LE 7H50 d'Émile Ruiz : "on travaille pour gagner sa vie pas pour la perdre"
Objectif Gard : Lundi et mardi dernier, suite à l'agression de sept surveillants dans un établissement pénitentiaire du Pas de Calais, à l'appel des syndicats pénitentiaires 141 prisons ont été bloquées en France dont celle de Nîmes. Un déclencheur ?
Émile Ruiz : C'était l'agression de trop. Nos collègues ont été agressé violemment par un détenu radicalisé menacé d'extradition vers les États-Unis pour répondre d'une éventuelle responsabilité dans les attentas du 11 septembre. Il a dû tenter le tout pour le tout pour éviter son extradition aux États-Unis parce qu'il risque plus gros là-bas qu'en France. Le directeur de la prison a retiré aux surveillants les dispositifs de sécurité prévus pour les détenus dangereux parce qu'il ne les a pas jugé utiles dans ce cas. Il a fourni une occasion idéale à l'individu. La médiatisation qui s'en est suivie nous a donné l'occasion de nous faire entendre.
Ce qui voudrait dire que vos revendications ne sont pas nouvelles ?
Cela fait des années que les représentants syndicaux rendent compte des problèmes à la Chancellerie. Mais nous ne sommes pas écoutés. Le ministère fait la sourde oreille. Et là vraiment la situation devient critique.
C'est-à-dire ?
Nous gérons de plus en plus de détenus avec de moins en moins de moyens. Les détenus radicalisés demandent à être traités à part et isolés, ce qui n'est pas entendu. De plus, la suppression de la fouille systématique au corps de détenus après les parloirs a été remplacée par des fouilles aléatoires par palpation. Ce qui permet l'entrée en prison, de stupéfiants, d'argent liquide… De même que les projections par-dessus les murs d'enceintes de colis laissent entrer des téléphones, des couteaux en céramique (ils ne sonnent pas sous les portiques de sécurité).
4 000 agressions chaque année.
Des conditions de travail qui nous font craindre pour notre sécurité, sachant que les faits nous donnent raison puis que les agressions se multiplient. D'une violence accrue, parfois gratuite, comme celle qu'à subie la surveillante de Tarascon. Mais tellement fréquentes que ça en devient banal. Quelques chiffres : plus de 4 000 attaques contre des surveillants chaque année. En 2017, 3923 agressions physiques ont eu lieu dans les 36 établissements pénitentiaires recensés au 1er janvier soit presque 11 chaque jour.
Quelle tournure prend votre mouvement ?
La Chancellerie a reçu une délégation mardi soir et mercredi jusqu'à 20 heures. Pour l'instant nous n'avons aucun retour. Hier et aujourd'hui, 3 prisons de la région n'ont pas pu être bloquées : Nîmes, Villeneuve-lès-Maguelone et Albi. En cause, le manque d'effectifs (sic). Il faut savoir que nous n'avons pas le droit de grève, donc seuls les personnels en repos peuvent assurer le blocage. Parfois le personnel de nuit sort et reste devant la porte. Mais nous sommes déterminés. Si rien ne se passe nous continuerons le mouvement. Nous n'avons pas fait tout ça pour qu'une fois encore, on ne nous entende pas. Nous avons peur d'une escalade et d'une généralisation de la violence. Nous travaillons pour gagner notre vie pas pour la perdre. Les conditions actuelles découragent même les candidats et nous perdons plus d'un tiers d'entre eux au recrutement. Nous sommes démunis face à la situation actuelle mais déterminés à nous faire entendre.
Propos recueillis par Véronique Palomar
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