INTERVIEW Jean Bousquet : "Jean-Paul Fournier est un visionnaire"
Jean Bousquet a laissé de nombreuses traces de son passage dans la cité nîmoise. Discret depuis, il est de retour sur le devant de la scène avec la relance de la marque Cacharel. A cette occasion, il s'exprime comme rarement à la rédaction d'ObjectifGard. Entretien.
ObjectifGard : La marque Cacharel, créée il y a une cinquantaine d’années, va faire son grand retour à Paris début 2016, vous confirmez ?
Jean Bousquet : Oui, Cacharel est né en 1958 très exactement. Je vous rappelle que la marque représente un oiseau de Camargue, c'est d'ailleurs ce qui m'a donné l'idée du nom de la marque. Le départ de cette aventure a été extraordinaire car elle est arrivée au même moment que la révolution culturelle des années 60-70. Pour vous raconter rapidement mon histoire, j'ai fait mes études à l'Ecole Technique de Nîmes, puis mon apprentissage chez Milagre, qui était une grande couturière de Nîmes. Je suis parti ensuite à Paris pendant deux ans, en 1956 où j'ai vécu mes balbutiements dans une chambre de bonne. En 1958, j'ai crée la marque Cacharel et trois ans après, ce fut un succès foudroyant.
OG : Pourquoi cette relance de la marque aujourd'hui ?
J. B. : Nous sommes dans la même situation que dans les années 60, politiquement compris j'ai envie de dire (rire). Il y a un mouvement autour de la marque, regardez : toute la presse en parle. On sent cette attente. Le marché du textile est aujourd'hui accaparé par la haute couture, où est le prêt à porter ? Une femme quand elle souhaite s'habiller, elle doit trouver tout ce qu'il faut dans le centre des villes et non pas en périphérie, dans ce que l'on appelle le Mass-Market (traduisez "pour le grand public"). Nos vêtements ne seront pas vendus par Internet. On communiquera sur le Web mais on ne vendra pas. Je veux que le public vienne dans nos magasins.
OG : Est-ce que l’on peut imaginer l’installation d’une boutique à Nîmes ?
J. B. : C'est en tout cas ma volonté puisque Nîmes a un potentiel incroyable. Il faut trouver le partenaire sur le projet maintenant.
OG : Et le retour d'une usine dans le Gard en fonction du succès ?
J. B. : C'est utopique. Nous ne pouvons plus fabriquer en France. On a des accords avec des Français qui produisent en Europe de l'Est car la main d'oeuvre y est moins cher. Maintenant, il faut que l'on aille vite. On travaille depuis un an sur la réouverture de boutiques, le moment est venu d'accélérer.
OG : A présent, parlons de Nîmes. Quelle est votre appréciation sur la ville aujourd’hui ?
J. B. : Je trouve qu'elle a une évolution intéressante, elle bénéficie d'un bel éclat.
OG : De quoi êtes-vous le plus fier dans vos réalisations nîmoises ?
J. B. : Le centre-ville ! J'étais encore à Nîmes il y a une quinzaine de jours et je me disais, quelle beauté incroyable ce coeur de ville ! Il y a une ouverture fantastique entre le Carré d'Art, la Maison Carrée, la Place de l'Horloge... Tout le monde milite pour rendre piéton les centre-villes, je crois que Nîmes naturellement aujourd'hui bénéficie d'un espace piéton important.
OG : Quel est le projet qui manque à votre palmarès ?
J. B. : Il y a forcément plusieurs choses. Je dirais spontanément l'hôtellerie touristique. Je crois que nous avons fait un erreur avec le Cheval Blanc, il aurait fallu reprendre cela.
OG : Pensez-vous que le Musée de la Romanité soit une bonne idée ?
J. B. : C'est une très bonne idée. Avec les collections que nous avons, le musée parait aujourd'hui essentiel. Et puis, entre les Arènes, la Maison Carrée, la Tour Magne et ce musée, on bénéficiera d'un potentiel touristique d'exception. Vous savez le tourisme, c'est la plus grande industrie du monde.
OG : Jean-Paul Fournier milite ardemment pour que la ville soit inscrite au Patrimoine mondial de l'UNESCO, vous le soutenez ?
J. B. : Il a tout à fait raison. Les villes ont besoin de visionnaire et Jean-Paul Fournier en est un. Nîmes a un potentiel incroyable. A l'époque, je souhaitais créer le triangle d'or avec Arles et Avignon. J'en profite pour vous dire que je suis très favorable au rattachement du Gard avec la région PACA. Nous avons beaucoup plus de points communs avec les Bouches-du-Rhône qu'avec Toulouse ! Un exemple : nous partageons la Camargue avec qui ?! Notre culture camarguaise doit donc primer.
OG : Vous suivez l’actualité autour du Nîmes Olympique ? Votre sentiment sur la situation ?
J. B. : Cela fait très longtemps que je n'ai plus de relations avec les dirigeants, anciens ou présents. J'ai donc peu d'avis sur la situation actuelle du club. Toutefois, les péripéties de l'année dernière m'ont intéressés, j'ai d'ailleurs milité auprès de certaines personnes pour défendre la cause du club. Mais, j'ai un regard positif sur la suite et je suis persuadé que Nîmes Olympique retrouvera la place qu'il mérite. Le foot, ça va, ça vient.
OG : Vous allez être honoré prochainement puisque votre nom va être collé à celui du Carré d’Art, comment vivez-vous cette distinction ?
J. B. : C'est le plus grand honneur que l'on pouvait me faire, que je pouvais imaginer. Je le ressent comme une très belle récompense, je suis né à Nîmes, j'ai vécu mes plus belles années professionnelles dans cette ville, il n'y a pas plus beau. Souvent, on donne une rue, une place à un ancien maire ou à une ancienne personnalité mais confier mon nom au Carré d'Art auquel je suis très attaché, c'est exceptionnel ! Cette nouvelle (l'inauguration aura lieu le 27 novembre prochain) m'a fait rappeler la colère qui dominait chez certains quand j'ai décidé d'enlever les anciennes colonnes. Finalement, aujourd'hui, personne n'en parle, le Carré d'Art fait l'unanimité.