J'AI TESTÉ POUR VOUS La vie d'un cirque en été
L'été rime avec activité. Pour cette saison, Objectif Gard a testé pour vous des activités et des sorties insolites aux quatre coins du département. Aujourd'hui, nous nous sommes rendus à Aimargues sur la base technique du cirque Medrano ouverte pour la première fois au public et pour encore quelques jours en attendant que la troupe, animaux compris, reprenne la route aux quatre coins de France. Une expérience insolite et pleine de surprises.
C'est le dixième été que les animaux du cirque Medrano, soigneurs et certains membres de la troupe, viennent se reposer sur les six hectares que compte le parc du domaine du Petit Malherbe à Aimargues. "Nous sommes en phase de test. C'est la première année que nous ouvrons au public, explique Raoul Gibault, directeur d'Arena production qui possède le cirque.
Une initiative qui répond à plusieurs raisons. "La première, c'est que tout le voisinage réclame depuis des années de voir voir les animaux l'été. Face à cette demande nous avons eu l'idée d'organiser des visites guidées pour que les gens satisfassent leur plaisir d'approcher des animaux mais qu'aussi ils constatent qu'ils sont en bonne santé et heureux. Nous comptons que les visites guidées puissent répondre à toutes les questions qu'ils se posent", achève le directeur, de passage ce jour là.
L'arche de Medrano ce sont deux éléphants d'Asie, des chevaux, des chameaux, des zèbres, des tigres blancs et dorés, des zèbroïdes, des lionnes, des lamas, des zébus de Madagascar, des poneys, des vaches Highland d'Écosse, des bœufs Watussi à très longues cornes, des animaux de la ferme, des oiseaux… Ils sont 70 environ à profiter de leur vacances en Camargue en compagnie de leurs soigneurs.
Lorsque l'on arrive sur le parc, on peut s'étonner du manque de scénographie de l'endroit. Nous sommes habitués à des parcs animaliers dûment scénarisés avec des parcours de visite. Ici rien de tout ça. La sécheresse rend l'atmosphère poussiéreuse du galop des équidés de tous ordres qui s'ébattent joyeusement et trottinent vers les clôtures pour observer les visiteurs.
Nous sommes dans un cirque au repos, ni dans la nature, ni dans un zoo. Les animaux eux aussi sont particuliers. Raoul Gibault tient à dissiper tout malentendu. "100% des animaux qui vivent avec nous sont nés au cirque. La plupart, comme les tigres, depuis plus de 30 générations. Ils ont grandi avec les hommes et le public, ils ont appris à vivre ensemble ou presque. Sauf que, bien entendu, aucun herbivore ne s'approche des tigres et des lionnes," précise-t-il.
Nous rejoignons Sarah Houcke pour suivre sa visite guidée. D'un père Anglais, d'une mère Française avec un peu de sang suédois pour faire bonne mesure, la jeune femme est née dans une famille de cirque depuis huit générations. Contre l'avis général, elle a décidé de devenir dompteur. Un métier exercé par moins de dix femmes dans le monde. Comme tous ici Sarah est une passionnée et très vite la magie opère.
Le public est sous le charme et les questions fusent. "Vous avez eu des accidents? ", demande un petit garçon. "Non regardez-moi, il ne me manque rien et je n'ai même pas une cicatrice, sourit Sarah. Je travaille avec mes fauves comme une maman avec ses enfants. Je les respecte et ils en font autant. Lorsque je sens un animal de mauvaise humeur, je ne le force pas à entrer sur la piste, c'est comme ça que les accidents arrivent. Au contraire, lorsqu'un tigre ou une lionne est un peu souffrant, je le laisse rentrer pour ne pas augmenter sa dépression. Lorsque l'on entre sous le chapiteau, j'ai une montée d'adrénaline, les animaux aussi. Les en priver les rend tristes."
Sarah, s'interrompt pour parler à ses tigres qui viennent se frotter à elle à travers les barreaux. "Une année, raconte la jeune femme, on m'a confié un groupe de tigres âgés de 18 ans, en pleine forme. Ils m'ont adoptée. Je n'ai jamais eu de problèmes avec eux".
Puis nous allons voir les éléphantes, elles ont 53 ans chacune et ne se déplacent plus que sur les séjours longs. Le cirque limite leurs voyages à quatre par saison et augmente le nombre de visites du vétérinaire pour dépister à temps des maladies dues à l'âge (chaque visite coute 5 000 €, NDLR). "L'an dernier, elles étaient trois, raconte Raoul Gibault. Une d'entre-elles avait atteint l'âge de la retraite. Elle souffrait de cataracte. Je l'ai fait opérer. C'est la seule de son espèce à avoir subi cette intervention. Un coût élevé de 17 000 € pour augmenter son confort. Puis nous avons veillé à ce qu'elle ait une retraite heureuse. Placer un éléphant dans de bonnes conditions n'est pas évident. Aujourd'hui, elle coule des jours heureux dans un temple bouddhiste au Pays de Galles après un an de démarches administratives."
C'est donc au tour des deux éléphantes de faire l'objet de l'attention du public et des explications de Sarah. Leur soigneur est auprès d'elles. "Cela fait 15 ans qu'il en prend soin et lorsqu'il revient de son mois de vacances, elles pleurent de joie en le retrouvant," s'émeut Raoul Gibault. Pour l'heure, c'est le moment de la douche. "Elles en prennent cinq par jour environ", précise Sarah.
L'une d'entre-elles réclame le jet d'eau, l'autre s'éloigne. Personne ne la forcera. Pendant sa douche, l'éléphante volontaire fait entendre un son grave qui roule comme le ronronnement d'un chat géant. "Elles peuvent s'échapper ?" Interroge une dame. "Oui. La clôture électrique ne fait pas mal," renchérit-elle en la saisissant d'une main. Et de pointer : "Pourquoi s'échapperaient-elles. Elle n'ont rien à fuir ici."
Une qui a bien compris que franchir les barrière était facile, c'est une petite femelle zébu qui vient chiper les friandises des éléphantes en se riant de la clôture. Les questions fusent, personne n'a envie que ça s'arrête. "Sont-elles attachées ?" "On les entrave après la douche et avant le spectacle pour qu'elles restent propres, sinon elles s'aspergent de poussière. Cela représente une heure par jour de représentation. C'est souvent là que les gens prennent des photos, c'est triste", déplore Sarah.
La visite dure plus d'une heure. Pendant ce temps, certaines familles ont choisi de regarder leurs petits jouer dans les structures gonflables, aller d'un enclos à l'autre ou se promener librement à dos de poneys dociles comme des chatons. Il règne dans le lieu une impression d'harmonie et de douceur.
La sérénité du lieu fait oublier que ce monde est menacé. On pourrait penser que c'est la pression des animalistes qui pensent et œuvrent pour que les cirques n'aient plus d'animaux mais Raoul Gibault nuance le propos, même s'il constate que la pression de ces mouvements est énorme. "Nous avons fermé nos pages Facebook qui étaient salies d'images horribles et d'insultes violentes, qui quand on y regardait de près, venaient toutes de cirques étrangers qui n'ont pas du tout d'état d'âme vis-à-vis des animaux. Il y a bien sûr de mauvais comportements qui sont condamnables et, bien entendu, tout cela doit être régi et surveillé de près", affirme-t-il. Chez Medrano les animaux sont considérés comme des partenaires. Ce sont des animaux artistes et cette collaboration n'est possible qu'à force d'amour et de respect".
L'équipe du cirque pense que les affirmations de ses détracteurs peuvent trouver des réponses simples. "On dit que ces visites ne sont pas bonnes pour les enfants. Mais si on ne sensibilise pas la jeune génération dans 15 ans, il n'y aura plus d'animaux sauvages", affirme Sarah. En croisant le regard du tigre, à la fois doux et inquisiteur ou en approchant l'éléphante ronronnante, on est tenté de lui donner raison et de penser que rien ne remplace ce face-à-face magique et singulier.
Pour Raoul Gibault, la menace est ailleurs, dans l'augmentation du prix des carburants qui rend les déplacements hors de prix et celle des emplacements loués par les villes. À l'inverse, il est inenvisageable de vendre les billets plus cher. "Le cirque est et doit rester le premier des arts vivants avec 15 à 16 millions d'entrées par an en France tous cirques confondus", s'engage le directeur qui déplore que le plus ancien et le plus populaire des arts vivants ne soit pas plus aidé par les pouvoirs publics qui subventionnent toutes les autres forme d'art.
Cette année, le cirque Medrano a signé une convention avec le Mucem à Marseille et emmènera avec lui une exposition itinérante sur l'histoire des arts du cirque. Une façon pour le musée d'aller à la rencontre du public. En réponse à ses détracteurs, il n'y a, selon Medrano, que la pédagogie et la transparence. "Nous pensons à améliorer notre parc, à remplacer les barreaux par du plexiglas et à proposer des répétitions au public pour monter notre façon de travailler", projette Raoul Gibault. Le jungle Park ouvre jusqu'à dimanche et le week-end-end du 7 et 8 septembre puis le cirque reprendra la route jusqu'en avril prochain.
Véronique Palomar Camplan.
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