NÎMES Les petites bêtes à cornes réinvestissent les arènes !
Après les grosses bêtes à cornes, les petites ! Quelques jours après avoir hébergé (momentanément) les toros des corridas de la feria de Pentecôte, ce sont de bien plus dociles et inoffensifs pensionnaires cornus que les arènes ont (ré)accueillis au lendemain du dernier rendez-vous tauromachique...
Après un long intermède de près de 8 mois, les clausilies (de leur nom latin, Leucostigma candidescens), ces petits escargots qui vivent vraisemblablement dans l'amphithéâtre romain depuis sa construction, il y a 2 000 ans, après y avoir été transportés accidentellement, ont retrouvé leur habitat. Provisoirement hébergés par leur "découvreur-bienfaiteur", le biologiste Vincent Prié, qui les avait opportunément préservés des travaux qui se déroulent actuellement dans l'amphithéâtre romain bi-millénaire, ils ont été relâchés là où ils avaient été repérés et où ils avaient élu domicile.
À savoir dans les travées 45 et 46 de l'amphithéâtre romain, face au toril, "l'endroit le plus arrosé des arènes", précise le biologiste du bureau d'études Biotope de Mèze (Hérault). "C'est là que nous les avons cherchés en 2008 avec Olivier Gargominy, expert à l’Inventaire national du patrimoine naturel, alors que se déroulait un concert. Nous étions grimpés sur les murs pour les dénicher dans les fissures mais nous avions rapidement été conduits hors du site par la sécurité..." Ce n'est que deux ans plus tard que les deux scientifiques auront confirmation de la présence du gastéropode dans les anfractuosités des murs des arènes...
Pas de reproduction en "captivité" !
Identifiés et répertoriés dès 1903 par un biologiste du nom de Georges Coutagne, les petits gastéropodes, dont la taille n'excède pas 1,5 centimètre, ont une durée de vie d'environ 3/4 ans. Ils sont reconnaissables à leur petits points blancs et leur carapace à enroulement senestre (la coquille s’ouvre à gauche de l’axe de la spire, NDLR). On trouve les mêmes en Italie, dans la région montagneuses des Apennins d'où ils sont certainement originaires, mais nulle part ailleurs dans le monde. Ici, on les confond parfois avec le "papillifera bidens" que l'on trouve communément dans la garrigue.
À Nîmes, ce sont finalement 274 individus qui ont survécu à leur quarantaine involontaire dans les terrariums aménagés par Vincent Prié à son domicile et sur son lieu de travail. "Sur presque une année, nous avons perdu environ la moitié de la colonie", explique le spécialiste au sujet de ses petits protégés de cette espèce non invasive qui s'est cantonnée aux arènes nîmoises. "C'est un peu logique car dans la population prélevée, certains spécimens étaient déjà parvenus à l'âge adulte. De plus, il n'y a pas eu de reproduction. Heureusement, ils ne font actuellement pas partie des espèces menacées. Désormais, nous sommes à la recherche de financement (*) pour effectuer des analyses et faire appel à la biologie moléculaire pour étudier la génétique du gastéropode qui nous confirmera - ou non - leur parenté avec leurs homologues italiens et pour estimer au plus près leur date d'introduction."
Réinstallées dans un habitat artificiel fait de pierres empilés et de fissures réaménagées à cet effet, qui ont fait l'objet d'un traitement écologique exempt de produit chimique de la part de l'équipe en charge des travaux de restauration de l'édifice, devenues les mascottes des arènes, les clausilies vont désormais pouvoir y couler des jours heureux. Pendant encore 2 000 ans ?
Philippe GAVILLET de PENEY
philippe@objectifgard.com
* Pour contacter Vincent Prié : vprie@biotope.fr