif Gard : Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Philippe Saurel : C'était l'occasion de revenir sur mon expérience vécue aux municipales. Montpellier a été la seule grande ville à faire gagner une équipe citoyenne, de gauche et écologiste. Je rappelle que nous n'étions soutenus par aucun parti politique. Aujourd'hui, au conseil municipal de Montpellier, il n'y a pas un clivage droite/gauche mais citoyens/partis.
O.G : Quel a été le secret de cette victoire ?
P.S : Je ne veux pas faire mon malin… Mais c'est un peu moi ! Je suis élu de cette ville depuis 20 ans, les gens me connaissent. Et puis, j'ai présenté un programme soft, composé de quinze propositions concrètes gravitant autour de trois axes : proximité, citoyenneté et originalité. L'originalité s'est démontrée dans l'utilisation des réseaux sociaux au quotidien, l’interaction directe entre le citoyen et le politique, qui a finalement payé.
Haro contre les partis politiques
O.G : Dans votre livre, vous critiquez âprement les partis politiques. Pourtant, vous avez été élu 20 ans sous l'étiquette PS, ce qui a certainement contribué à votre notoriété. On a le sentiment aujourd'hui que vous crachez un peu dans la soupe, non ?
P.S : Avant d'être un élu socialiste, j'étais surtout un élu de Georges Frêche ! C'est lui qui m'a donné ma chance. Vous savez, j'aurais du être investi aux dernières législatives, mais le PS a décidé de mettre une femme pour m'empêcher de me présenter. Alors oui, je ne peux pas dire que le PS n'est pour rien dans ce que je suis aujourd'hui, mais c'était un temps. Aujourd'hui, nous sommes dans un autre temps.
O.G : Vous expliquez également que les militants s'enfuient des partis politiques. Or, Les Républicains et le Front National, déclarent le contraire…
P.S : Le FN arrive souvent à tordre la vérité. Aujourd'hui, ce que je vois, c'est que moins d'1% du corps électoral est encarté dans un parti !
O.G : Oui, mais les électeurs votent encore massivement pour les partis politiques...
P.S : Les partis politiques ont traversé différents cycles de dépression et d'abondance de leurs militants. Seulement cette fois, j'ai l'intime conviction qu'il s'agit d'un changement de civilisation. Cela résulte des réseaux sociaux. Les citoyens ont davantage accès aux informations. Ils peuvent se renseigner plus facilement sur leurs candidats et les différents mouvements qu'ils représentent. A Montpellier, nous l'avons fait et cela a payé : victoire aux municipales et élection, en mars, de huit conseillers départementaux.
Réparer la République : quelles solutions ?
O.G Vous mettez en place un grand conseil de quartier, dont les membres sont tirés au sort. Pouvez-vous développer ?
P.S : C'est une des possibilités qu'offre la loi de 2004 sur la démocratie participative. Peu de villes utilisent le tirage au sort, c'est trop fastidieux : il faut aller sur le terrain, à la rencontre de l'électeur, qui peut refuser la démarche. Mais nous avons décidé de le faire ! La raison est simple : je ne veux pas que la démocratie soit précomptée par des structures intermédiaires qui ne représentent pas l'intérêt général... Nous sommes en train de tirer au sort les 280 membres.
O.G : Autre argument que vous développez : pour vous, les préfets doivent avoir beaucoup plus de pouvoir en matière d'aménagement du territoire. Or, ces derniers ne sont pas élus et ne restent que quelques années sur un territoire. N'y-a-t-il pas une contradiction avec la proximité des élus locaux que vous défendez ?
P.S : Le préfet est mobile mais pas l’État. Vous trouvez cela normal qu'une autoroute mette 20 ans à se construire parce que certains citoyens ou associations sont opposés au projet et multiplient les recours ?
OG : Même si l’État décidait des grands aménagements, le problème des recours ne serait pas résolu pour autant.
P.S : Je suis favorable à ce que l'on fasse évoluer la loi.
OG : Alors pourquoi ne pas réformer la loi tout simplement, en laissant aux collectivités leurs prérogatives ?
P.S : Souvent, l’État est le premier financeur de ces grands projets. Moi, je suis pour un État fort, qui doit éviter de perdre sa souveraineté.
Les Régionales en ligne de mire
O.G : Dans votre livre, vous ne livrez pas votre vision de la super-Région. Pourtant, vous êtes candidat au scrutin de décembre.
P.S : C'est vrai. Je ne voulais pas que ce livre soit un effet de manche pour ma candidature aux Régionales, tout simplement. Mais deux principales m'animent : celui de défendre mon territoire et d'obtenir une équité territoriale. Tout ne doit pas aller à Toulouse, il y a des compensations à trouver !
Avec ma candidature, ce qui est en jeu, c'est une toute autre façon de faire de la politique, en parlant aux maires et aux citoyens. Tout doit repartir de la République d'en bas. Certains le disent, moi je l'ai fait à Montpellier.
O.G : A Montpellier et dans l'Hérault, vous êtes connu. La super-Région est un tout autre défi : vous devez trouver 158 candidats ! Avez-vous réellement les moyens de vos ambitions ?
P.S : Vous verrez bien. Je présenterai mes listes d'ici octobre à Carmaux (Midi-Pyrénées), qui était la circonscription de Jean Jaurès. Je ne vais pas faire disparaître un mouvement qui donne espoir aux gens.
O.G : Oui, mais le défi de la super-région n'est pas semblable à celui de Montpellier ?
P.S : Et quand vous voyez que les premiers sondages m'accréditent de 9% d'intention de vote, qu'est-ce que vous répondez…
O.G : … que vos frais de campagne seront remboursés, mais que vous ne parviendrez pas à vous hisser au second tour.
P.S : Je vous rappelle que, pour l'instant, la campagne n'a pas commencé.
Propos recueillis par Coralie Mollaret