Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 24.01.2018 - coralie-mollaret - 3 min  - vu 6387 fois

FAIT DU JOUR Immersion dans la prison de Nîmes

Lundi, la députée d’Alès, Annie Chapelier, a visité la maison d'arrêt de Nîmes. L’un des établissements pénitentiaires les plus surpeuplés de France, pointé du doigt pour ses conditions de détention.
Ce n'est que depuis 2015 que les journalistes sont autorisés à accompagner les parlementaires dans la visite des établissements pénitentiaires de France (Photo : Coralie Mollaret)

Annie Chapelier a bien choisi son jour ! Lundi, la députée d’En Marche ! s’est rendue à la maison d’arrêt de Nîmes. Une visite prévue de longue date, tombée pile-poil avec la grève des gardiens de prison. « Vous n’êtes pas la première députée que l’on rencontre. À chaque fois, c’est la même chose : on explique nos difficultés et il ne se passe rien ! », se désole le représentant de l'UFAP (Union fédérale pénitentiaire), Émile Ruiz.

Les visites des prisons par les parlementaires permettent de vérifier si les conditions de rétention favorisent la réinsertion des détenus dans notre société (Photo : Coralie Mollaret)

L'Alésienne ne promet rien : « notre pouvoir est limité. » Néanmoins, sa visite est importante : « Il y a une nécessité de dépense publique dans ce domaine. Pour la justifier auprès de la population, il faut pouvoir montrer ce que sont les prisons. » Il faut avouer que la pénitentiaire n’a pas franchement la cote... « De Gaulle comparait les prisons aux poubelles de la France. Les surveillants en étaient les couvercles ! Nous ne sommes pas une priorité », déplore l’un des fonctionnaires.

400 détenus pour 190 places !

La députée Annie Chapelier dans une cellule de détenues femmes (Photo : Coralie Mollaret)

La situation de la maison d’arrêt de Nîmes alimente cette théorie. D’une capacité de 190 places, elle accueille plus de 400 détenus (dont 40 femmes). « La prison n’est pas grande alors que le taux de délinquance dans le Gard est important », relève Annie Chapelier, soulignant que « les magistrats prononcent déjà beaucoup de peines alternatives, de type bracelet électronique. » Ce qui, là-aussi, n'a pas toujours bonne presse. 

Jusqu'à 100 personnes peuvent se réunir dans ce parloir lors des visites (Photo : Coralie Mollaret)

D'une superficie de neuf mètres carrés, il n'est pas rare qu'une cellule héberge trois détenus. Les plus chanceux dorment sur des lits superposés, les autres sur des matelas au sol. Faute de place, les salles cultuelles au rez-de-chaussée ont été transformées. Quant au parloir : « Entre le bruit des chaises sur le sol et les conversations des autres, on ne s’entend pas parler ! On est trop nombreux ! », déclare un détenu.  

Annie Chapelier dans les douches du quartier homme. La configuration des lieux peut poser des problèmes de dignité humaine pour les détenus et de sécurité pour les surveillants (Photo : Coralie Mollaret)

Contrairement aux femmes, les détenus hommes n’ont pas de douche dans leur cellule. Ils peuvent se laver, trois fois par semaine, dans les six douches du rez-de-chaussée de leur quartier. Toutefois, « leur aménagement pose le problème du respect de leur intimité, de leur dignité humaine », commente Annie Chapelier. Construit dans les années 70, « l'établissement est à l'image des vieilles institutions françaises qui ne sont plus adaptées à notre époque. »

Pour cacher les traces des murs infiltrés d'eau, trois détenus les ont tapissés de serviettes et autres draps. « Moi je suis malade, j’ai un cancer… Je ressens l’humidité », commente l’un d’eux (Photo : Coralie Mollaret)

Conséquences de la surpopulation 

Cette surpopulation a des effets négatifs sur les chances de réinsertion des prisonniers dans notre société. D'abord, les activités (travail, sport...) mises en place font l'objet de liste d'attente. En outre,« la proximité entre les détenus les rend agressifs », alertent les organisations syndicales.

La surpopulation engendre des listes d'attente pour travailler ou participer aux activités. Sur la base d'un SMIC, les détenues sont payées à la pièce pour la fabrication de bougies ou de papillons décoratifs (Photo : Coralie Mollaret)

Phénomène nouveau, « nous avons une vingtaine de détenus radicalisés. Faute de place, on est obligé de les mettre avec les autres. Malheureusement, ils contaminent le reste de la population carcérale ! », alerte Patrick Urli, secrétaire local FO (Force ouvrière). Il en va de même pour les auteurs de petits délits qui, au contact d'autres détenus, peuvent devenir plus dangereux. 

La prison de Nîmes bénéficie toutefois d'un centre de soins de qualité avec six médecins qui effectuent120 à 130 consultations par jour (Photo : Coralie Mollaret)

Ces dernières années, les conditions de travail des agents ont changé. Surveillant depuis 30 ans, Émile Ruiz a suivi les traces de son frère : « Quand je suis rentré à la pénitentiaire, je croyais fortement à l’implication des surveillants pour la réinsertion des détenus. On devrait avoir un rôle social, mais aujourd’hui, on a plus le temps ! »

Prison cherche gardiens

Cette situation freine sérieusement les vocations. « La semaine dernière, il y a eu un concours de gardiens de prison. Sur les 380 inscrits du Gard, ce qui est déjà misérable, seule une soixantaine a donné suite », s’alarme le secrétaire local FO. À Nîmes, « nous devrions avoir 99 gardiens de prison mais nous n’en avons que 84 ! », complète Émile Ruiz.

Deux surveillantes distribuent les produits qu'ont commandés les détenus. Les prisonniers prennent leurs repas dans leur cellule. Il n'y a pas de réfectoire dans la prison de Nîmes (Photo : Coralie Mollaret)

Ce manque de personnel remet en cause la sécurité des surveillants qui accompagnent quotidiennement les détenus. À l’étage, un seul gardien s’occupe de 13 détenus dans le quartier isolement et disciplinaire. C’est notamment là qu’est incarcéré le tueur de la joggeuse condamné l’année dernière à 30 ans de réclusion.

Quelles solutions pour Nîmes ?

Il y a quelques semaines, le ministère de la Justice a acté l’agrandissement de la maison d'arrêt. D’un coût de 34 M€, les travaux devraient démarrer fin 2018 pour permettre de construire 120 places supplémentaires d’ici trois ans. D'ici mars, la Chancellerie devrait annoncer le lieu d'implantation de la deuxième prison gardoise.

Le terrain où les travaux d'agrandissement vont s'opérer (Photo : Coralie Mollaret)

Quant aux conditions de travail et à l'attractivité du métier de surveillant de prison, les syndicats reçus hier à la Chancellerie par la ministre, Nicole Belloubet, ont quitté la table des négociations. Ce matin, les gardiens reconduisent leur mouvement et bloquent à nouveau la prison. À suivre.

Coralie Mollaret

coralie.mollaret@objectifgard.com 

Coralie Mollaret

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