FAIT DU JOUR Virginie Razzano : itinéraire d'une championne de tennis
La première semaine de Roland Garros s'achève et nous sommes nombreux à participer à la fête devant nos écrans. Tandis que les meilleurs s'affrontent en duels haletants, qui ne s'est pas posé la question de savoir comment l'on devient champion ? Éléments de réponse avec Virginie Razzano.
La championne, qui vit à Nîmes depuis de nombreuses années, s'est maintenue pendant cinq saisons parmi les vingt meilleures joueuses du monde, a épinglé Serena et Vénus Williams à son palmarès ainsi qu'une victoire à l'Open d'Australie en junior et de nombreuses participations à la Fed Cup (l'équivalent de la Coupe Davis pour les filles). Comment peux-t-on arriver et se maintenir au plus haut niveau dans ce sport qui demande à la fois une condition physique au top, des nerfs d'acier et… du talent.
Un mental de championne à six ans et demi !
Virginie voit le jour à Dijon (Côte d'Or) en 1983. Et c'est seulement six ans plus tard que débute son histoire avec le tennis. À cette époque, elle vit déjà à Nîmes. "Mon père, jouait au tennis, se souvient-elle. J'ai voulu essayer et j'ai tapé mes premières balles à six ans et demi". Le sport lui plaît immédiatement et elle entre à l'école de tennis où elle se rend tous les mercredis et samedis de l'année scolaire. Mais pour la petite fille le tennis n'est pas un loisir. "Très vite j'ai voulu en faire plus" raconte Virginie. Je voulais devenir une championne, comme Gabriela Sabatini, mon idole. Je n'avais que cette idée en tête et il me fallait un entraîneur particulier pour parvenir à mes fins."
Elle arrive à convaincre son père qui contacte Cédric Nouvel, coach de tennis qui enseignait au Tennis club de Nîmes à l'époque. Le coach lui fait passer des tests et la fillette relève le défi. Cédric Nouvel, confie au père de Virginie : "Votre fille a du talent" et accepte de lui donner des cours particuliers.
C'est ainsi qu'à même pas dix ans, elle oublie poupées et copines et, tous les jours après l'école, elle va s'entraîner jusqu'au soir. Elle rentre chez elle, se douche, fait ses devoirs et se couche. Un rituel immuable auquel elle se plie en serrant les dents sur sa solitude, animée par la volonté de réaliser son rêve. Pour autant, elle ne néglige pas ses études. "J'aimais beaucoup l'école. J'avais de bons résultats", se plait à évoquer Virginie, qui affirme dans un sourire, "d'ailleurs j'aime toujours apprendre".
"Les filles qui étaient avec moi me pourrissaient la vie"
C'est lorsqu'elle a treize ans que le rituel va s'interrompre. Virginie est détectée par la Fédération française de tennis pour se aller en "Sport étude" à Paris. "Je ne me sentais pas de vivre si loin de ma famille. Je pars donc à Bordeaux au Creps de Talence pendant deux ans puis en "sport étude" au Centre national d'entraînement de Roland-Garros."
À Talence, Virginie est malheureuse. "Les filles qui étaient là avec moi me pourrissaient la vie. Elles me rejetaient parce que j'étais la meilleure." Il faut dire qu'à l'époque Virginie est trois fois championne de France, des titres qu'elle décroche en battant des joueuses plus âgées qu'elles. Des victoires qui pourtant, n'arrivent pas à lui faire passer le goût amer de la solitude. "Je pleurais au téléphone. Mon père m'aidait à tenir bon". Elle finit par en avoir assez d'être isolée et au réfectoire elle trouve refuge auprès des pongistes, plus âgés, qui lui prodiguent des conseils et la réconfortent.
Une victoire Junior à l'Open d'Australie et le rêve se réalise !
"À Roland-Garros, c'était plus calme. Je ne subis plus. J'ai appris à me faire respecter", affirme Virginie. Mais deux ans plus tard, elle décide de redescendre dans le Sud pour se rapprocher de son petit ami alors souffrant et reprend l'entraînement avec Cédric Nouvel, maintenant basé aux Hauts de Nîmes. À 17 ans, en junior, elle est n°2 mondial et en 1999, elle gagne l'Open d'Australie junior en simple et en double. Virginie Razzano devient professionnelle.
Elle est une championne, a réalisé son rêve et va commencer à le vivre pleinement. L'année d'après, toujours en junior, elle remporte Roland-Garros, un autre tournoi du grand chelem en simple et en double. " C'était bien parti. Mon objectif était de ramener pleins de titres. Je joue pour remporter chaque tournoi. La récompense de mon travail, c'est de soulever la coupe."
"Ma vie change, la fédération et les médias me suivent… L'argent et les sponsors aussi. Ça ne doit pas me stresser que ça devienne vraiment un métier. L'argent, tout ça, je n'y connaissais rien. Je n'avais pas encore 18 ans".
Dans la cour des grandes, premiers échecs
À la majorité la jeune femme a envie de d'être plus autonome. "Je me débrouille seule. J'ai un préparateur mental qui m'aide à avoir confiance en moi, à gérer mon stress, à dépasser mes limites, à rebondir. " C'est à ce moment là que Virginie entre dans la cour des grandes et se trouve confrontée aux meilleures mondiales du moment : Jennifer Capriati, Steffy Graff, Monica Celes, Lindsay Davenport…
"Des filles sur lesquelles il ne valait mieux pas tomber au premier tour", s'amuse la jeune femme. "Au début je perds des matchs, je fais trop de fautes. Je prends des scores secs," reconnaît Virginie. Une remise en question qui la pousse à travailler encore pour gagner sa place au sommet. La sportive n'a plus aucun repère. Elle doit apprendre à perdre, tout en utilisant son aptitude à comprendre pourquoi et mettre au point des stratégies efficaces.
"J'ai le sentiment de tout recommencer à zéro," constate Virginie. Comme à ses débuts, elle se retrouve avec une pente à gravir et comme la première fois, sa détermination a raison de ses doutes. "Je progresse vite. Je suis coachée par Stéphane Vidal et Cédric Nouvel m'entraîne." Un travail intensif qui l'endurcit et la change. "J'ai souffert beaucoup", pointe t-elle. "Mais je gravis la pente, je bats beaucoup de top 10. J'ai grandi et évolué."
Victoires au sommet
Finaliste en simple à deux reprises sur le circuit WTA, à Tachkent et à Forest Hills, elle s'impose pour la première fois au tournoi de Guangzhou en septembre 2007 . Une semaine plus tard, elle enlève le plus beau trophée de sa carrière à l'Open du japon à Tokyo, battant en finale Venus Williams, 8e mondiale, au terme d'une rencontre de presque trois heures.
Au bénéfice de ces deux succès consécutifs, elle se hisse au 27e rang mondial. En septembre 2009, elle atteint le meilleur classement de sa carrière en se hissant à la 16e place. À cette époque, Virginie vit entre deux hôtels, voit peu des pays où elle se rend. Malgré les revers, les baisses de forme, les moments de solitude (encore) et des résultats en dent de scie, elle conserve l'envie de se battre, de gagner. Mais surtout de jouer. Pendant les années qui suivent, elle battra Maria Sharapova en 2011 et Serena Williams l'année suivante. En 2017, une opération l'éloigne des cours la moitié de la saison. Elle annonce la même année qu'elle décide de mettre fin à sa carrière sportive en 2018.
Mettre 20 ans de carrière au plus haut niveau au service des entreprises
"J'ai envie de faire d'autres choses", affirme Virginie qui n'a rien perdu de son mental de championne. De ces 20 ans de carrière, elle retient son sens de l'effort, du challenge, du jeu en équipe (Fed Cup), l'aptitude à mener la sienne (préparateur mental, kiné...) et surtout à gérer sa carrière comme une petite entreprise. Elle a appris à se remettre en question dans l'échec comme dans la réussite. Ces constats l'amènent à mettre ses valeurs et son expérience de l'excellence au service des entreprises (Lire ci-dessous). Qu'on se le dise !
Véronique Palomar-Camplan
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