TAVEL Des élus en route vers une prise illégale d’intérêt ?
Cinq rues, situées dans les lotissements de Vallongue et de la Ginestière, dans le village de Tavel, plus connu pour son rosé ou sa pierre que pour ses lotissements.
« Ça s’apparente à de la prise illégale d’intérêt »
Cinq rues que le conseil municipal a décidé de transférer dans le domaine public, après enquête publique, lors de la séance du 5 décembre dernier. Une délibération technique parmi la kyrielle du même type qui passe dans chaque conseil municipal, en somme. Sauf que c’est peut-être plus compliqué que cela : une conseillère municipale, Marie-France Chabaud, s'est dressée contre cette décision et l’a fait publiquement dans le registre du commissaire enquêteur.
La cause de cette fronde ? C’est Laurent Dublet, co-référent pour le Gard de l’association AntiCor, qui lutte contre la corruption, qui la donne : « ça s’apparente à de la prise illégale d’intérêt. Le troisième adjoint (Richard Bermond-Gonnet, ndlr) avait un intérêt direct dans le transfert car il est domicilié dans une des rues concernées. Même s’il est sorti au moment du vote il a participé aux réunions préparatoires et aux débats du conseil. Deux autres adjoints ont aussi un intérêt direct, ainsi qu'une conseillère municipale. » Des élus qui soit habitent les rues concernées, soit ont des parents, beaux-parents ou alliés qui y habitent.
De quel intérêt parle-t-on ? « Dans un lotissement, l’entretien et la réfection des voies est à la charge des copropriétaires », explique Laurent Dublet. En transférant les lieux dans le domaine public, les copropriétaires, et parmi eux plusieurs élus donc, n’auraient plus à payer pour leur entretien. Pour AntiCor, les élus concernés « confondent l’intérêt général avec leurs intérêts particuliers. »
Des remous au sein du conseil municipal
Du côté de la mairie, on expose dans la délibération en cause que « depuis l’origine (cinquante et quarante ans), ces rues sont empruntées par l’ensemble de la population Tavelloise. Devant les importantes dégradations de certaines portions de celles-ci, il apparaît aujourd’hui primordial de réaliser de lourds travaux d’investissement (estimés à 50 000 euros), que seule la collectivité peut raisonnablement financer. D’où l’intérêt de les transférer dans le domaine commun. » En clair : l’intérêt public de ce transfert serait manifeste et dépasserait largement les intérêts particuliers de quelques élus.
Reste que l’affaire a provoqué des remous au sein du conseil municipal : Richard Bermond-Gonnet a attaqué en justice Marie-France Chabaud pour les propos consignés dans le registre du commissaire enquêteur. Des propos qu’il estime calomnieux et diffamatoires. La conseillère municipale a demandé la protection fonctionnelle, qui lui a été refusée par le conseil, toujours lors de la séance du 5 décembre dernier.
Contacté, le maire de Tavel, Claude Philip, nous indique dans un communiqué qu'un « recours a été déposé par une élue, visant à faire annuler la procédure d’intégration d’office des voies de Vallongue et de la Ginestière dans le domaine public communal. Il succède à deux référés déposés par cette conseillère municipale et pour laquelle elle avait été déboutée. » Le maire conclut en disant « laisser la justice travailler » et ne souhaite par conséquent « pas (s’)exprimer sur le fond du dossier, pour lequel (il) reste serein. »
Du côté d’AntiCor, on affirme réfléchir à faire un signalement au procureur de la République.
Thierry ALLARD