JUSTICE La micro-crèche qui ne voulait pas de Rose, fillette épileptique
En février 2016, Rose est exclue de sa micro-crèche de Meyrannes. La raison ? Son épilepsie. Suite à la plainte « pour discrimination » déposée par ses parents contre les services publics, le procès s’est tenu ce vendredi au tribunal correctionnel d’Alès.
Rose n’est pas là, mais un grand cadre de plusieurs photos d’elle trône sur l’un des bancs de la salle d’audience. Le banc où Émilie et Fabrice, les parents de la fillette, se sont assis pour suivre ce procès qu’ils attendaient tant. Un banc sur lequel ils entendront deux des trois prévenus s’expliquer sur l’exclusion de leur enfant : Gérard Ratier, directeur de Présence 30, l’association gestionnaire, et Olivier Martin, président de la Communauté de communes De Cèze Cévennes, délégataire de la micro-crèche. Sandrine Duval, directrice de l’établissement au moment des faits, n’est pas présente.
L’histoire commence en janvier 2016. Rose, âgée d’à peine deux ans, est prise en charge depuis plus d’un an à la micro-crèche Les Drollets, à Meyrannes, à deux pas du domicile familial de Saint-Brès. Le personnel de la structure connaît la pathologie de Rose, à savoir une maladie génétique orpheline, pouvant provoquer une épilepsie. En cas de crise, un seul médicament à lui administrer : le Buccolam, une solution buccale qui se présente sous forme de seringue pré-remplie. Le cas de Rose, explicité dans un programme d’accueil individualisé (PAI), ne pose aucune difficulté. Jusqu’au jour où la directrice en poste, qui est aussi infirmière, quitte ses fonctions. L’ennui, c’est que sa remplaçante, une certaine Sandrine Duval, n’est pas titulaire du diplôme d’infirmière. La situation se gâte. Que va-t-on faire de Rose ? D’autant que la nouvelle directrice a une autre vision des choses. Pour elle, la place de fillette épileptique – qui n’a fait qu’une seule crise depuis son arrivée à la micro-crèche – est dans un institut spécialisé.
Le couperet tombe rapidement. Rose est exclue le 29 février. La décision est à effet immédiat. « Nous fonctionnons dans un cadre réglementaire précis. Avec le départ de notre infirmière, nous n’étions plus habilité à administrer, en cas de besoin, le médicament à Rose », explique Gérard Ratier. Car le nœud du problème est là : qui peut administrer le fameux Buccolam ? « Seulement une infirmière », persiste Gérard Ratier. Alors, lorsque celle-ci était absente, quel protocole était prévu ? Interrogée à la barre du tribunal, l’infirmière et ancienne directrice répond elle-même : « L’équipe devait appeler le 15 pour qu’un médecin urgentiste autorise l’administration du médicament. C’est le règlement ». Sauf qu’une crise d’épilepsie, ça n’attend pas. « Il faut agir dans la minute ! », lance Olivier Martin. « Et personne ne peut garantir qu’un médecin répondra si vite. Nous n’avons donc pas voulu prendre de risques », poursuit-il.
Pour les parents, la pilule a du mal à passer. C’est clairement de la discrimination. Leur avocate, dans sa plaidoirie, avance qu’ « aucun texte n’interdit à une micro-crèche sans personnel soignant d’accueillir un enfant qui a une pathologie ». Pour elle, « la vérité, c’est que l’épilepsie ça fait peur ». A contrario, les conseils des prévenus soutiennent « qu’il n’y a pas de discrimination » et que « la loi, c’est la loi ». Elles plaident la relaxe. La décision sera rendue le 10 mars. Rose, quant à elle, va bien. Elle est aujourd’hui à la crèche de Saint-Ambroix.
Élodie Boschet