FAIT DU JOUR Ils ont tout quitté pour élever des chèvres en Cévennes !
Amandine et Frédéric, 26 et 41 ans, arrivent tout droit de Bourgogne. Cette commerciale et ce chef de projet ont tout abandonné pour élever, depuis novembre dernier, un troupeau de 40 chèvres sur les hauteurs de Mialet, à la ferme de Bellis.
Bâton de berger à la main, chaussures de marches aux pieds et cigarette roulée au bec, Frédéric admire le paysage. La vue sur les massifs cévenols est imprenable. Habituées au panorama, ses 40 chèvres broutent l'herbe et se lèvent sur deux pattes pour attraper les feuilles de châtaigniers. Trois petits chevreaux suivent avec plus ou moins d'habileté le modèle de leurs congénères. Frédéric, lui, ne boude pas son plaisir.
Il y a un peu plus de deux ans, ce quadragénaire d'origine parisienne était encore chef de projet en agencement intérieur. « Je travaillais pour des hôtels de luxe », précise-t-il, assis sur un amas de pierre, à l'ombre d'un vieux châtaignier. Puis, suite à la liquidation de son entreprise, il se retrouve au chômage : « Soit je retrouvais un job similaire, soit je changeais de cap. Et ça commençait à me gêner d'être un consommateur de la société. En choisissant de devenir paysan, j'ai voulu devenir acteur de ma vie et acteur du territoire. On retrouve des choses vraies, des valeurs essentielles dans ce métier-là ». Ni une, ni deux, il commence une formation en agriculture biologique et embarque sa compagne, Amandine, dans l'aventure.
Ils sauvent la dernière exploitation caprine du village
Le monde agricole n'est pas quelque chose d'inconnu pour l'ancienne commerciale. « Mon père est éleveur de bovins. Je me suis toujours dit que je ne reprendrai jamais une exploitation », raconte-t-elle. Ne jamais dire jamais. Aujourd'hui, la jeune femme ne regrette pas son choix : « J'ai envie de fonder une famille et je souhaite que mes enfants puissent avoir le mode de vie que j'ai eu la chance de connaître étant jeune ».
Loin de la campagne bourguignonne, c'est en Cévennes que le couple a décidé de poser ses valises. À18 ans, Frédéric était venu passer des vacances dans le coin. « Je me disais que si j'avais un jour l'occasion de m'y installer, je le ferai », se souvient-il. Après plusieurs visites d'exploitation dans le sud de la Lozère, autour de Saint-Étienne-Vallée-Française, le duo, accompagné par la Safer*, craque pour ce coin de paradis découvert sur la commune de Mialet, à La Fage, un petit hameau caché derrière la route en lacets qui mène au col d'Uglas. L'exploitation caprine, la dernière du village, existe déjà et les propriétaires veulent s'en débarrasser. Le rêve d'Amandine et Frédéric prend forme. Leur exploitation s'appellera « La Ferme de Bellis ».
500 fromages fabriqués chaque jour
En novembre dernier, les voilà installés en terre cévenole. Leur nouvelle vie démarre : debout dès 5h du matin, Frédéric gère la traite de 7h, le nettoyage de la chèvrerie, les sorties du troupeau. Amandine, elle, passe sa matinée à la fromagerie. Elle démoule, retourne, sale, fait sécher les fromages et moule le lait préparé la veille. Environ 500 fromages sont fabriqués chaque semaine et vendus sur les marchés de Saint-Jean-du-Gard et de Générargues, chez quelques restaurateurs mais aussi directement à la ferme. « Nous avons pour objectifs d'obtenir le label AOP Pélardon et, à terme, de tripler la production ».
Leurs ambitions ne s'arrêtent pas là. Les jeunes agriculteurs prévoient également d'intégrer la filière d'excellence du Baron des Cévennes d'ici l'automne 2017, avec huit cochons au départ, puis 24 ensuite. Prêts à exploiter à fond leur propriété de 26 hectares, ils souhaitent aussi réhabiliter leur châtaigneraie pour fabriquer un peu de farine. Enfin, le projet de chambres et tables d'hôtes trotte dans leur tête pour une ouverture dans plusieurs années. De quoi devenir complètement chèvre...
*Société d'aménagement foncier et d'établissement rural
Élodie Boschet