LE 7H50 d'Éric Maurel, procureur de la République de Nîmes : "Je suis comme un capitaine de navire"
Eric Maurel, procureur de la République de Nîmes s'exprime sur son activité au quotidien. Comment faire mieux avec moins, tout en s'adaptant aux nouveaux usages. Il est l'invité du 7H50.
ObjectifGard : Vous êtes à Nîmes depuis un peu plus de deux ans. Comment définissez-vous la situation ?
Eric Maurel : Nîmes est un ressort passionnant pour un procureur quand on regarde sa diversité au quotidien. Avec mes collègues, nous sommes confrontés chaque jour à de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants ou encore du proxénétisme. Le Gard est un département violent, je ne vous apprends rien. Une violence intra-familiale, dans la rue ... Et même des agressions au domicile pour des vols notamment. C'est l'une des caractéristiques marquantes. Ce que je retiens de Nîmes, par ailleurs dans notre activité quotidienne, c'est qu'il est facile de travailler avec les acteurs du territoire. Avec le préfet du Gard, nous avons des relations privilégiées, une grande entente dans le respect de l'institution judiciaire et de la haute administration. On travaille main dans la main au service des administrés. C'est la même chose avec les services de police et de gendarmerie. Mais je travaille aussi avec les élus de toutes les municipalités, je considère que nous devons nous parler et ne pas être dans des relations de défiance.
La Justice est au centre de la vie de la Cité. Et pourtant, les moyens manquent cruellement à Nîmes. Comment faire mieux avec moins ? Est-ce même possible ?
Nous n'avons pas le choix. Le tribunal de grande instance de Nîmes est sous-dimensionné en nombre de greffiers, parquetiers, juges, ... Ce n'est pas à la hauteur des attentes notamment avec l'arrivée chaque année de 8 000 nouveaux habitants. Il faut donc être imaginatif, innovant. C'est difficile pour mes collègues, qui par moment, ont le sentiment de travailler beaucoup pour peu de résultats. Mais je suis comme un capitaine de navire, je fixe le cap.
L'un des moyens modernes que vous utilisez est le réseau social Twitter. Vous y êtes très actif. Est-ce bien votre place ?
J'y suis car nos concitoyens y sont. Ils écoutent moins la radio, achètent moins la presse. C'est aujourd'hui l'un des nouveaux moyens de dialogue et de communication. Je considère devoir être là où les gens sont. C'est un exercice délicat, je vous l'accorde. Il faut donc s'imposer des règles strictes de déontologie. Mais vous savez, j'apprends beaucoup de choses moi aussi sur les réseaux sociaux.
Vous publiez un ouvrage le 12 juin prochain intitulé "Culture juridique et judiciaire". Pouvez-vous nous en dire un mot ?
C'est un ouvrage composé d'une centaines de thématiques différentes, qui répondent simplement et de façon pédagogique, aux questions que peuvent se poser chacun de nous sur l'institution judiciaire. C'est à destination des étudiants qui passent les concours de la fonction publique ou d'avocat mais aussi pour le grand public. Les sujets sont abordables et font référence pour certains aux sujets d'actualité qui nous interpellent tous.
Enfin, vous rentrez d'un séminaire en Roumanie consacré à la délinquance internationale. Qu'avez-vous échangé avec les autres procureurs invités ?
C'est important aujourd'hui de travailler en coopération avec les réseaux de procureurs en France mais aussi dans toute l'Europe. Cela permet de garder un lien fort à chaque instant. Par ailleurs, ce séminaire était centré sur les nouveaux modes de réflexion autour de la traite des êtres humains. L'une des spécificités dans le Gard. J'en retiens une double expérience. Il nous faut changer nos techniques et méthodes d'enquête en accentuant la pression sur le patrimoine des proxénètes à l'étranger. Et il est essentiel d'accompagner les victimes que ce soit des femmes ou des jeunes mineurs qui vivent sous la contrainte de la violence ou sous le risque pour leur proche.
Propos recueillis par Abdel Samari