FAIT DU JOUR Yvan Lachaud piqué mais pas coulé : "Vous m'avez vu mis en examen ?"
Un déjeuner pour désamorcer ? Comme quelques personnalités politiques gardoises de premier plan, Yvan Lachaud favorise ces moments d'échanges avec la presse pour aborder tous les sujets d'actualité et tenter aussi de mieux expliquer ses choix politiques. Quelques jours après le vote tendu concernant le marché de l'eau de Nîmes métropole, l'occasion était toute trouvée pour le patron de l'Agglo de répondre point par point aux questions restées en suspens. Revue de détail.
Lancé comme zakouski en entrée de repas le "faire mieux avec moins" d'Yvan Lachaud n'avait rien à envier au "travailler plus pour gagner plus" d'un certain Nicolas Sarkozy, son vieil ami et donnait le ton de l'entretien. À la tête de Nîmes métropole depuis 2014, le centriste l'assure : sa politique est concentrée avant tout sur une forme de "management de budget" qui lui permet de faire évoluer positivement une épargne brute offrant des opportunités d'investissements. Le tout "sans augmenter des impôts".
Transport et eau : véritables sources d'économies ?
En font foi les deux délégations de marchés publics traitées en un an. En premier lieu les transports, dont les nouveaux prestataires sont entrés en activité en début d'année avec à la clé une économie qui avoisine les 55 millions d'euros sur 5,5 ans. "L'impact sur le budget principal sera de 10 millions d'euros chaque année", aime à rappeler le président. Concernant l'eau, sujet ô combien d'actualité, malgré les deux recours de la Saur et de Suez, Yvan Lachaud se montre confiant : "Après le 8 février, nous signerons officiellement avec Veolia Eau". Un contrat de 8 ans qui devrait, là aussi, selon les savants calculs des experts de Nîmes métropole, dégager une économie substantielle.
"La Saur était là depuis longtemps. À l’époque, De Gaulle était à la tête de la France. C'est dire ! On peut comprendre facilement pourquoi nous sommes arrivés à faire des économies qui vont permettre de baisser le prix de l'eau de 15% après l'avoir déjà fait de 5%."
Mais alors que se poursuit la valse des assiettes, difficile de passer sous silence toute la polémique autour de ce marché de l'eau. Jouant la partition de seul contre tous, Yvan Lachaud l'assume : "Mes liens supposés avec le cabinet conseil Egeis ? Ma réponse est claire : je n'ai pas vendu mon âme. Si quelqu'un a des preuves, qu'il m'attaque. Je suis très tranquille. La vérité me va toujours bien. La question que je pose par contre est simple : pourquoi Veolia Eau pose-t-elle problème ?"
Seule certitude affichée : "La procédure de mise en concurrence s'est déroulée comme celle des transports quelques mois auparavant. Le reste, ce n'est pas mon problème. C'est celui de Veolia Eau et de la Saur."
Piqué mais pas coulé !
Et Lachaud, piqué, de vider son sac : "Depuis 2001 j'étais en responsabilité à la mairie de Nîmes en charge des finances. Vous m'avez vu mis en examen ? Merde ! Y'a des lois en France même pour une députée (Françoise Dumas pour ne pas la citer). Qu'est-ce que cela veut dire de ne pas respecter une procédure d'appel d'offres ? Moi, je ne mange pas de ce pain là. Ma vie est consacrée à autre chose. Je suis libre de mes choix car je ne dépends pas exclusivement de la politique."
Quelques cuillères en bouche donnent l'occasion de détendre l'atmosphère en évoquant les projets structurants pour le territoire... Cette année 2019 marquera l'ouverture de la gare Nîmes-Pont du Gard : "On a tout fait pour ouvrir un an avant. C'est un pari réussi avec la SNCF." Autre sujet, autre moyen de locomotion avec la ligne T2 qui prendra la route entre la Gare centrale de Nîmes et le CHU en fin d'année. Armée de 12 bus de 24 mètres, Lachaud est optimiste pour une liaison dont il prévoit une ouverture "avant les fêtes de Noël 2019." D'un coût de 13 millions d'euros, cette nouvelle ligne sera complétée par la ligne T1 Sud.
D'autres investissements sont aussi à l'ordre du jour qui devront être validés par le vote du compte administratif le 25 mars prochain : la gestion des ordures ménagères pour 2 M€, l'eau et l'assainissement pour 27 M€ ou encore la prévention du risque inondation dont l'addition devrait se chiffrer aux alentours des 10M€.
Des investissements rendus possible grâce aux économies réalisées. "41 millions d'euros sur l'épargne brute. Cela répond à tous ceux qui expliquaient que l'Agglo était mal gérée. Notre dette n'est pas délirante. Au 31 décembre 2018, elle est de 310 millions d'euros. Notre taux de désendettement est de 7,5 années. Bien en-deçà des obligations fixées par l'État à 11,5 années." Des éléments qu'il faudra toutefois prouver après examen des comptes à la fin mars...
L'attractivité du territoire : beaucoup d'annonces peu de résultats
L'arrivée d'Orchestra annoncée à grand renfort de communication est le sujet sensible du moment. "Ils ont des problèmes aux États-Unis. Ils sont toujours preneurs mais nous on est preneur d'un plan B." Vous l'avez compris, Orchestra ne viendra vraisemblablement pas.
Fort de "3 ou 4 propositions", toutefois vagues et peu précises, Yvan Lachaud promet "sur un terrain de la Zone Mitra (sur la commune de Saint-Gilles, NDLR), un gros projet d'investissement avec 400 emplois à la clé." Le nom de l'acquéreur ? : "On ne peut rien dire, c'est confidentiel." Dont acte. Asics ? "C'est fait, affirme-t-il. Quelques problèmes techniques à régler avec la mairie de Garons mais c'est en très bonne voie. Le déménagement aura lieu en septembre."
Devant une assistance un peu circonspecte, Yvan Lachaud enclenche une dernière cartouche pour enfoncer le clou : "Entre 2014 et 2016, les chiffres sont là. On compte 2 000 entreprises en plus sur le territoire. C'est près de 5 000 emplois crées. Tout ce qui va dans le sens d'une dynamique contre le chômage, je suis preneur."
Magna Porta : fer de lance du tourisme de demain ?
Le tourisme est capital pour Nîmes métropole. Magna Porta doit en être l'essence. "Quand demain un tour opérateur regardera les destinations à 2h35 de Paris pour visiter la romanité française, il se tournera forcément vers Nîmes." Pour cela, l'Agglo recherche les meilleures opportunités. Avec la Région pour son fameux parc à thème "qui sera tourné vers la thématique de l'eau. C'est très en vogue. On regarde deux projets de piscine à surf. Des candidats tapent à la porte. Mais rien de concret pour le moment." Ou encore avec l'État et le ministère des Sports que le président de Nîmes métropole rencontrera dans les prochains jours pour son projet de dojo sportif.
Jouant sa présidence à l'Agglo, Yvan Lachaud ne veut pas se planter. "1,2 millions de passagers potentiels, ça va attirer les regards. Il est donc urgent d'attendre pour prendre les bonnes décisions." Surtout à quelques mois d'une échéance électorale cruciale. "De toute façon, ce n'est pas l'Agglo qui va supporter les coûts de ces projets, ce sont les investisseurs. Il faut donc être sûr de faire les bons choix."
L'aéroport aux oubliettes ? Pas si sûr...
Quant à l'aéroport, il reste un sujet préoccupant, c'est le moins que l'on puisse dire. "C'est un sujet compliqué" concède le président de Nîmes métropole qui s'empresse de rajouter : "Mais on ne s’endort pas". En charge de l'aéroport après avoir repris les manettes des mains de Jean-Paul Fournier, à la tête du syndicat mixte de l'aéroport pendant de nombreuses années, Yvan Lachaud reste lucide : "J'ai rencontré Ryanair il y a quelques mois pour installer une ligne commerciale supplémentaire à destination de l'Europe du Nord. Mais face aux aéroports de Marseille ou Bordeaux, vous ne faites pas le poids. Vous remerciez déjà le patron de la compagnie aérienne de vous recevoir." Partir vaincu, pas certain après d'obtenir grand chose... Encore plus quand la prospective économique est claire comme l'eau de roche : "Dans 15 ans, les aéroports stratégiques seront à Marseille, Toulouse et Barcelone."
Pour relancer la machine, une seule possibilité : investir dans l'outil. Présente à Garons, la société française d’aéronautique Sabena technics en est l'illustration. L'entreprise souhaite se renforcer sur le marché de la maintenance. Des ambitions qui se traduisent par des investissements nombreux. À Mérignac tout récemment, Sabena technics voudrait aussi bénéficier de hangars supplémentaires sur le territoire Nîmois. "D'autres entreprises tapent à la porte", renchérit le patron du Colisée. Coutumier de l'expression, elle pourrait porter à sourire si ces projets devaient mourir dans l’œuf.
Le volet formation est aussi l'un des enjeux forts. La Région Occitanie vient d'investir 1 M€ pour développer les formations aéronautiques sur la plateforme aéroportuaire. "Après Toulouse, nous serons à la rentrée prochaine, avec plus de 200 jeunes en formation, le deuxième pôle d'Occitanie."
Les Municipales à l'horizon
Veolia, Magna Porta, l'aéroport... Yvan Lachaud joue à "réponse à tout" pendant tout le repas. Mais oublie qu'en se plaçant systématiquement en première ligne, il se grille toute possibilité de fusible en période de surtension. Une nouvelle allumette devrait d'ailleurs bientôt mettre le feu avec la publication du rapport de la Chambre régionale des Comptes sur la gestion Fournier de l'aéroport. "Nous aurons le rapport provisoire dans quelques semaines. Je suis assez content d'avoir demandé à la Chambre régionale de m'aider. J'ai des éléments mais j'ai un devoir de confidentialité. Nous acterons le rapport lors d'une prochaine délibération. Et de paraphraser un vieux tube d'Éric Charden : " Il fera chaud cet été..."
Difficile de démêler le vrai du faux mais une nouvelle fois, cette prophétie du chaos, même s'il s'en défend, remet une pièce dans le conflit qui l'oppose au maire de Nîmes. "On a fait du bon boulot à la Ville. Notre tandem fonctionnait bien. Je ne crache pas sur tout ce que l'on a fait pendant 15 ans. On a réduit la dette de la Ville, mis en oeuvre de nombreux projets notamment la Maison des associations et fait baisser les impôts. J'ai un simple désaccord avec Jean-Paul Fournier sur la façon dont j'ai été traité."
Et de conclure sans que l'on ait posé la question : "Je veux rassembler les femmes et les hommes de Droite et de Gauche. Je vous rappelle que c'est Jacques Bollègue du Parti socialiste qui a géré le dossier du marché de l'eau. Moi, je travaille avec tout le monde dans l'objectif de conjuguer les talents." Une stratégie qui pourrait s'avérer payante dans une France macroniste. À moins que d'ici là...
Abdel Samari