AIGUES-MORTES Complément d'enquête et le recrutement familial municipal
Ce jeudi 8 mars, Complément d'Enquête, le magazine de France 2 s'intéresse aux dynasties familiales.
Et pour cela, l'émission et ses journalistes ont fait un petit détour par Aigues-Mortes. Entre François Fillon et Donald Trump, les équipes ont trouvé des exemples de terroir, made in Camargue. Comme le recrutement dans les services municipaux de plusieurs membres de la famille d'une adjointe locale. Une pratique de plus en plus choquante pour les citoyens, non répréhensible juridiquement, mais qui a toujours eu cours. Pas de doute, dans la cité aux remparts, on risque de veiller tard ce jeudi pour mirer la petite lucarne et France 2... On a posé quelques questions à Laure Pollez, la journaliste chargée de l'enquête qui s'est livrée à un Tour de France des édiles qui favorisent leurs proches.
Combien de temps a duré votre enquête ?
Nous avons commencé en décembre dernier. Nous avons la chance de pouvoir creuser plusieurs mois un sujet, pour mieux le cerner.
Comment vous êtes vous intéressée à Aigues Mortes ?
On ne voulait pas se focaliser, pour cette question du népotisme, sur des cas plus connus, comme en Île de France, à Puteaux ou en Essonne. On a voulu savoir ce qui se passait dans de plus petites communes. La réalité du pays... Il est vrai, même s'il n'existe aucun recensement exhaustif, que les cas semblent plus nombreux dans le Sud. Nous avons l'habitude de solliciter des associations spécialisées, comme Anticor, qui, parce qu'elle a de nombreux relais locaux, a pu dégager quelques exemples. On a très peu de données. D'autant plus que le népotisme municipal est assez multiforme.
En quoi ce cas particulier gardois vous semble-t-il particulièrement éclairant ?
C'est à la fois le nombre de personnes recrutées dans les services et aussi sur une longue période qui reste tout de même impressionnant. Mme Soleyrol, a été réélue et a exercé dans plusieurs équipes municipales. Elle n'a hélas pas voulu répondre à nos questions. En 2008, ces pratiques ont été dénoncées par deux candidats aux élections municipales, dont l'un a été élu. Il a voulu changer les choses, mais son mandat n'a pas été renouvelé. Ces recrutements ne sont pas illégaux, ni punissables par la loi. C'est plutôt une question de compétence qui finit pas se poser et comme ce sont des postes de fonctionnaires, cela s'étale dans le temps et dure. Mais ça peut aussi défavoriser d'autres candidats peut-être mieux taillés pour le poste à pourvoir. Peut-on reprocher aux gens d'avoir le sens de la famille ? C'est humainement complexe...
Quelle leçon tirez vous du reportage et des rencontres effectuées ?
Franchement, à titre personnel, je pensais que ces pratiques étaient finies, surtout depuis le bruit provoqué par l'affaire Fillon. En fait, c'est assez ancré et c'est beaucoup plus compliqué que l'on croit. Une loi ne peut pas mettre seule fin à ces usages. C'est par la prise de conscience de chacun, des abus constatés, que ça peut bouger. D'un autre côté, ça touche à l'intime. Que ferions nous à leur place ? car la tentation existe bel et bien... Un des élus m'a raconté qu'il faisait ses meetings en dénonçant ces pratiques de favoritisme et que les gens venus l'écouter l'approuvaient. Mais, à la fin du meeting, certains lui glissaient le CV de leur fille ou du neveu pour un coup de pouce alors qu'ils venaient d'applaudir ses propositions. C'est contradictoire... Tout le monde peut être tenté par cette facilité-là.
Avez-vous l'impression que le recrutement familial est une faute vite pardonnée par les Français ?
Tout le monde ne peut pas avoir la chance d'avoir un élu dans sa famille pour trouver du travail... Si nous sommes allés à Aigues-Mortes, à Mandelieu ou à Aix, ce n'était pas dans l'idée de stigmatiser ces villes. Et d'ailleurs nous avons été bien accueillis. Nous voulions comprendre pourquoi ces pratiques avaient cours. Elles agacent de plus en plus les citoyens mais sont hélas vite pardonnées, parce que compréhensibles. Et fréquentes.
Propos recueillis par Florence Genestier
Âgée de 35 ans, Laure Pollez a, entre autres reportages et investigations, précédemment réalisé pour Complément d'Enquête un portrait de Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, un autre d'Anne Lauvergeon et une enquête sur Whirlpool.
La présentation de l'émission de ce jeudi soir 8 mars, qui est programmée à 23 h sur France 2 : Depuis 6 mois, tous les députés, sénateurs, mais aussi les maires n’ont plus le droit d’embaucher leurs enfants ou leurs conjoints. Objectif de la loi de moralisation de la vie publique : empêcher d’éventuels emplois de complaisance… Mais a-t-elle vraiment mis fin à la "préférence familiale" chère à de nombreux élus ? Soupçons de népotisme, baronnies, ou virus de la politique, Complément d’enquête se penche sur la politique en famille. À Aix-en-Provence, les Joissains ont exercé le pouvoir pendant plus de 20 ans à la tête de la mairie. Dans le Gard, une adjointe a réussi à faire embaucher dans les services de la commune…une dizaine de membres de sa famille. Diriger en famille, une habitude qui a la vie dure chez nos élus locaux, mais aussi aux États-Unis où Donald Trump en a fait une règle d’or : le pouvoir ne se partage qu’au sein du clan.
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Complément d'Enquête, 23 h, jeudi 8 mars, France 2.