GARD RHODANIEN Le projet de musée se dessine et fait débat
La dernière séance du conseil communautaire de l’Agglo du Gard rhodanien de 2018 se tenait lundi soir à Saint-Gervais. Une séance qui a duré quatre heures...
Au programme : plusieurs sujets structurants, dont la présentation du programme scientifique et culturel du projet de musée du Gard rhodanien, qui préfigure ce que serait le futur musée. Les débats ont quant à eux fait plus que préfigurer les discussions sur ce projet.
Si la séance a duré plus de quatre heures, pour s’étirer jusqu’à 22 heures, on le doit en grande partie au projet de musée du Gard rhodanien. Un projet censé remplacer le vieux musée Albert-André de Bagnols et mettre en valeur l’exceptionnelle collection du musée, ainsi que regrouper le conservatoire de musique et de danse aux Escanaux, sur le site des Cèdres. Un projet encore loin d’être sorti de terre, et dont le contenu scientifique et culturel, travail colossal réalisé par la Conservation départementale représentée par sa directrice, Béatrice Roche, constitue le véritable point de départ. Car c’est rien de moins qu’un véritable musée virtuel qu’a présenté la conservatrice départementale.
Après un état des lieux actuel qui n’a surpris personne, à savoir que le musée (pour l’heure municipal) de Bagnols est « inadapté », « insuffisamment équipé », inaccessible car installé au deuxième étage sans ascenseur de l’hôtel de ville, sans possibilité de proposer des expositions temporaires pour attirer plus de visiteurs, mais aussi et peut-être surtout présentant « des conditions de sécurité insuffisantes, sans dispositif de sécurité incendie », a rappelé Béatrice Roche, place au projet. Un projet censé faire bénéficier réellement au territoire de cette collection « exceptionnelle », avec, rappelons-le, des œuvres de Van Dongen, Matisse, Renoir, ou Marquet, pour ne citer que les plus connus.
Passer de 4 500 à 25 000 visiteurs
Une question d’attractivité du territoire d’abord : Béatrice Roche rappellera l’impact du musée Soulages à Rodez, « avec 140 000 visites annuelles », un chiffre qui a de quoi faire rêver Bagnols et ses… 4 500 visiteurs annuels, « des recettes des Offices de tourisme multipliées par dix, la taxe de séjour multipliée par 25, la vacance commerciale divisée par deux et 45 % de nuitées en plus. » Le bâtiment ? « Un circuit d’exposition permanente de 1 000 m2, 500 m2 pour les expositions temporaires, plus de 200 m2 d’espace d’accueil qui ferait aussi la promotion touristique et culturelle du Gard rhodanien, deux salles d’animation et une salle de conférences », présentera la conservatrice départementale. De quoi aussi proposer « un accrochage rythmé et la mise en lumière des tableaux phares, en donnant aussi une plus grande place à Albert André », poursuit-elle, en présentant le futur parcours du musée. Un musée qui serait visité, selon les projections, par 25 000 personnes par an.
Reste une question, le nerf de la guerre : les sous. « Il faut un équipement et un budget de fonctionnement à la hauteur des ambitions », lancera Béatrice Roche, comme pour prévenir. Ainsi, le programme prévoit-il un budget de fonctionnement de 634 000 euros par an hors personnel, et 17 équivalents temps plein pour des recettes estimées à 200 000 euros. Quant au coût du bâtiment, il se monte à 13,5 millions d’euros. C’est une coquette somme mais « c’est un projet soutenu par tous nos partenaires institutionnels : l’État, la Région et le Département, rappellera Béatrice Roche. Pour eux, la légitimité du projet n’est plus à démontrer. »
Pour certains élus communautaires, elle l’est. À commencer par le maire d’Aiguèze, Alain Chenivesse, qui s’étonnera tout d’abord que ce projet ne figure pas dans le projet de territoire voté en 2016. Le premier édile d’un des Plus beaux villages de France rappellera ensuite que l’Agglo avait abandonné les compétences culture et sport et soulignera la question du « reste à charge pour l’Agglo », avant de poser LA question : « Est-ce que ce projet est prioritaire pour nous ? » « Les nouveaux équipements culturels et sportifs à dimension intercommunale restent dans nos statuts, lui répondra le président, Jean-Christian Rey. Le nouvel équipement sera porté par l’Agglo, mais on va rentrer dans une phase de tour de table financier. L’Agglo ne portera pas le fonctionnement de A à Z. » Et le président de rappeler que « la culture fait partie de la solution, elle est importante. » Le maire de Tresques, Alexandre Pissas, après s’être dit « personnellement favorable au projet », reviendra toutefois sur la question de la compétence de l’Agglo. « Le projet de territoire est quelque chose qui évolue », lui répondra le président.
« Il faudra beaucoup de pédagogie »
« Nous y voilà !, lancera ensuite, théâtral, le maire de Saint-Nazaire, Gérald Missour. Je vous avais mis en garde sur l’aspect financier. Si on ne veut pas une levée de boucliers, il faut être beaucoup plus clair. Il y aura des choix à faire et il faut les faire aujourd’hui ! » Qualifiant le projet de « bon projet », celui qui est par ailleurs membre de la conservation départementale dans le civil demandera « quelque chose de plus global, avec la gare, un équipement pour recevoir les péniches à Saint-Étienne-des-Sorts et la création d’un chemin artistique et culturel. »
L’élu d’opposition bagnolais Serge Rouquairol réitérera sa volonté de voir des synergies entre le projet de rénovation du centre culturel de Bagnols et le musée, avant que le conseiller communautaire délégué aux enseignements artistiques, Dominique Astori, n'évoque sa crainte que « se dessinent deux projets : un projet de musée et celui du conservatoire. » Le communiste spiripontain Jean-Marie Daver défendra ensuite le projet en estimant poétiquement que « on (lui) a toujours dit que l’Homme ne vivait pas que de pain », puis la conseillère régionale Catherine Eysseric assurera qu’elle pousserait le dossier à la Région.
Le maire de Laudun-l’Ardoise, Yves Cazorla, prendra ensuite la parole pour parler de la maison d’Albert André, à Laudun, étroitement liée au projet de musée, pour demander si les budgets de fonctionnement des deux structures seraient communs. « Tout le travail intègre la maison, pour en faire une résidence d’artistes, et sur le chiffrage aussi il y a une réflexion commune », lui répondra Jean-Christian Rey. Sachant que la rénovation de la maison devait être financée par le legs de l’héritière d’Albert André, somme dont le sort fait l’objet de controverses.
L’ancien maire de Pont Roger Castillon exhortera les élus à « être hyper transparents entre nous » sur ce dossier, probablement pour lui éviter un sort comparable à celui du Pôle d’excellence rural de Cornillon. Sur cette question, le maire de Montclus, Benoît Trichot, se dira « fortement interpellé par les 17 équivalents temps plein. Je pense que beaucoup de mes administrés trouveront ça exorbitant. Il faudra beaucoup de pédagogie. »
« Nous aurons un choix à faire, en conscience, répondra le président. Toutes les études parlent aussi des retombées économiques et de l’attractivité du territoire. » Ce à quoi acquiescera le maire de Saint-Pons-la-Calm, Pierre Baume, pas le moins critique des élus d’ordinaire. Finalement, le programme scientifique et culturel du musée sera validé avec « seulement » deux voix contre : celle d’Alain Chenivesse, et celle par procuration du maire de Laval-Saint-Roman, Muriel Roy-Cros. Le projet scientifique et culturel va désormais devoir être validé aussi par le conseil municipal de Bagnols et au ministère de la Culture via la Direction régionale des affaires culturelles. Le projet de futur musée, s’il est encore loin d’être sorti de terre, est désormais lancé.
Thierry ALLARD