AIMARGUES Le roseau, les sagnadous et André Calba
André Calba est une figure de la Camargue traditionnelle. Ce sagneur installé à Aimargues sait comment couper et bichonner le roseau pour fabriquer les paillassons. Ils ne sont plus que quatre en Camargue à vivre du roseau. Un savoir-faire que le sagneur veut transmettre et valoriser.
Pas un reportage télé ou magazine sur les traditions de Camargue où on n’aperçoit pas la tignasse brune de ce sagneur passionné. A-t-il le roseau dans la peau ? Presque. « Le roseau c’est un peu une drogue, quand on met un pied dedans..." À 15 ans, André Calba était déjà, à la suite de son père et de ses frères aînés, faucille en main dans les marais de Gallician pour couper et nettoyer les fameux roseaux camarguais. Quarante-six ans plus tard, installé à Aimargues dans la cave à vins de son beau-père, ce Vauverdois s'amuse de son rôle de pilier des marais. « Je suis celui qui vous parle du roseau comme personne ne vous en parlera ! », résume-t-il en riant.
Avant, pour manier la faucille (ou le sagnadou), il suffisait de payer ses impôts à Vauvert. Une tradition presqu’aussi vieille que Saint-Louis. Avant, les roseaux étaient plus longs et plus épais, moins clairsemés. Une tâche saisonnière. « On allait faire le foin ou les vendanges pour combler les trous de la coupe du roseau, qui dure de novembre à avril. C’est à ce moment-là qu’il est sec. Il faut trois gelées blanches et un bon coup de mistral pour avoir un bon roseau. Quand toutes les feuilles sont tombées et qu’il ne reste que le plumet, la campagne de coupe peut commencer. »
Destinés aux maraîchers et aux agriculteurs, les roseaux tissés en paillasson sont aujourd'hui à usage des pergolas des particuliers et peuvent aussi finir en pare-vent ou parasols. Un isolant 100% bio, efficace et plus joli que les matières synthétiques pour s’abriter du soleil. Un matériau noble et renouvelable, enraciné dans la tradition locale. Les habitants de Gallician, les pieds dans l’eau ont vite appris, parmi les premiers et dès le Moyen-âge à en tirer bénéfice.
Tendre et estival, il a nourri les bêtes. Dur, il a servi de matériau de construction. « À une époque, ils allaient dans les marais pour couper en famille en été. Sans doute pour nourrir les chevaux. » Beaucoup de ventes pour les fruits de Provence et les fleurs de Grasse. À l’arrivée du plastique, le paillasson tombe un peu à l’eau. Jusqu’en 1975. À cette date, les toitures de chaume reprennent de la vigueur en Normandie. Pour le rebord de fenêtres ou le faîtage de toits, le roseau devient indispensable.
Un dur, mais fragile
André Calba a passé quelques années chez Perrier, ou dans les verreries quand le secteur allait mal, quand les hangars se remplissaient à ras bord faute d’écouler la marchandise. "En 1994, j’ai racheté cette machine qui date des années soixante-dix. Et j'ai replongé à plein temps." De fabrication allemande, révisée régulièrement, elle fonctionne toujours, grâce au système D. Et confectionne des paillassons selon les normes, en rassemblant dans des godets des gerbes, liées ensuite par un entrelacs de fils en plastique. Le roseau de Camargue est petit de diamètre, il est assez lourd. Il contient du sel et il est plus dur que ceux qui poussent dans les lacs d’eau douce. « Trop de sel tue le roseau, mais un peu lui donne de la force », résume M. Calba.
Ennemi numéro 1 : le ragondin
Au classement des ennemis du roseau, on trouve à la première place le ragondin. Arrivés dans les années soixante en Camargue, les rongeurs américains, qui creusent de nombreux terriers, ont transformé les roselières en « gruyère ». Pour exercer son métier, le sagneur doit aussi composer avec le chasseur et le manadier, autres personnages locaux beaucoup plus aimables et fréquentables que le ragondin. « Travailler en harmonie, c'est possible, mais les ragondins ont détérioré les marais à 80%. La pousse des roseaux est plus éparse, il faut faire 10 m2 pour avoir 1 m2 de roseau. »
Sachez que le roseau camarguais subit aussi la concurrence du roseau chinois ou turc (écoulé essentiellement sur le marché allemand) et de ceux venus des pays de l’Est (Hongrie et Roumanie). « Je pense qu’on peut créer des emplois autour du roseau. Aussi bien touristiques, que via de nouvelles utilisations, toujours à réinventer. Les Allemands s’en servent beaucoup pour les habitations. On fait des maisons en paille, pourquoi pas en roseaux ? » Une passion qu'André Calba voudrait bien transmettre et notamment à Michaël et Nicolas, deux jeunes qui travaillent actuellement et ponctuellement avec lui.
Florence Genestier
Trésor de Camargue André Calba, 8 bis, rue du Couvent, 30470 Aimargues.
Tél : 04 66 88 54 72Mail : andrecalba@hotmail.fr ou ici