L’ARDOISE Livrés à eux-mêmes, les 54 salariés d’ACPP lancent un SOS
Silence, on coule : l’usine de chaudronnerie nucléaire située à l’Ardoise se dirige vers un plan social d’envergure, avec la suppression de 54 emplois. Le tout dans un silence assourdissant.
« Tu viens le matin, tu pointes, tu restes le cul sur ta caisse à outils et tu attends. C’est long, c’est très difficile à vivre. » Le cri du cœur est signé d’un salarié d’ACPP l’Ardoise, qui se trouve comme ses collègues dans une situation ubuesque depuis cet été.
Un plan de sauvegarde de l’emploi factice ? « C’est évident »
L’entreprise, spécialisée dans la fonderie nucléaire et qui compte comme clients principaux EDF et Areva se trouve dans une situation financière très précaire depuis le début de l’année. Basée en Normandie, elle compte trois sites, dont celui de l’Ardoise, aujourd’hui menacé.
Comment en est-on arrivé là ? « Cette direction depuis le début fait des mauvais choix stratégiques, en oubliant qu’une entreprise a besoin de diversification, des mauvais choix de facturation ou encore de procédures : je ne suis pas sûr qu’attaquer ses clients EDF et Areva (qui avaient des retards de paiement, ndlr) soit très intelligent. Résultat, aujourd’hui ACPP est descendu en bas de leur liste de fournisseurs », explique Patrick Lescure, secrétaire de l’union locale de la CGT, venu soutenir les salariés d’ACPP.
Aujourd’hui — et même si « la holding CTI (qui possède ACPP, ndlr) va bien » dixit Patrick Lescure — l’entreprise se trouve dans une situation financière très compliquée et a donc lancé la réalisation d’un plan de sauvegarde de l’emploi d’entreprise qui pour l’heure ne concerne qu’un seul site, celui de l’Ardoise, promis à la fermeture. Un plan de sauvegarde qui doit être signé fin décembre, et que les salariés et la CGT considèrent comme factice : « c’est évident, pour Patrick Lescure. Pour l’instant la négociation est proche de zéro et dans les comptes 2015 de l’entreprise, réalisés fin 2014, figure une provision de 300 000 euros pour des licenciements, alors que le plan de sauvegarde de l’emploi date de septembre 2015. »
« La direction est venue démonter les machines pendant qu’on n’était pas là »
Voilà qui explique peut-être pourquoi la direction locale de l’Ardoise a pris le large comme un seul homme au début de l’année, laissant les salariés livrés à eux mêmes. Depuis, alors que l’usine l’ardoisienne travaillait sur quatre projets, deux sur Marcoule et deux sur Cadarache, les salariés sont dans une sorte de chômage technique qui ne dit pas son nom. Laissés sans matières premières depuis cet été, les salariés ont vu leur usine se vider progressivement. Un des salariés raconte : « Petit à petit, la direction est venue chercher les ordinateurs et est venue les 10 et 11 novembre pour démonter les machines pendant qu’on n’était pas là. Les seules qui nous restent sont celles qu’ils doivent avoir en doublon dans le nord. »
Depuis, la production a été entièrement relocalisée dans les sites normands de l’entreprise, et ce « alors que 80 % de ses contrats sont dans le sud-est, au Tricastin, Marcoule et Cadarache », affirme Patrick Lescure. D’ailleurs, des salariés évoquent la présence de six salariés d’ACPP venus de Digueville, dans la Manche, à Marcoule, pour un chantier. « On est là à rien foutre, et six personnes du nord sont à Marcoule, c’est hallucinant », lâche un salarié, dépité. Lui et ses collègues l’ardoisiens touchent malgré tout toujours leur salaire.
L’appel aux politiques et au préfet
Alors aujourd’hui, la CGT et les salariés veulent se faire entendre. « Nous avons interpellé le député (Patrice Prat, ndlr), le président de l’agglo du Gard Rhodanien (Jean-Christian Rey, ndlr) et le maire (Philippe Pécout, ndlr). On aimerait qu’ils réagissent plus fort, ce serait dommage qu’ils laissent partir l’emploi sans bouger le petit doigt », tempête Patrick Lescure. Pour l’heure, si Philippe Pécout a adressé une lettre au Premier ministre en octobre dernier pour l’alerter de la situation, on ne peut pas dire que la mobilisation des élus locaux soit très bruyante, ni visible.
La CGT a aussi saisi le préfet : « on lui a envoyé une lettre il y a trois semaines, sans réponse pour l’instant, affirme Patrick Lescure. On demande une table ronde avec le préfet, qui représente l’Etat, pour voir avec lui ce qu’on peut faire pour sauver ces 54 emplois. » Autre argument du syndicaliste, l’argent public : « ACPP prévoit de recevoir 300 000 euros de CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi, ndlr). Ce serait embêtant que le CICE serve à supprimer l’emploi, sans compter qu’il y a aussi des aides de l’Etat derrière, c’est pourquoi on demande aussi des comptes au préfet. »
En attendant que leur appel soit entendu, les salariés d’ACPP vont distribuer des tracts vendredi matin, en dehors de leurs heures de travail, au croisement de l’Ardoise de 7 heures à 8h30. D’ici là, ils passeront encore leurs journées à attendre, « le cul sur leur caisse à outils. »
NB : Nous avons cherché à contacter le PDG de la holding CTI. Sollicité à plusieurs reprises par nos soins, il n'a pour l'heure pas donné suite.
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Thierry ALLARD