Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 18.05.2016 - eloise-levesque - 4 min  - vu 366 fois

L'ENQUÊTE (3/3) Cocos jusqu'au bout ?

Le communisme résiste mieux en Cévennes qu'ailleurs, mais jusqu'à quand ? Éloïse Levesque/Objectif Gard

L'histoire des Cévennes, cette zone montagneuse située aux confins du Gard, de la Lozère et de l'Ardèche, est profondément marquée par le communisme. Mais la vague rouge qui s'est emparée de ce territoire depuis plus d'un siècle est aujourd'hui moins puissante et plus fragile. Objectif Gard a mené l'enquête pour tenter de comprendre l'évolution de l'un des derniers bastions de France. Dernier volet de cette enquête.

N'en déplaise à ses détracteurs, le communisme habite toujours les Cévennes. Et ce n'est pas près de changer. Malgré un déclin notable, les cocos résistent bien mieux qu'ailleurs : ils gèrent encore un bon nombre de municipalités. Les plus anciens le constatent eux-mêmes, « très peu de mairies communistes ont changé de bord », assure Michel Mercier, maire du Martinet. L'un de ses conseillers municipaux, l'octogénaire André Bonnefoi, ne conçoit pas que sa mairie ne soit plus rouge : « Moi vivant, les communistes ne perdront pas la municipalité du Martinet ! ».

Cette cité minière de 850 habitants, située aux portes des contreforts des Cévennes, n'a jamais été dirigée par un élu de droite depuis la naissance du communisme en 1921. Un attachement que le maire explique par « une forte tradition ouvrière perpétrée de génération en génération ». C'est aussi l'un des seuls villages qui compte encore un nombre important de mineurs : entre 20 et 30 y résident encore, ils font vivre une cellule PC d'une trentaine de membres.

Encore des records...

Le Martinet n'est pas la seule commune à conserver son identité rouge. La Vernarède, Les Mages, Cendras, Rousson, Saint-Jean-du-Pin, Salindres, Saint-Julien-les-Rosiers... Dans ces villages, même si les électeurs communistes sont avant tout attachés à la personnalité du maire - souvent un voisin et parfois même un ami -, ils restent viscéralement accrochés à la culture d'extrême gauche. Quand le PC comptabilise nationalement 11% des voix aux dernières élections présidentielles, il grimpe à 43% à La Vernarède et à 25% à Sainte-Croix-de-Caderle. De beaux records.

« Il y a encore une belle résistance avec les derniers ouvriers cévenols et les immigrés néo dont certains votent écolo », analyse l'historien Patrick Cabanel. Pour Sylvain André, ancien secrétaire de section à Alès et élu à Cendras : « Il y a en Cévennes une culture de lutte, de résistance, qui d'ailleurs n'appartient pas au PCF. Si nous résistons, c'est grâce à ce côté proche et solidaire des gens. C'est aussi parce-que le contexte politique local convient aux électeurs ».

...Encore des victoires

Mieux, certains candidats communistes ont même réussi l'exploit de faire basculer des mairies à gauche toute. En 1995, le jeune conseiller départemental Patrick Malavieille remporte dès le premier tour les élections municipales de La Grand'Combe. « C'est une ville jeune créée par la mine au XIXe siècle. Les cadres et ingénieurs s'y étaient installés. L'activité était uniquement tournée vers le charbon. Comme à Alès, avec la désindustrialisation, elle avait besoin d'un renouvellement. Malavieille a fait mouche, sa personnalité l'a beaucoup aidé à être élu », se souvient Alain Laurens, journaliste à La Marseillaise. Depuis, celui qui a aussi été député, enchaîne les victoires dans sa commune.

Patrick Malavieille lors de sa victoire aux élections départementales de 2015. Éloïse Levesque/Objectif Gard

Autre cas : celui de Saint-Martin-de-Valgalgues, qui abritait la mine de Ladrecht. Si la députée PCF Adrienne Horvath était à sa tête jusqu'en 1989, la droite s'empare de la cité jusqu'en 2014. Date à laquelle Claude Cerpedès, ancien syndicaliste, s'assoit dans le fauteuil de maire. Au Département également, les indéboulonnables communistes comme Jean-Michel Suau et Jacky Valy tiennent bon. Mieux, en 2015, Patrick Malavieille et sa binôme Isabelle Fourdoux Jouve sont les seuls conseillers départementaux communistes gardois à avoir été élus au premier tour.

Mais l'esprit « coco » ne se traduit pas que dans les urnes. Les « camarades » continuent à se rassembler lors de manifestations traditionnelles telles que la fête de Lézan (qui a toutefois perdu de son ampleur), la fête des gueules noires à La Vernarède et le retour de la fête des solidarités au Martinet. A Alès, le Prolé attire toujours de nombreux sympathisants de gauche, en particulier pendant la Feria.

Quel avenir pour les Cévennes ?

 « Tout est possible aujourd'hui. Alès peut même repasser communiste ! », envisage Alain Laurens. C'est bien connu, si Max Roustan est autant plébiscité, c'est avant tout pour sa spontanéité, si chère aux Cévenols, et pas forcément pour sa sensibilité politique. Un Max Roustan coco plairait sans doute tout autant. Le principal intéressé le dit lui-même, « rien n'est jamais perdu en politique ! ».

Quant au reste des Cévennes, la tendance n'est pas favorable au parti mais ses partisans ont de la ressource et se veulent optimistes : « Ce n'est pas possible que cet idéal de liberté et de justice disparaisse. Ça ne s'appellera peut-être plus le PCF, mais le capitalisme ne peut pas perdurer sinon l'humanité court à sa perte. Nous arriverons à regagner nos positions par des réformes révolutionnaires », espère Jean Molinier, ancien secrétaire de section dans les années 1970.

En attendant une nouvelle Révolution, les cocos restent mobilisés sur chaque grand mouvement contestataire. « On sera toujours présent pour défendre le bifteck de ceux qui ont le plus de difficultés. Qui va le faire quand nous ne serons plus là ? » interroge Jean-Claude Paris, maire des Mages. C'est là où le bât blesse. A Alès comme dans les autres sections, force est de constater que la jeunesse peine à prendre la relève. Cocos jusqu'au bout mais jusqu'à quand ?

Éloïse Levesque et Élodie Boschet

Eloïse Levesque

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