FÊTES VOTIVES Dans les arènes, les taureaux sont rois
Tout au long des samedis d'été, Objectif Gard vous invite à vivre une fête votive en immersion ou presque. Moment fort et immanquable, tradition unique, typicité propre... Suivez le guide mais surtout, n'hésitez pas à prendre les sentiers battus, comme toujours, ils permettent de découvrir les choses avec de nouveaux yeux !
Comme une feria en Espagne, une fête votive dans le Gard est le moment choisi par la population pour se retrouver autour de valeurs communes et du désir d'union partagée. Les hommes sont ce qu'ils sont et ce n'est pas avec les emplois du temps chargés que les choses immuables vont se mettre à changer.
Les fêtes votives sont, pour bon nombre de Gardois, une formidable occasion de relâcher la pression et de vivre des expériences atypiques durant quelques jours de folie douce. Après les départs au pré de la semaine dernière à Aimargues, place au cœur de la fête, au ventre des traditions, places aux arènes du village.
Nous sommes à Générac. Habituellement programmée aux alentours du 14 juillet cette fête est réputée pour ses courses de taureaux et ses bandidos. Ça tombe bien, c'est pour cela que l'on s'y retrouve. Au sud de Nîmes, le village a connu une vive expansion mais baigne toujours dans les traditions. Jeudi 12 juillet dernier, au programme, abrivado au départ d'un mazet, des vaches aux arènes, un concours de boules et une course camarguaise de Ligue sans oublier cette fameuse bandido retour pour finir au même mazet, celui de Demunck avec trois fois 2 taureaux.
À peine arrivé dans le village qui se dit bien volontiers et à juste titre entre Provence et Languedoc, les sourires pleuvent. Un groupe de jeunes à pied et avec un vélo lance un très généreux et appuyé « Bonjour monsieur ! » Rare en de pareilles circonstances.
Avant d’entrer aux arènes, le concours de boules s’achève, les bons perdants gardent le même sourire et les autres chambrent un tantinet. Arrivé aux manèges, quasi tous fermés vu l’heure, quelques jeunes font la sieste et picorent pour éponger. Les maillots de l’équipe de France sont presque aussi nombreux que ceux des équipes de la jeunesse généracoise.
Dans les arènes, le public vient tôt pour se rafraîchir sous les platanes et s’éloigner des sons de la fête qui bat son plein au cœur du village. Les pitchounets sont légion et veulent à tout prix voir les taureaux dans le toril. Les plus âgés évoquent les souvenirs passés et attendent d’en avoir de nouveaux.
N’allez pas croire que chez les jeunes seuls les gars sont en fête ou dans les arènes. Des bandes de jeunes filles fleurissent tels les verres de l’apéro du midi. Ça démarre. La course de Ligue organisée mêle la jeunesse montante du raset et l’expérience des fêtes votives d’été. Trois manades se disputent le bout de gras et cinq raseteurs font équipe avec deux tourneurs qui les mettent dans de bonnes dispositions face au taureau.
Volonté municipale, toutes les animations dans et en-dehors des arènes sont gratuites. « Tout le monde n’a pas les moyens de mettre huit euros pour aller aux arènes et nous préférons qu’ils aillent dépenser leur argent chez les commerçants ! En plus, ça permet aux jeunes de venir », note Frédéric Touzellier, maire de Générac, où l’on a l’art de vivre autrement, comme il aime le rappeler.
« À la mi-temps je file à Aimargues ! », lance Jean-Marc Soulas, nouveau président de la Fédération française de course camarguaise. Et un professionnel planté en contre-piste de répondre, « ah non ! Ici on dit à l’entracte ! La mi-temps c’est pour le foot ! ».
Premier taureau annoncé, premier couac. Il s’est coincé la tête au toril alors on sort le deuxième en espérant qu’il se soit décoincé d’ici la fin de la course. Une cocarde lancée à 15 euros pour ce taureau jeune, un taù comme on dit, qui, s’il ne fait pas l’affaire dans les mois à venir sera envoyé à l’abattoir. Oui, c’est aussi cela l’élevage, il y a les bons que nous respectons, adulons et les autres. Ceux-là, nous les adorons aussi mais nous les mangeons !
Comme le taureau est le roi de l’arène, parlons attributs. Une cocarde rouge posée au centre du frontal, un gland sur une corne et deux ficelles à la base des banes (toujours comme on dit). La cocarde est coupée à 20 euros, pour débuter. L’unique gland sera quant à lui coupé à 21 euros et la ficelle levée pour 20 euros. Les belles actions, taurines et humaines, sont célébrées par la musique.
Mais d’autres sonorités agitent la place. « Le petit en rouge qui vient de se cacher derrière le burladero, allez, remonte dans les gradins s’il te plaît », entend-on au micro. Quand il n’est pas assez attentif, le speaker est très vite rappelé à l’ordre par les connaisseurs. Une remise en place méridionale, dans un esprit bon enfant, comme on les aime ! Pagnolesque.
Tout autant que quelques remarques bien senties. « Vous voyez M. Soulas… Elle est là la différence entre les footballeurs et les raseteurs ! Après avoir pris un coup comme ça, un footballeur se roulerait par terre ! », relance le professionnel.
Les euros défilent mais il faut voir ces maigres dotations comme un pot commun géant pour lequel commerçants, élus et fervents mécènes de la course camarguaise participent généreusement. Face aux risques pris, ces prix ne sont pas grand-chose mais représentent tout.
Et c’est reparti… « Il faut arroser la contre-piste on bouffe plus de poussière que dans nos vignes ! », estime un spectateur. Derrière, une voix familière s’élève, « Et non, ici on arrose que pour les boules, couillon ! Il faudrait rajouter 10 mètres de tuyau… C’est pas gagné ! ».
Certains jeunes sont dans les arènes et soutiennent les traditions mais cela ne les empêche pas d’aller et venir, d’être ensemble et de faire une nouvelle « story » sur les réseaux sociaux. On en voit même quelques-uns qui s’adonnent au plaisir mutuel des selfies collectifs et festifs.
Les arènes sont pleines, les cigales et leur chant lancinant empêchent les fatigués de roupiller mais dans tous les cas il est préférable d’ouvrir les oreilles pour déguster les discussions surannées ou extraordinaires des gradins. Un phrasé à part, des mots et expressions qui changent d’un bourg à l’autre, bienvenue chez nous. « On n’a jamais sorti de raseteur à Générac… » pourtant la passion est là, les espérances demeurent.
Si vous restez perché dans les gradins, chose préférable pour les néophytes, attendez-vous à recevoir un raseteur sur la trombine. Et oui, pour se sortir des cornes et de la course d’un taureau, les hommes en blancs prennent appui sur les barrières et s’escampent dans les airs, répandant leurs gouttes de sueurs sur leurs premiers fans.
La musique rythmée de la fête foraine voisine vient se poser sur le chant des cigales et les musiques traditionnelles. À cela, ajoutez quelques planches fracassées par un taureau et les bruits d’effroi qui vont avec. Bienvenue aux arènes.