Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 16.03.2016 - tony-duret - 4 min  - vu 4292 fois

L’ENQUÊTE DE LA RÉDACTION (1/4) Disparition de Lucas : ce que l'on sait

Lucas Tronche. DR

Le 18 mars 2015, Lucas, un adolescent de 15 ans vivant à Bagnols-sur-Cèze, a disparu. Début février, Éric et Nathalie Tronche, ses parents, ont accepté de nous aider dans notre démarche consistant à revenir sur les lieux, rencontrer les proches, les voisins, les témoins et comprendre un peu mieux les circonstances de la disparition du jeune homme. Voici le résultat de notre enquête en quatre volets.

Depuis un an, l’affaire de la disparition de Lucas apporte beaucoup plus de questions que de réponses. Face à toutes les incertitudes induites par la disparition de l’adolescent, nous avons décidé de retracer l’emploi du temps de Lucas dans les moindres détails.

« Pars, je ferme »

Nous sommes le mercredi 18 mars 2015. Ce jour-là il fait beau, et les températures sont printanières sur le Gard et à Bagnols. Il est 17 heures passées de quelques minutes chez la famille Tronche, quartier de Saduran. Lucas et son frère Valentin s’apprêtent comme chaque mercredi à partir nager à la piscine de la Légion étrangère, à Laudun-l’Ardoise. Et ils sont en retard. « D’habitude, ils partent à 17 heures », se rappelle Nathalie Tronche. C’est qu’ils ont un bus à prendre, le Edgard dont l’arrêt est de l’autre côté du pont Schumann, à quelques minutes de trottinette. Le grand frère Valentin le sait. « Il faut se bouger », lance-t-il à son petit frère qui lui répond : « Pars, je ferme », ses affaires de piscine à la main.

Depuis, Lucas s’est volatilisé. « Il n’avait pas l’intention d’y aller (à la piscine, ndlr) » : Nathalie Tronche en est convaincue, son fils n’a jamais voulu prendre le car pour Laudun-l’Ardoise. Selon elle, Lucas ne l’aurait pas dit à son grand frère, car « Valentin l’aurait forcé à y aller, aurait essayé de le convaincre ». Les caméras de vidéosurveillance de la ville ont filmé Valentin passer sur le pont Schumann mais pas Lucas, et les affaires de piscine de l’adolescent « avaient été déplacées, mais elles étaient propres, à la maison », note la mère. En revanche, le sac à dos familial, utilisé par Lucas pour ses affaires de piscine, a disparu. « Je suis convaincue qu’il est parti avec », affirme Nathalie Tronche, sans savoir ce que Lucas a pu mettre dedans, ni s’il y a mis quelque chose. Son portable, un iPhone, a disparu lui aussi. Il a été éteint à 17h14. Les appels de Valentin vers 17h30 alors que le car s’apprête à partir resteront sans réponse. Nathalie Tronche rentrera de son travail vers 18 heures. C’est durant ce laps de temps, de 17h10 à 18 heures, que Lucas a disparu.

Domicile des parents de Lucas. Photo Tony Duret / Objectif Gard

« Son couteau est là, c’est particulièrement bizarre »

Une certitude : Lucas a laissé des choses à la maison. Beaucoup de choses : « il part sans ses clés, sans pièce d’identité et sans ses sous », énumère Éric Tronche, interpellé par un objet en particulier. « Son couteau est là alors qu’il le prend toujours en premier. C’est particulièrement bizarre. » Le jour de sa disparition, Lucas avait 120 euros en liquide dans sa chambre, des étrennes qu’il avait économisées. « Ils sont toujours dans sa chambre », souffle le père.

Lors de sa disparition, Lucas avait 13 euros maximum en poche. Éric Tronche se souvient : « ce jour-là, il rentre à la maison vers 12h20 (il avait cours le matin au lycée Gérard Philipe de Bagnols, ndlr). Il déjeune, il y a Annick, la nounou de son petit frère. Son petit frère est invité à l’anniversaire d’un copain à Colombier (à quelques kilomètres de Bagnols, ndlr). Au début Annick demande à Valentin de l’accompagner, mais il n’en a pas envie. Finalement, Lucas y va et accompagne son frère à l’anniversaire. Nathalie avait laissé un billet de 20 euros pour acheter un cadeau, et Lucas a acheté un cadeau d’une valeur de 7 euros. »

Lucas rentre à la maison vers 15 heures, avec la nounou, qui s’en va peu après. A ce moment-là, Valentin joue sur son ordinateur. « Vers 16 heures, il descend goûter, se rappelle le père. Il voit Lucas dans la cour, seul avec son téléphone. » Nul ne sait ce que l’adolescent faisait sur son iPhone. Une certitude, il n’était pas sur Facebook : après une usurpation d’identité, il avait supprimé son profil et se contentait désormais de Snapchat, une application d’échange de photos et de vidéos qui s’autodétruisent après quelques secondes, très prisée par les ados. « On sait qu’il y a un échange de data (données mobiles, ndlr). L’opérateur voit une activité », affirme Éric Tronche. Lucas aurait donc pu avoir un échange sur Snapchat une heure environ avant sa disparition. Pour en avoir la certitude, il faudrait que le réseau social américain accepte de livrer ses données aux enquêteurs du SRPJ de Montpellier, ce qu’il n’a pour l’heure pas daigné faire.

Scouts, badminton et lycée

Dans quel état d’esprit se trouvait l’adolescent la semaine qui a précédé sa disparition ? Après avoir passé le samedi 14 en famille, avec un cousin qu’il apprécie mais qu’il voit rarement, Lucas passe la nuit suivante et la journée du dimanche dans la plaine de Saint-Victor-la-Coste, pour un week-end d’autonomie organisé par son groupe de scouts. « Il est revenu enchanté », se souvient Éric Tronche. Lucas se rend au lycée le lundi, le mardi et va jouer au badminton au gymnase Coubertin comme tous les mardis soirs. « Il en revient super content, il me dit qu’un nouveau, un peu gros, vient d’arriver, et Lucas était lui aussi un peu gros. Ils ont sympathisé », raconte le père. Le mercredi, sa mère le dépose devant le lycée à 7h45, avant de filer à Marcoule. Lucas assiste aux cours toute la matinée, et ses camarades de la classe de seconde scientifique du lycée bagnolais où il culmine à 15 de moyenne générale le trouvent « plutôt joyeux. »

Joyeux, Lucas ne l’est pas tout le temps. Fin février 2015, Éric Tronche se souvient que son fils a eu quelques fois « du mal à se coucher » et que lors du séjour au ski de la famille, quelques jours plus tard, Lucas n’était « pas très joyeux alors que ce sont ses vacances préférées. Il a eu deux jours pas dans son assiette, avant un retour à la normale. »

De là à privilégier une piste plutôt qu’une autre, il y a un pas que nous ne franchirons pas ici. Des témoignages, nombreux, viennent tantôt les appuyer, tantôt les questionner, comme vous pourrez le lire aujourd’hui, à 10h, dans le deuxième volet de notre enquête.

Voir ici l'avis de recherche de Lucas

Tony DURET & Thierry ALLARD

Tony Duret

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