Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 08.03.2017 - tony-duret - 5 min  - vu 945 fois

JUSTICE 30 ans réclamés contre Autrand, 20 ans contre Bouabida

Photo Tony Duret / Objectif Gard

Fabrice Autrand, un chef d’entreprise alésien âgé de 45 ans, est soupçonné de complicité de tentative d’assassinat sur sa compagne Rachel. Il aurait engagé l’ancien videur de sa discothèque, Mourad Bouabida, pour l’éliminer. Le motif ? Rachel ne s’entendait pas avec la mère de Fabrice (relire ici) 

Ils parlent enfin ! Depuis le début du procès, vendredi après-midi, Fabrice Autrand et Mourad Bouabida n’avaient eu qu’un temps de parole limité. La cour d’assises du Gard a pu les connaître un peu mieux ce mardi matin à l’occasion de l’examen de leur personnalité.

Les mains dans le dos, Fabrice Autrand a fait dans l’introspection, admettant qu’il en est resté « au stade de petit garçon ». Il a retracé sa vie : son enfance, heureuse, faite de déplacements liés au travail de son commissaire de père, ses études, son premier et seul emploi à Cévennes Déchets, ses années de gérant de la discothèque Le Caveau à Alès, son rythme effréné et… sa mère !

-      Hier, j’ai été déçu par son comportement à la barre. Elle n’a eu aucune empathie envers moi.

Il concède aussi une faiblesse vis-à-vis de la gente féminine :

-      Je n’arrive pas à m’imposer devant les femmes. Quand j’étais devant ma mère, je défendais Rachel et l’inverse devant Rachel.

Mourad Bouabida : « J’étais le monstre de la foire »

Mourad Bouabida se lève à son tour avec la ferme intention de mettre un terme à tout ce qu’il a entendu. Et quand ce méditerranéen parle avec sa voix forte, on l’écoute.

-      On essaie de me montrer comme quelqu’un de violent, ce que je ne suis pas du tout. Oui, je mesure 1,85m pour 100kgs et je n’ai peut-être pas un faciès des plus jovial (sic) mais je n’ai aucune condamnation pour violence. Les problèmes, je les règle en discutant. Je ne comprends pas pourquoi cette réputation m’a été faite.

Ce solide gaillard revient ensuite sur son handicap visuel, une blessure que l’on sent profonde et dont il parle avec pudeur.

-      C’est quelque chose que je n’accepterai jamais de vie. Avec une infirmité dans un quartier, j’étais le monstre de la foire. J’ai une vue périphérique, sur les extérieurs. Je regarde de travers : les gens ont pris ça pour de l’arrogance.

Fabrice Autrand : « Bouabida était un intermédiaire »

La présidente Geneviève Perrin aborde les faits. La salle d’audience est pleine à craquer. Le premier à se lever est l’imperturbable, le concentré, le bon élève Fabrice Autrand. Il revient assez froidement sur les différentes hypothèses évoquées pour éliminer sa compagne qui, elle, est effondrée face à lui. Il tente ensuite de disculper son co-accusé qui, d’après lui, ne peut pas être le tireur :

-       Il n’a jamais été question qu’il le fasse. Jamais je ne me serais fait tirer dessus par un gars qui ne voit rien à deux mètres. Pour moi, Bouabida était un intermédiaire.

Mourad s’empresse de confirmer. Fabrice ne lui a jamais fait part de ses projets criminels. Il n’a découvert les tensions dans le couple que le lendemain des faits, quand il a été invité chez les Autrand en présence de plusieurs amis. Quant aux nombreuses conversations téléphoniques entre les deux hommes, appels qui ont considérablement augmenté à l’approche des faits, c’est strictement professionnel. Et l’ADN retrouvé sur le sac poubelle, dans la chambre, le soir du drame ?

-      Il m’est passé dans les mains, admet Mourad. Mais à quel moment ? J’en sais rien.

-      Et pourquoi M. Autrand maintient que vous êtes impliqué dans cette affaire ?, poursuit la présidente.

-      Peut-être pour protéger quelqu’un d’autre. De me jeter en pâture, ça le dérange pas.

Maîtres Christol Gérard et Iris. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Plaidoiries magistrales

Les avocats des parties civiles, eux, vont se contenter de protéger leur cliente Rachel. Et le père, le bâtonnier Gérard Christol, et sa fille Maître Iris Christol, vont le faire admirablement, magistralement. Pendant près d’une heure, c’est Iris qui plaide avec finesse, justesse et beaucoup d’émotion. Celle-là même qu’il manquerait à Fabrice Autrand dont elle fustige la préméditation et le cynisme :

-      Il se dit submergé par l’émotion alors que six mois avant les faits, il tapait les mots « impôt pour les veufs » sur Internet.

Son père Gérard Christol, plaidant pour le seul enfant du couple, un petit garçon de 4 ans, ira directement toucher le cœur des jurés. En regardant Fabrice Autrand, il s’exclame :

-      Je souhaite à votre fils de devenir ce que vous n’avez jamais réussi : un homme (…) Si un jour, quand vous sortirez de prison, votre fils vous attend devant la porte, laissez-le partir.

30 ans pour Autrand, 20 ans pour Bouabida

Dans la foulée, l’avocat général Stéphane Bertrand s’attachera surtout à démontrer que non seulement Mourad Bouabida est impliqué, mais que « ça ne peut être que lui le tireur ». Il s’explique :

-      Lorsqu’il entre dans la pièce, il allume la lumière. N’importe quel tireur serait rentré dans la pénombre. Personne n’aurait allumé la lumière, sauf Mourad Bouabida. Deuxième chose : que fait le tireur ? Il est à un mètre du lit mais il ne tire pas. Il s’approche, il monte sur le lit. N’importe quel tireur aurait tiré sauf si c’est Mourad Bouabida. (…) Pourquoi dire à sa victime « bouge pas, bouge pas» ? La seule raison, c’est que c’est Mourad Bouabida, parce que si elle bouge, c’est compliqué pour lui.

Et de conclure :

-      Avec n’importe quel autre tireur, elle était morte.

Stéphane Bertrand demande donc 20 ans de prison contre Mourad Bouabida et 30 ans contre Fabrice Autrand :

-      Je n’aurais pas hésité à demander la peine maximale s’il avait eu une autre mère.

Maître Isabelle Mimran et le bâtonnier Jean-Pierre Cabanes. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Une erreur judiciaire ?

Avant les plaidoiries, la présidente de l’audience a annoncé qu’elle poserait une question supplémentaire aux jurés concernant Mourad Bouabida. Jugé pour « tentative d’assassinat », elle compte dorénavant demander s’il est « complice de tentative d’assassinat ». Un ajout dont profitent les avocats de l’agent de sécurité, Maîtres Aurélien Vergani et Olivier Massal.

-      Si ça, ça ne sème pas le doute, constate Olivier Massal. Bouabida, on ne veut pas le laisser s’échapper. La justice, c’est comme la nature, elle a horreur du vide. S’il n’est pas l’auteur, il sera complice !

Aurélien Vergani est sur le même registre quand il s’adresse aux jurés :

-      Vous n’êtes pas là pour combler les failles du dossier. C’est un dossier qui prend l’eau. Depuis trois ans on affirme que c’est mon client qui a tiré. Aujourd’hui, on est plus tout à fait sûr alors maintenant on parle de complicité…

La suite, c’est demain, à partir de 8h30, avec les plaidoiries de Maître Isabelle Mimran et du bâtonnier Jean-Pierre Cabanes pour la défense de Stéphane Autrand. Le verdict est attendu dans la journée.

Relire ici le résumé de la première journée d'audience

Relire ici le résumé de la deuxième journée d'audience

Tony Duret

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