Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 25.07.2018 - abdel-samari - 6 min  - vu 6209 fois

FAIT DU JOUR Radicalisation, sécurité routière, TER à 1 euro, Nîmes Olympique... : le préfet du Gard se livre

Au cœur de l'été, le préfet du Gard a accepté de répondre à nos questions afin de balayer l'ensemble des sujets autour de la sécurité dans le Gard. L'occasion également d'évoquer Nîmes Olympique et les carences du stade des Costières en matière d'ordre public.
Le Préfet du Gard Didier Lauga dans son bureau de l'Avenue Feuchères. Photo AS/ObjectifGard

Objectif Gard : le Nîmes Olympique en Ligue 1 est le sujet de l'année en terme sportif dans notre département. Où en êtes-vous aujourd'hui dans les dispositifs de sécurité en particulier pour le premier match aux Costières face à l'Olympique de Marseille ?

Didier Lauga, préfet du Gard : Ce qui me préoccupe, en effet, c'est la question de la sécurité. Là, on ne peut pas commencer aussi pire avec le premier match à domicile face à Marseille puis Paris et enfin Montpellier. J'ai rencontré le maire de Nîmes et le président du Nîmes Olympique séparément et je leur ai fait part de ma très vive inquiétude sur la situation du stade des Costières.

Pouvez-vous être plus précis ?

Personne ne conteste que ce stade présente beaucoup de problèmes. Il n'est pas doté d'une double enceinte qui permet d'éviter que les supporteurs des deux équipes ne se rencontrent. J'ajoute que lors du match contre Ajaccio la saison dernière, les 60 CRS étaient complètement noyés dans la masse. Leur nombre était largement insuffisant. Pour les premiers matches à domicile en Ligue 1, les conséquences pratiques vont être très lourdes y compris financièrement. Tant que la ville de Nîmes et le club n'auront pas trouvé de solutions à ce problème, moi je vais devoir raisonner à partir d'une seule considération : la question de l'ordre public. S'il se passe quelque chose en matière de sécurité, j'engage ma responsabilité.

Concrètement, est-ce que l'on peut envisager le report du match contre Marseille ?

C'est trop tôt pour le dire. Concrètement, par rapport aux menaces que l'on va identifier, il faudra prévoir un dispositif calibré pour une assistance de 15 000 personnes minimum. Il faut donc prévoir plus de CRS et c'est le club qui va payer. Mais cela ne suffira peut-être pas. D'autant qu'un élément est très important : les forces CRS sont gérées au niveau national et via le préfet de Marseille... On ne peut pas avoir la garantie que nous aurons toutes les forces CRS nécessaires pour le match face à Marseille. À partir de là, si je ne les obtiens pas, je suis renvoyé à une question simple : est-ce que j'autorise le match ou pas ? J'ai déjà demandé au club un stade de repli. C'est celui d'Istres qui pourrait convenir. Je souhaite clairement et je ferais tout en tant que préfet du Gard pour que les matches aient lieu à Nîmes. Je serais d'ailleurs présent pour ce match. Mais si je dois choisir entre le sportif et l'ordre public, je ne vais pas hésiter une seconde. L'ordre public doit l'emporter. Je ne vais pas jouer à la roulette russe avec un revolver chargé de cinq balles sur six.

Concernant la radicalisation, où en est-on dans le Gard ?

Je peux vous confirmer que nous sommes, selon les mois, le 4e ou 5e département le plus radicalisé de France. Le taux de radicalisation c'est un chiffre qui est établi en prenant d'un côté le nombre de personnes suspectées de sympathie pour le terrorisme, qui s'appelle FSTRP, que nous tenons à jour avec le procureur de la République et les services de police et de renseignements tous les 15 jours. C'est un fichier départemental composé d'un peu plus de 300 personnes à ce jour. En ce qui concerne le taux de radicalisation, c'est un chiffre que l'on obtient dans tous les départements de France en prenant d'un côté le fichier que je viens de vous présenter et la population du département. On fait le rapport entre les deux. Et pour le Gard, c'est édifiant. Certains mois, nous sommes premier département français après la région parisienne. On a une situation très préoccupante. Au-delà des chiffres, nous avons eu deux affaires qui ont défrayé la chronique en 2018. En tout début d'année, l'arrestation à Bagnols-sur-Cèze par la section antiterrorisme de Paris de ce jeune homme qui s'apprêtait à passer à l'acte après son enregistrement à Daesh. Il avait l'intention d'agir dans le département sur un établissement scolaire, pour autant que je sache car l'affaire est gérée par Paris. Et puis une deuxième personne, une complice proche des auteurs de l'attentat de Barcelone. Arrêtée également dans le département. Tout cela montre qu'il y a une menace réelle.

Comment expliquer cette radicalisation aussi forte dans le Gard ?

En toute modestie, on ne sait pas précisément. Après, de manière objective, on remarque que nous sommes le 4e département avec un chômage le plus fort et 5e département en matière de pauvreté. On a 1 habitant sur 10 qui habite en zone de politique de la ville. On ne peux pas dire que tous les terroristes viennent des quartiers sous politique de la ville mais quand on observe que nous sommes le département de la région Occitanie, devant l'Hérault, qui bénéficie de la plus importante politique de la ville, tout cela pose question. Mais ce n'est pas la seule explication.

Et concernant les retours de Syrie ?

Nous avons un regard extrêmement attentif sur ces retours mais aussi sur ceux de détenus radicalisés en prison et en passe d'être libérés. Concernant les parents que j'ai rencontré, nous avons ceux dont les enfants sont morts en Syrie. Pour eux, la réalité est tellement difficile qu'ils s'emploient pour certains à faire preuve de témoignages et de pédagogie pour encourager d'autres parents à agir avant que ce soit trop tard. Pour les parents dont les enfants sont encore vivants, nous avons plusieurs attitudes. Principalement, ils sont dans le déni et ne prennent pas la mesure de la gravité de la situation. Concernant le nombre, difficile de vous dire car la plupart du temps, sur les retours, les personnes sont appréhendées et sont pris en charge par les services de justice. Mais je pense pouvoir dire que nous avons une connaissance plutôt précise de la réalité. Après, je ne peux exclure que des personnes soient passées entre les mailles du filet.

Pouvez-vous nous donner des nouvelles de Moussa Camara qui a ému beaucoup de Gardois ?

J'ai été confronté à des phénomènes de fausses informations. Ce que je peux vous dire c'est que je n'ai pas un cœur de pierre. Je suis sensible à son histoire. Il est actuellement dans le Gard et a fait une nouvelle demande pour être reconnu comme réfugié. Le dossier va être instruit.

Nous sommes au cœur de l'été, quelles sont les problématiques à prendre en compte en matière de sécurité ?

Nous sortons d'un week-end dramatique du côté de la sécurité routière. Nous comptons déjà 31 morts à ce stade de l'année. D'un point de vue statistique, l'année dernière à la même époque, nous étions à 34 morts. C'est mon premier sujet de préoccupation. On ne baissera pas la garde. On ne peut qu'essayer de convaincre mais malheureusement, à chaque fois que l'on regarde les circonstances, on ne peut que se désespérer. Les chiffres sont là, il y a une très grande violence dans ce département, disproportionnée et gratuite. On la retrouve dans la conduite, au volant.

Un mot sur le TER à 1 euro avec des phénomènes de délinquance depuis plusieurs semaines dans les rames mais aussi et surtout au Grau-du-Roi ?

Je suis informé des incidents graves qui se sont déroulés ces dernières semaines. Incontestablement il y a un problème. Je rappelle que c'est la Région qui est autorité organisatrice et qui a pris cette décision du TER à 1 euro. Après, c'est à nous d'assurer la sécurité. Nous avons donc décidé d'une présence renforcée de la police ferroviaire et de la police aux frontières. On a mis aussi en place un filtrage au départ pour les mineurs de Nîmes qui sont d'ailleurs ceux qui posent le plus de soucis. Pendant l'été, des escadrons mobiles de gendarmerie assurent la sécurité. Et durant le week-end du 14-15 juillet, des militaires de l'opération Sentinelle ont également été présents.

Dans l'actualité nationale, le pays est secoué depuis plusieurs jours par l'affaire dite Benalla. Quel regard portez-vous sur cette crise importante dans le quinquennat Macron ?

J'ai une obligation de réserve. Je ne peux pas, vous le comprendrez, m'exprimer comme cela sur le sujet.

Pour autant, est-ce que vous avez votre mot à dire sur les délégations qui se déplacent dans le Gard lors de visites de ministres par exemple ?

La règle, c'est que le ministre fixe la délégation qui l'accompagne. Il y a plusieurs personnes qui sont validées généralement lors des entretiens téléphoniques préalables. Nous ne vérifions pas l'honorabilité des membres composants la délégation. Quand il s'agit du Président de la République ou le Premier ministre, il y a des réunions de préfiguration pour organiser le déplacement.

Propos recueillis par Abdel Samari et Boris de la Cruz

Abdel Samari

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