Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 11.03.2017 - thierry-allard - 4 min  - vu 415 fois

FAIT DU JOUR Patrice Prat : "J’ai perdu goût à la politique"

Le député du Gard Patrice Prat (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Quelques jours après l’annonce du retrait de sa candidature aux élections législatives sur la troisième circonscription, le député sortant ex-PS Patrice Prat se confie.

Le parlementaire en dit plus sur les raisons qui l’ont poussé à prendre cette décision qui en a surpris beaucoup. Entre lassitude, sentiment d’impuissance et « quinquennat raté », Patrice Prat choisit donc à 51 ans de partir « dans le privé ».

Objectif Gard : lors d’un meeting à Rochefort-du-Gard le 25 novembre dernier, vous annonciez votre candidature aux législatives. Que c’est-il passé entretemps ?

Patrice Prat : Tout simplement je n’étais peut-être pas allé au bout de ma réflexion. Depuis deux ans, je me posais la question de mon maintien ou pas dans la vie politique, beaucoup m’ont encouragé à me déclarer dès septembre, j’avais repoussé mais l’insistance a fait que j’ai fini par déclarer ma candidature. Le fait est que j’ai perdu goût à la politique, le système politique ne me correspond plus et comme j’ai l’impression de prêcher dans le désert, il vaut mieux quitter la scène.

« Comme j’ai l’impression de prêcher dans le désert, il vaut mieux quitter la scène »

Dans la lettre par laquelle vous avez annoncé votre décision dimanche, vous dressez un bilan très dur de votre mandat. On a même le sentiment que vous êtes dégoûté de la politique…

Je suis en tout cas lucide et conscient des limites du mandat de parlementaire. Rien ne sert de fantasmer sur ce mandat, si on veut véritablement servir utilement, on peut le faire autrement, en tout cas tant que les institutions demeurent en état et que le système politique ne se renouvelle pas. Aujourd’hui, être parlementaire ne donne pas le pouvoir, les moyens et la latitude pour influer sur la trajectoire du pays et pour pouvoir améliorer les conditions d’existence des gens. Certains me disaient que j’étais le seul à pouvoir faire rempart contre le FN, ils venaient de la droite, de la gauche, de la gauche de la gauche, mais est-ce un argument suffisant pour renouveler l’expérience ? Je crois que non. Si je gagne, je vais encore devoir vivre 5 ans comme je les ai vécu, plutôt assez mal. Nul n’est irremplaçable, et j’espère que la circonscription conservera un député issu des rangs démocrates et républicains.

Toujours dans votre lettre, vous parlez d’un « hiver démocratique ». Ne serait-ce pas au contraire le moment de s’engager plus que jamais ?

L’hiver démocratique est à la fois la menace d’un pouvoir entre les mains de l’extrême droite, mais ce n’est pas seulement ça. J’ai l’intime conviction que quelle que soit l’alternance en 2017, ce pays va vers de sérieuses difficultés s’il ne se remet pas profondément en question, et c’est d’abord aux femmes et aux hommes politiques de revoir leur façon d’exercer le pouvoir. Ce pays est sous tension et les futurs responsables ne pourront plus faire de la politique comme avant, sinon nous allons vers de graves déconvenues.

Ce quinquennat a-t-il tué la gauche ?

François Hollande a fait exploser la gauche et lui a rendu la vie extrêmement difficile. Ses divisions m’inquiètent. Ce quinquennat est raté, c’est un énorme gâchis et je fais porter la principale responsabilité à celui qui a présidé la France pendant cinq ans.

« Le candidat En Marche, si j’étais en lice il ferait pschitt »

Revenons à la troisième circonscription. Vous partiez sans parti politique, avec le PCF et la France insoumise à votre gauche, une candidate PS et un candidat En Marche. Aviez-vous la place d’y aller de toute façon ?

Pour moi, les choses sont relativement simples. Il y avait une partie de la gauche avec laquelle je discutais, car il n’y a pas de succès possible sans que la gauche se rassemble, et je l’aurais fait aussi bien avec Catherine Eysseric (la candidate PS, par ailleurs sa suppléante durant son mandat parlementaire, ndlr) qu’avec le PCF, c’était pour moi un impératif. Quant au candidat En Marche, si j’étais en lice il ferait pschitt, il ne compterait pas dans le paysage. Le fait que je m’efface lui donne un peu d’oxygène, mais pour moi cette candidature était asphyxiée par la place que j’occupe déjà.

Un mot sur le soutien de votre successeur à Laudun-l’Ardoise, Philippe Pecout, à Emmanuel Macron, alors qu’il avait soutenu Arnaud Montebourg pour les primaires ?

C’est sa responsabilité, pas la mienne.

Il a quand même attendu samedi, alors qu’il était déjà sans doute au courant de votre renoncement…

Je ne lui tiens pas la main, il est assez grand. J’ai déjà fait beaucoup pour lui et pour d’autres et ce n’est pas au moment où je me retire que je vais commenter ce genre de choses.

« Je ne suis pas sous perfusion du système politique »

Qui soutenez-vous dans la campagne présidentielle ? Comptez-vous jouer un rôle actif ?

Je ne serai pas actif, j’ai à préparer ma reconversion. Je fais un pari sur l’avenir, c’est un vrai défi. J’ai à reconstruire tout à zéro, je ne vais pas m’épuiser dans une élection sur laquelle je porte un regard sévère. La gauche est très mal partie, je ne crois pas aux berceuses d’Emmanuel Macron et la droite n’en parlons pas. Je suis très interrogatif sur cette présidentielle.

Vous parlez de votre reconversion. Où reverra-t-on Patrice Prat ?

Tout est en train de se construire, je ne peux pas vous répondre fermement sur le sujet. Tout ça nécessite du travail, les choses n’auront pas pris forme avant septembre prochain, mais je vais reprendre un peu le goût de l’action. Ce que je peux vous dire, c’est que ce sera dans le privé, j’ai d’ailleurs été onze ans dans le privé, je ne suis pas sous perfusion du système politique, c’est pour ça que j’ai cette audace aujourd’hui.

La politique, c’est définitivement fini ?

Je ferai de la politique différemment, pourquoi pas en m’engageant dans la vie associative, mais à ce stade je dois me consacrer à ma reconversion. Après, je ne lis pas dans le marc de café, mais mon souci principal est de réussir ma reconversion professionnelle. je n’ai pas le droit à l’erreur.

Propos recueillis par Thierry Allard

Thierry Allard

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