ST-LAURENT-DES-ARBRES Le secrétaire d’État et les plaies à vif des Harkis
Le secrétaire d’Etat aux anciens combattants Jean-Marc Todeschini était lundi après-midi sur l’ancien camp de Harkis de Saint-Maurice-l’Ardoise, situé à cheval sur les communes de Saint-Laurent-des-Arbres et Laudun-l’Ardoise.
Un lieu perdu dans les vignes où rien ou presque ne subsiste du camp dans lequel ont été placés plusieurs milliers de Harkis entre 1962 et 1976.
« La France sait ce qu’elle vous doit »
Au delà d’une plaque commémorative à l’entrée, ce sont les hommes et les femmes qui y ont vécu dans « des conditions de vie particulièrement précaires et insalubres », dixit le secrétaire d’Etat, qui rappellent ce qui s’y est passé.
Si Jean-Marc Todeschini est venu à l'invitation du député Patrice Prat pour dire que « la France fait aujourd’hui face à son histoire et à sa vérité », que « le Président de la République a reconnu la responsabilité de l’Etat dans l’abandon des anciens membres de forces supplétives et de leurs proches », la colère des Harkis présents n’a pas semblée apaisée.
Le secrétaire d’Etat a eu beau affirmer que « la France sait ce qu’elle vous doit », rappeler le « plan Harki » présenté le 25 septembre 2014*, qui prévoit notamment la transformation des anciens camps en lieux de mémoire, ce qui a encore une fois été demandé par le maire de Saint-Laurent Philippe Gamard, les plaies restent à vif.
« On veut réparation »
Ainsi, le coordinateur du rassemblement militant de la cause Harkie Hocine Louanchi, qui n’a pas pu pénétrer sur le camp pour la visite du secrétaire d’Etat, n’a pas caché sa colère : « C’est une honte ! On est en train de se moquer de nous une fois de plus ! » Lors d’un entretien informel avec Jean-Marc Todeschini, le militant qui fut un des meneurs de la révolte Harkie dont Saint-Maurice-l’Ardoise a été une des places fortes et qui a abouti à la fermeture de ces camps de la honte, a pu dire ce qu’il avait sur le cœur, quarante ans après la fermeture des camps.
« Ce qu’on demande, ce n’est pas de la mendicité, mais que la France reconnaisse l’abandon — vous l’avez dit — et le massacre des Harkis, ça vous ne l’avez pas dit ! On est prêts à aller au tribunal et devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour demander réparation. » Un autre fils de Harki interpellera le secrétaire d’Etat pour lui demander de « reconnaître le génocide Harki », et un autre s’insurgera contre l’exposition du mémorial de Rivesaltes : « elle est fausse, il faut qu’elle saute, on ne la reconnaît pas ! »
Une colère symbole de plaies toujours à vif, malgré les efforts faits ces dernières années par l’Etat. Des efforts encore jugés insuffisants pour que cette blessure puisse commencer à cicatriser. Au secrétaire d’Etat Hocine Louanchi affirmera simplement : « on veut réparation, une loi au parlement. » Une proposition de loi en ce sens a été déposée au printemps dernier par des députés de droite
En attendant, le militant Harki l’annonce, « le 14 juillet, on sera ici. »
* Ce plan compte deux volets, un sur la reconnaissance des Harkis et un autre sur la réparation du préjudice subi. Outre la transformation des anciens camps en lieux de mémoire, le plan comporte aussi des emplois réservés ou encore une aide au rachat des trimestres de cotisation retraite pour les enfants de Harkis.
Thierry ALLARD