Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 24.03.2016 - eloise-levesque - 2 min  - vu 442 fois

ALÈS ITINÉRANCES Azouz Begag : "J'étais plus heureux en bidonville qu'en banlieue"

Azouz Begag, auteur du Gone de Chaâba et ancien Ministre délégué à la Promotion de
l'Égalité des chances. Eloïse Levesque/Objectif Gard

Ce mardi, le festival Itinérances présentait "Chaâba, du bled au bidonville" au Cratère d'Alès. Le film documentaire retrace l'histoire de plusieurs familles de Français d'Algérie venus en métropole pour trouver un emploi, et installés dans un bidonville de la périphérie lyonnaise. Parmi eux, Azouz Begag, ex-Ministre délégué à la Promotion de l'Égalité des chances sous le gouvernement de Villepin, chercheur en économie, et auteur du "Gone de Chaâba", témoigne.

Objectif Gard : Comment est né ce projet cinématographique, tiré de votre roman écrit en 1986 ?

Azouz Begag : J'étais la référence de mon neveu, Wahid Chaïb, co-réalisateur. Je lui ai transmis l'appétit de l'art, de la recherche de soi. Les années passant, il a souhaité revenir vers sa mémoire pour donner du sens à son travail de musicien. Il est important et utile d'aller à la recherche de l'histoire.

Quels souvenirs gardez-vous de la période pendant laquelle vous avez vécu dans le bidonville de Chaâba ?

J'y ai passé mes dix premières années, l'âge où on fait le plein pour le reste de sa vie. On vivait dans la misère la plus totale mais le confort culturel et social compensait. On était proche de la nature, des animaux, du rythme des saisons. Tout était simple.

Pourtant, dans le documentaire, vous évoquez le racisme dont vous étiez déjà victime...

Oui, bien sûr, y compris à l'intérieur de ma propre communauté. Je travaillais bien et certains jalousaient ma réussite. On me traitait de sale Français. De l'autre côté, on m'insultait de sale Arabe. Personne n'a le monopole de la connerie et le racisme vient des deux côtés. Le paradis n'existe pas. Le festival qui nous réunit est une petite étincelle qui nous rappelle que la culture et la connaissance est le chemin qu'il faut suivre.

Dans les années 60, pour loger la main d'oeuvre étrangère, le gouvernement autorise l'expropriation de ces centaines de bidonvilles en France pour construire des HLM. Comment l'avez-vous vécu ? 

J'étais plus heureux à Chaâba ! Construire massivement et dans l'urgence était un mauvais plan. Il n'y avait aucune insonorisation, tout le monde entendait tout. Quand au seul ascenseur, il était toujours en panne. Ceux du 20e devaient monter à pied parce que ceux du 1er avaient joué avec la veille. J'ai vu monter la colère. Le béton a durci les mentalités.

Un retour en arrière est-il possible ?

Il est déjà entamé. On a démoli de nombreux immeubles et commencé à reformuler la topographie des banlieues. Il n'est pas trop tard. Nous avons encore des millions d'années à vivre et ce sont les générations suivantes qui vont en bénéficier. On ira au bout et on inventera même d'autres solutions.

Propos recueillis par Eloïse Levesque

Eloïse Levesque

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