FAIT DU JOUR Daniel Féret, le sulfureux médecin des Thermes des Fumades
Depuis un an, un docteur très controversé exerce aux Thermes d'Allègre-les-Fumades. Le praticien, fondateur et ancien président du FN en Belgique, est célèbre dans son pays pour ses nombreux démêlés avec la justice et a été suspendu deux fois par l'Ordre des médecins. Face à la polémique, l'homme assume et invoque un complot contre ses idées politiques.
L'homme ne paye pas de mine. Vieille chemise claire et pantalon de coton, le dernier médecin embauché aux Thermes des Fumades arbore une petite taille et un air bonhomme. Un passant ordinaire qui prend de l'âge. Pourtant, au sein de la cure thermale des Cévennes, son visage n'a rien de banal. Des clients à la secrétaire, en passant par les soignants et la direction, tous connaissent son passé politique et judiciaire. Tous semblent d'ailleurs s'en accommoder, comme une habitude ancienne à laquelle on ne prête plus attention.
Une liste longue comme le bras
Ce docteur pas comme les autres s'appelle Daniel Féret, 71 ans. Diplômé à 22 ans après avoir effectué deux années en une, il devient médecin esthétique en 1972. Il est l'un des premiers dans ce domaine. "Comme je n’aimais pas l’école, j’allais vite", commente-t-il, amusé. Quelques années plus tard, ses convictions extrêmes le poussent à fonder le Front National belge. C'est en 1985. Mais rapidement, les ennuis commencent. En 1987, il est condamné à un an de prison avec sursis et à une suspension de ses droits civils et politiques pour cinq ans. Objet du délit : il aurait délivré un certificat médical de complaisance à la complice de l'auteur d'un hold-up.
Deux ans plus tard, il est condamné à trois mois de suspension de ses activités professionnelles par le Conseil de l'Ordre des Médecins. Même peine en 1993. Il lui est reproché d'avoir prescrit des "cocktails médicamenteux" de coupe-faim et d'acide triacétique destinés à faire maigrir, mais présentant des risques d'effets secondaires dangereux. Daniel Féret s'en défend sans frémir : "Comme j'avais été condamné, on n'a pas eu d’autre choix que de me suspendre", assure-t-il.
Des propos fascistes assumés
Tandis que le Front national belge fait une percée dans les années 90, l'homme de la discorde est élu député européen en 1994. Pendant des années, la presse belge va continuer de se déchaîner. Ses détracteurs et la justice aussi. Et pour cause. Daniel Féret divise et ses propos sont sans ambiguïté. En novembre 2006, il est condamné à 10 ans d'inéligibilité et à 250 heures de travaux d'intérêt général pour diffusion de tracts incitant à la haine. Selon La Libre Belgique, l’un des tracts montrait des Africains caricaturés comme des sauvages dans un décor de brousse. Un autre, publié après les attentats du 11 septembre, assimilait l’ensemble des musulmans à des terroristes. "C'est un délit d'opinion", avance-t-il avec aplomb.
Quelques années plus tard, il lancera comme une bombe dans le journal Dernière Heure : "Il fallait me dénigrer pour m'écarter du FN dont on voulait faire un parti nazi. Et pour m'écarter, m'accuser. Et la justice est tombée dans le panneau". Une vision complotiste qu'il ressort à chaque nouvelle condamnation. En 2008, il est évincé du parti qu'il a créé.
Enfin, il y a tout juste un an, il écope de 38 500€ d'amende pour faux, usage de faux et abus de biens sociaux, au préjudice de son propre parti. Le jugement est actuellement en appel. Féret et sa compagne s’étaient offerts une villa au Cap d’Agde grâce à un prêt octroyé au nom du FN. "On a tout remboursé avec les intérêts", justifie aujourd'hui le médecin, "c'est mon parti, je ne vois pas pourquoi j’irai piquer dans ma propre caisse !".
La réputation du centre en danger ?
Après ces années de déboires, Daniel Féret, père de deux enfants d'une vingtaine d'années, a décidé d'ouvrir un cabinet de médecine généraliste et esthétique à Agde, dans l'Hérault. Il y réside depuis 4 ans. L'an dernier, il a également été choisi en tant que praticien libéral aux Thermes des Fumades "pour développer le volet esthétique". Selon une source anonyme, le responsable du centre de cures l'aurait retenu par manque de personnel. Peu de soignants souhaiteraient pratiquer ce type de médecine. Le directeur Jean-Marie Bonventre, à l'inverse, se réclame de bonne foi et ne craint pas pour la réputation du centre : "Nous ne connaissions pas le passé du Docteur Féret, et il est parfaitement illégal de le demander car il est indépendant et paye un loyer. Par ailleurs, je ne connais aucun médecin parfait et le Conseil de l’Ordre est souverain. Nous seront morts depuis longtemps que la meilleure eau thermale du monde coulera encore et toujours aux Fumades", conclut-il.
Du côté des clients, certains se plaindraient en coulisses de la présence de ce docteur. Il serait vu par quelques curistes comme peu brillant, même si fort sympathique au premier abord, et souriant. Pour d'autres, son parcours n'est pas un problème. C'est le cas de ce couple de Béziers, suivi par Daniel Féret depuis des années : "Je suis d'extrême gauche et je connais son passé. Il me l'a dévoilé dès notre première entrevue. Mais je fais la part des choses. C'est un très bon praticien et c'est tout ce qui compte. Il fait attention à ses patients et ne bâcle pas son travail", témoignent-ils.
L'an prochain, le nouveau languedocien sera à nouveau éligible. Pour le moment, il dit ne pas souhaiter revenir en politique, le FN français ayant trop de divergences d'opinion avec lui. "Jean-Marie Le Pen a besoin de courtisans. Sur l’Europe, on n’est pas du tout d’accord. C’est un impérialiste français. Je suis un nationaliste européen. Je suis pour une grande Europe qui s’étendrait jusqu’à la Russie", commente-t-il avec amertume, tandis que l'ancien président du FN français l'a interdit d'utiliser son logo.
Toutefois, Daniel Féret, qui parle en toute liberté de ses multiples vies entre deux prétoires, n'exclut pas d'écrire un livre auto-biographique. Plus qu'un récit, une ultime provocation réaffirmant la noblesse de ses opinions, cause de ses mésaventures judiciaires.
Tony Duret et Eloïse Levesque