FAIT DU JOUR La recyclerie du Gard rhodanien, 3 millions et des questions
Tout a commencé le 3 juillet dernier, lors du conseil communautaire de l’Agglo du Gard rhodanien.
On découvrait à la quarante-quatrième question du touffu ordre du jour que l’Agglo avait un projet de création de recyclerie sur son territoire, pour un montant total de 3,35 millions d’euros. Une recyclerie qui serait implantée à proximité de la déchetterie de Laudun-l’Ardoise, au niveau du rond-point des Quatre chemins.
« Aujourd’hui toutes les possibilités sont ouvertes »
Un projet pour lequel elle demandait pas moins de 1,40 million d’euros de subventions à l’ADEME et la Région, et que certains élus ont découvert à ce moment là. Le maire de Saint-Nazaire Gérald Missour s’abstiendra, arguant du manque d’informations. « Je n’en avais jamais entendu parler, explique-t-il trois mois plus tard. C’est un projet à 3 millions d’euros, et on se retrouve à voter début juillet, devant des bancs clairsemés. »
Pourtant, ce projet « ne sort pas de nulle part, affirme Guillaume Jarrié, directeur de cabinet du président de l’Agglo. Il a été travaillé par le SITDOM (feu le syndicat de traitement des ordures ménagères, absorbé par l’Agglo le 1er janvier dernier, ndlr), et toutes les communes de l’Agglo siégeaient au SITDOM. » Cependant, Guillaume Jarrié reconnaît que la délibération a été présentée un peu rapidement, « car on avait une deadline concernant des subventions potentielles au cas où on ferait le projet. » Et l’Agglo de préciser que la délibération en question ne l’engage pas à faire la recyclerie.
Autre problème pour Gérald Missour, le coût du projet : « la recyclerie de Redon, en Ille-et-Vilaine, a coûté 685 000 euros, et la communauté de communes de Redon fait à peu près notre taille. Cette différence de coût est énormissime. » « Ce montant est à préciser, à ce stade nous en sommes à l’estimatif, tempère Guillaume Jarrié. Aujourd’hui nous poursuivons la réflexion entamée par le SITDOM, le projet n’est pas finalisé. » En clair : l’Agglo n’a pas encore décidé si elle ferait une recyclerie, ou pas. Elle n’aurait pas non plus décidé du mode de gestion de cette éventuelle recyclerie. Le président de l’Agglo Jean-Christian Rey « a visité des recycleries sur d’autres territoires, avec plusieurs modèles de gestion, aujourd’hui toutes les possibilités sont ouvertes », affirme Guillaume Jarrié.
La SCOP avant les boeufs
Seulement, une SCOP a été créée, avec pour but de gérer cet équipement, comme l’affirmait le vice-président de l’Agglo Marc Angéli lors du conseil communautaire de juillet. Cette SCOP, la SCOP Grenes, est présentée dans le document de synthèse remis à la presse lors du fameux conseil communautaire comme « porteur de projet » (elle y est également présentée par erreur comme une SAS). Elle ne fait d’ailleurs pas mystère de son activité : sur le site du salon BIG, où elle concourrait pour un prix lundi dernier, elle affirme « mene(r), avec différents partenaires, un projet de recyclerie/ressourcerie sur le territoire du Gard rhodanien. » Par ailleurs, cette fameuse SCOP a mis en ligne une annonce pour recruter son encadrant technique d’activités d’insertion professionnelle.
Tout semble donc en place pour que ce soit à cette SCOP qu’échoit la gestion de la future recyclerie, si elle voit le jour, donc. De quoi ulcérer Gérald Missour : « c’est incroyable, les élus ne savaient rien pour la recyclerie, mais la SCOP était déjà créée, ce qui veut dire que cette entreprise avait l’information avant les élus. Il y a un problème de méthode. » Côté Agglo, on calme le jeu : « aujourd’hui, on ne peut pas assurer que c’est cette SCOP qui gèrera la recyclerie. Ils se sont créés sans doute dans cette perspective, mais il y aura un appel d’offres, rien n’est écrit, et rien n’est signé entre l’Agglo et cette SCOP », explique Guillaume Jarrié.
« Mais c’est quoi ces façons de faire ? »
S’il en est une qui peut postuler à la SCOP Grenes, c’est bien Fanny Peillet, de l’association Récup’ Atout Prix basée à Pont-Saint-Esprit, et pour cause : elle revendique l’idée de la recyclerie dans le Gard rhodanien. « J’ai contacté le bureau d’études, je leur ai prémâché le travail », affirme-t-elle, ce que nous pouvons confirmer après consultation de plusieurs conversations mail. D’abord associée au projet mené par le SITDOM, elle affirme avoir été invitée au comité de pilotage « une fois », et que depuis l’absorption du SITDOM, « l’Agglo ne nous a pas sollicité, alors qu’avec notre boutique à Pont-Saint-Esprit, on a une expérience. » Récup’ Atout Prix collecte des objets usagés qu’elle vérifie, répare, rénove et revend dans sa boutique, ce qui est pile l’objet d’une recyclerie. Une boutique dans laquelle elle affirme avoir vu passer plusieurs ex-agents du SITDOM : « ils me posaient des questions, mais c’est quoi ces façons de faire ? »
Côté Agglo, on réfute les accusations de mise à l’écart de l’association. Guillaume Jarrié affirme que « si le projet se fait, il n’y a pas de raison qu’ils ne puissent pas proposer leurs services pour y participer. » Fanny Peillet l’a déjà fait, en quelque sorte. Elle a postulé à l’annonce de la SCOP Grenes pour le poste d’encadrante technique d’activités d’insertion professionnelle : « j’ai envoyé ma candidature en mai, et depuis on me balade, souffle-t-elle. Là on m’a dit que le poste est en stand-by et qu’ils n’ont pas les financements. »
Il faut dire qu’à ce stade, comme le répète Guillaume Jarrié, « rien n’est arrêté » concernant ce projet, et donc sa structure porteuse. Et le directeur de cabinet du président l’affirme, « le temps du débat s’ouvre seulement. » Ça pourrait être dès samedi, à l’occasion du séminaire de l’Agglo à la caverne du Pont d’Arc, en Ardèche.
Thierry ALLARD
