FAIT DU JOUR Soldes : Entre gilets jaunes et verte rage
Il fut un temps où les soldes faisaient rêver le consommateur. Contraint à une certaine rigueur économique tout au long de l'année, le Français lambda attendait patiemment mais aussi fébrilement cet instant de surconsommation à bas prix (laissant entendre que les prix fixés le reste de l'année faussaient la donne consumériste).
Aujourd'hui, avec le commerce en ligne, la mondialisation galopante et les habitudes changeantes, difficile pour les commerçants de s'y retrouver. On a vu se multiplier les phases de cassage de prix, d'étiquetage précaire et de sérénité oubliée. Les soldes version 2019 ne sont visiblement que la continuité du long processus qui vise, à terme, à voir leur arriver fin.
Une fin proche si l'on en croit Sophie, commerçante nîmoise : " Honnêtement, je ne sais même pas pourquoi je fais des soldes... Machinalement j'ai fait ma vitrine mais pour moi comme pour les clients, rien n'est plus pareil. Mon commerce n'est pas touché par Internet mais, samedi dernier par exemple, avec la manifestation des gilets jaunes, j'ai dû fermer ma boutique alors que nous n'étions qu'au premier samedi des soldes... " Une perte sèche qui sera difficile à remontrer. Passer le temps, passer l'affaire.
Les gilets jaunes sont une cause, certes, mais samedi à la Coupole de Nîmes qui est traditionnellement désertée, les clients étaient en surnombre. Deux mondes semblaient s'opposer, sans se parler, sans se regarder.
" En même temps, les commerçants ont trop joué sur leurs marges et on a toujours l'impression de se faire arnaquer. Quitte à perdre de l'argent, je préfère le perdre à -70 % " avertit Lionel, consommateurs alésien de passage dans la cité des Antonin. Il n'est pas le seul à ressentir cette gêne. " Même sur Internet on commence à se faire avoir... Les prix changent mais ne sont pas toujours à la baisse. Là où c'était intéressant l'année dernière, ça ne l'est plus du tout aujourd'hui. Il faut sans cesse comparer, regarder ", note quant à elle Coralie, habituée des soldes en ville comme des soldes virtuels.
Les rues de la ville ne sont pas plus remplies. Si la municipalité de Nîmes semble vouloir faire des efforts pour drainer à nouveau du public dans l'Écusson, elle n'offre pas plus de solution que le stationnement plus ou moins gratuit de temps à autre. C'est normal, les cœurs de ville sont en grande difficulté mais les zones extérieurs s'en sortent-elles mieux ?
À en croire les consommateurs la réponse est oui. Pour les commerçants, c'est un autre son de cloche. " Ici, les loyers sont très chers et nos chiffres ne sont pas toujours à la hauteur. Oui, beaucoup de monde vient à Carré Sud ou à Cap Costières, c'est indéniable. Mais consomment-ils ? Plus maintenant ! Ils viennent souvent pour se balader, pour s'aérer, pour passer un bon moment dans un cadre qui est agréable et sans trop de nuisances. Ils peuvent se garer alors c'est un plus mais regardez les sacs : ils sont moins remplis qu'il y a dix ans ! ", analyse un commerçant. Et double peine pour ceux qui ont décidé de faire du commerce dans ces zonées dédiées à cet effet car ils doivent avoir la même cadence d'ouverture que Géant Casino (en l'occurrence).
-20, -30 ou +3 %, avec les chiffres d'affaires que donnent les commerçants, on ne sait jamais sur quel pied danser. Une chose est sûre, c'est que le mal-être est profond et perdure dans le temps. Secteur d'activité, prix affichés, emplacement stratégique, météo, manifestations... Autant de paramètres insondables et difficilement prévisibles entrent en jeu pour tester les lignes de comptes.
Le commerce restera le commerce, les soldes vivent peut-être leurs dernières années mais se renouveler est une habitude chez les commerçants. Heureusement, pour les Nîmois du centre-ville en tout cas, la braderie d'hiver (1er et 2 février) aura bientôt lieu et appuiera un tantinet les présents soldes qui ont du mal à décoller. Deux jours de rabiot supplémentaire et une occasion de plus d'écouler le stock et de faire des bonnes affaires !