FAIT DU JOUR Denis Bouad : « On peut être Socialiste et bon gestionnaire »
Logement, mineurs non-accompagnés, très haut débit... Le président Socialiste du Département du Gard, Denis Bouad, évoque ces différents chantiers dont certains attendent avec impatience leur premier coup de pioche.
Objectif Gard : Faut-il vous appeler Monsieur le ministre maintenant ?
Denis Bouad (il sourit) : Ah non, pas du tout. Je suis bien au Département ! Pourquoi ?
Vous avez rencontré plusieurs ministres du gouvernement... Et le délégué interministériel Olivier Noblecourt salue « votre courage politique »...
J’ai souvent crié après le gouvernement pour des mesures injustes, concernant le Département ou son bailleur social Habitat du Gard (que Denis Bouad préside, ndlr). Olivier Noblecourt est un homme avec qui je travaille depuis un an. Il m'a accompagné sur la fermeture du collège Diderot. Il m’appelle pour le plan pauvreté afin que le Gard puisse faire l’expérimentation. Ce que l’on fait à Diderot répond parfaitement à ce que veux faire le président de la République puisque nous voulons en faire une maison des services publics. Moi, je n’ai pas changé d’idée.
Justement, vous êtes Socialiste. Et les Socialistes se situent clairement dans l'opposition. Or, vous ne tapez jamais à bras raccourcis sur le président...
Je suis toujours Socialiste, mais je ne fais pas de politique politicienne. Aujourd’hui, on fait de la politique en étant attentif aux problématiques des Gardoises et des Gardois. Ça ne gène personne que je sois socialiste, ce que veulent les gens, c’est que l’on avance pour eux. Quand tu es Président du 4ème département le plus pauvre de France avec un taux de chômage à 13% et que le Gouvernement est à notre côté, je n’ai rien à dire contre eux. Je travaille très bien avec la Région qui accompagne aussi plusieurs de nos projets. Je ne regarde pas l’étiquette politique. Ce qui m'importe avant tout, c'est que la situation s’améliore pour les gens.
Emmanuel Macron a annoncé des mesures pour répondre à la crise des Gilets jaunes. Qu'en pensez-vous ?
Pour le seuil des 1 000 euros de retraite, ça coulait de source. Les classes de 24 élèves, ça fait un peu réchauffé... Qu’est-ce que l’on fait nous avec la construction des nouveaux collèges ? Il a eu des réponses modérées, positionnées dans le réel. Je dirais que le grand débat a permis à Emmanuel Macron de découvrir la France.
Il était temps… Vous l’avez dit, le taux de chômage reste élevé. Qu'en est-il des allocataires du RSA dans le Gard ?
C’est élevé, mais stable avec 30 000 bénéficiaires. Nous avons prévu 180 millions pour 2019. Nous allons rajouter 4 millions environ cette année. En revanche, ce qui évolue de manière significative c’est l’aide pour les mineurs non accompagnés avec 5 millions d’euros. Dans ce département, ils sont nombreux.
GARD : 1 200 mineurs accompagnés
C’est-à-dire ?
À l’heure actuelle, nous en avons 1 200. Il va falloir mettre en crédit pour les loger, dispenser des cours de français… Chaque département doit prendre des quotas, cela relève des compétences obligatoires du Département au même titre que le paiement du RSA.
Quand on voit la polémique sur un projet d’aide au Mali, ne craignez vous pas que l’opposition rejette ces crédits ?
Ça va être compliqué… Le Front national va certainement se sécher mais c’est la loi. Tout mineur doit être accompagné par l’ASE (Aide sociale à l’Enfance). On les loge dans des maisons à caractère social, des hôtels…
Vous en discutez avec l’État ?
Oui, ça relève de la politique d’immigration de la France. On est au-delà du quota prévu qui était de 700. Ce n’est pas comment les accueillir qui est inquiétant, c’est comment je les accompagne pour l’avenir ! Nous sommes dans un département touché par le chômage de masse. Tout cela rend la tâche plus difficile.
Comment financer ces nouveaux besoins ?
On ajuste tous les jours selon les tendances. Dans le même temps, de nouvelles recettes arrivent. Le 5 juin sera examiné le compte administratif qui révèle la réalité des dépenses et des recettes de l’année écoulée. La bonne nouvelle, c'est que avons un excédent de fonctionnement de 50 millions d’euros environ, au même niveau que l’année dernière.
À quoi cet excédent est-il dû ?
On maîtrise les dépenses. Ces économies résultent des mesures prises depuis 2015. Cet excédent va permettre de financer les investissements de l’an prochain. On peut être Socialiste et bon gestionnaire.
Logement : « À Nîmes, on fera un effort »
Concernant le grand plan de rénovation urbaine, où en est-on ?
Après la baisse des APL qui nous avait fait monter au créneau, le Gouvernement a décidé de baisser la TVA et de financer les démolitions. C’est une bonne nouvelle. Sans ça, ça m’était impossible… Et j'aurais fait une conférence de presse pour le dénoncer ! Vous voyez, vous qui me traitez de Macron-compatible ! Le projet de rénovation urbaine, c’est 300 millions. Nîmes est l’un des plus gros dossiers de France (hors Île de France) et le Département, via son bailleur social Habitat du Gard, fera un effort…
En parlant d’Habitat du Gard, où en est le projet de fusion avec la SEMIGA que préside le Socialiste Alexandre Pissas ?
La fusion est imposée par la loi. J’attends le résultat de l’étude financière. Alexandre Pissas conduit également une étude…
… C’est un peu à chacun son étude. La confiance règne !
La Semiga a moins de 12 000 logements sociaux. Qu’on se le dise, cette fusion aurait dû se faire depuis des années ! Quel est l’enjeu ? Voir la santé financière de la SEMIGA, les investissements prévus, le personnel, l’état du parc immobilier. Il en va de la capacité du nouvel organisme à faire face à ses engagements en matière de production de logements sociaux..
Reste que sa présidence est assurée par Alexandre Pissas. En 2015, ce dernier en avait fait un enjeu pour vous permettre d’être président du Département. On peut imaginer qu’il va vouloir quelque chose en échange, non ?
Soyons honnêtes… Le temps que cela se fasse, nous serons à la fin du mandat au 31 décembre 2021 et les nouvelles élections départementales sont en 2022.
Très haut débit - projet ?
Vous lancez une grande campagne pour développer l’attractivité du territoire. Or, le Département n’a plus la compétence développement économique…
Une chose qu'il ne faut pas oublier, c’est mon côté proche des chefs d’entreprise. On a la chance de vivre dans un département traversé par deux autoroutes et avec un pôle attractif qui est Montpellier. Nous avons de belles entreprises : Royal Canin, Eminence et d’autres... Il faut être capable de donner envie aux gens de venir et attirer les investisseurs. Toutes les campagnes d’attractivité sont là pour rappeler les possibilités et les avantages en matière de business. On a fait le Salon de l’agriculture avec toutes les retombées économiques que cela offre. Quand je fais le Tour de France avec le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier, ça permet aussi d’attirer du monde.
Mais est-ce votre rôle ? On a le sentiment que ça aide aussi à votre image…
Quand il y a du chômage, c’est le Département qui finance le RSA ! Je ne sais pas comment vous l’expliquer autrement… Tenez, à Uzès, j’ai monté il y a des années le premier club d’entrepreneurs. Ça a permis de créer du lien et les entreprises ont pu échanger et travailler ensemble.
L’un des volets, c'est votre grand projet du Très haut débit dans le Gard. Après plusieurs mois, on ne voit rien venir… Où est SFR ?
Ils ont loué des bureaux en Ville active et ont un directeur depuis deux mois. Vous savez, lorsque l’on fait des travaux, tout est rapidement compliqué. Il faut des autorisations pour exploiter les réseaux sous-terrains, sous-traiter avec des entreprises… On aura les premiers travaux avant l’été. On va commencer par le sud du département
On est en mai. Pensez-vous que l’objectif de déployer 50 000 prises pour 2019 sera tenu ?
Nous avons discuté avec SFR lors du comité de pilotage mi-avril. Ils n’ont pas l’air inquiets.
Et vous ?
(Il sourit). Ce qui est sûr c’est que si les objectifs ne sont pas respectés, il y aura des pénalités.
Terminons enfin sur une note plus politique... Objectif Gard a publié un sondage ces dernières semaines. Comment expliquez-vous votre manque de notoriété ?
Ce que j’ai retenu, c’est qu’il n’y avait que des Nîmois devant moi, surexcités dans les médias, pour dire qu’ils étaient candidats. Ces types sont devant, c’est normal. Par contre, ce que j’ai vu, c’est qu’en étant candidat, je n’étais pas trop mal…
Les Municipales, beaucoup s'y préparent. En tant que président du Département, quel rôle comptez-vous jouer ?
Ce qui est dommage c'est qu'à Nîmes, à gauche, on n'est pas capable de s'unir alors que l'on est d'accord sur 95% des sujets. Regardez au Département ! Vous m'avez vu avoir un problème avec les Communistes ? Quant à mon rôle, il faudra d’abord me dire qui sera candidat : Socialistes, Communistes, Verts... Chez LREM, il y a des socialistes. On marche sur la tête, non ? Une chose est sûre : pour conduire une politique, il faut d'abord gagner une élection.
Propos recueillis par Abdel Samari et Coralie Mollaret