Publié il y a 9 ans - Mise à jour le 10.08.2015 - eloise-levesque - 3 min  - vu 387 fois

SCANDALES DE L'ÉTÉ Max Roustan passe, les syndicats trépassent

Articles d'archives de Midi Libre et la Marseillaise du 31 janvier 1996. EL/OG

L'année 1996 marque un tournant dans la lutte syndicale à l'hôtel de ville d'Alès. Un maire souvent décrit comme despote ne fait pas bon ménage avec des militants de la première heure tombés dans la marmite du communisme dès leur plus jeune âge. Retour sur la saga des "Dix d'Alès".

, le « plan Juppé » sur les retraites et la Sécurité sociale annonce une série de mesures telles que l'allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités pour les salariés de la fonction publique. Plusieurs millions de personnes descendent dans la rue et les grèves sont les plus importantes depuis Mai 68. A Alès, les délégués syndicaux de la municipalité sont des militants convaincus. A la faveur d'un passé minier encore très présent, ils sont imprégnés d'une forte culture de la résistance et de la lutte. Ils participent donc activement au mouvement et en profitent pour aller plus loin : ils réclament la gratuité du parking pour les 150 employés de la ville, une formation continue pour les employés à temps partiel, ainsi que la suppression des critères pour le calcul de la prime, qu'ils jugent allouée "à la tête du client".

Tandis que la France reprend le travail le 20 décembre 1995, douze militants de la CGT d'Alès obtiennent un protocole d'accord avec le maire nouvellement élu Max Roustan, en vue de poursuivre les négociations sur les revendications locales. Quatre réunions de travail doivent avoir lieu. Selon la CGT, des premières avancées sont alors effectuées mais la mairie fait machine arrière quelques jours plus tard. Plus motivée que jamais, les syndicalistes décrètent une demi-journée de grève le 29 janvier en signe "de soutien et d'avertissement". Une troisième réunion de négociation se dessine mais chacun décide de camper sur ses positions. "On a essuyé un "non" global et systématique à toutes nos demandes", fustige Yannick Iffernet, fonctionnaire délégué CGT. "Nous étions convenus de nous rencontrer à l'issue de la série de réunion, et puis brusquement, c'est "non" à tout", répète le maire RPR qui n'aime guère les syndicats. "Les Dix et ceux qui les entourent sont des ayatollahs, des doctrinaires, une minorité en mairie qui n'a pas suivi l'évolution qu'on a aujourd'hui", glisse-t-il quelques années plus tard dans le journal Libération.

Une scène surréaliste

Tract des douze d'Alès pour l'arrêt des poursuites judiciaires. DR

Le lendemain, une centaine de grévistes investissement le hall de la mairie. L'adjoint au maire n'accepte de discuter que si l'espace est évacué. Les employés refusent et tentent de monter au 1er étage. Un mur de policiers et des affrontements se forment. Soudain, le frère de Max, Jean Roustan, surgit, et asperge les manifestants de gaz lacrymogène. Les échauffourées qui s'en suivent blessent une femme enceinte. Dans la foulée, d'autres employés rejoignent le mouvement. Face à la réaction du clan Roustan, la CGT ne lâchera rien. "Si on n'est pas ferme maintenant, on est cuit pour 6 ans", martèle Yannick Iffernet devant la foule. Les syndicalistes décident alors de séquestrer les élus présents. Ils seront traînés un par un hors de l'hôtel de ville le lendemain matin par la Police Nationale.

Quelques heures plus tard, Max Roustan, absent lors de l'altercation, réagit par voie de presse en occultant soigneusement l'épisode de la bombe lacrymogène. Son seul mot d'ordre : la reprise du travail, condition sine qua non pour l'ouverture de nouvelles négociations. Le 31, la CGT décide de lever la grève.

Un épilogue controversé

Suite à cet incident qui marquera pendant longtemps les habitants, les deux parties portent plainte. Le 9 avril 1999, le tribunal correctionnel condamne dix des douze syndicalistes pour séquestration, à des peines allant de 6 à 12 mois de prison avec sursis, et à des amendes de 5 000 à 10 000 F. Le frère du maire écope quant à lui de 10 000 F d'amende et de 15 500 F de dommages et intérêts aux victimes. Dans les années qui vont suivre, la CGT n'aura de cesse que de dénoncer la "placardisation" de nombreux membres des "dix d'Alès" par Max Roustan. Ce sera le cas de Claude Cerpedes, aujourd'hui maire de St-Martin-de-Valgalgues. A l'époque directeur des services techniques, il atterrit aux abattoirs et tient six mois sans rien faire.

De plusieurs dizaines de délégués actifs à la mairie, il n'en reste aujourd'hui quasiment aucun, "verrouillés" par "la peur des représailles" de Max Roustan, qui s'en défend dans la presse : "Dire que je fais régner un climat de terreur? C'est exagéré. Personne n'a peur. Personne ne tremble. Fonctionnaire public territorial est un des statuts les plus protégés de France", répète-t-il à l'envi. Un mépris qu'il assume, comme avec tous ses adversaires politiques.

Eloïse Levesque

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