AU PALAIS « Ma sœur a tué son mari et mon frère est en prison pour fausse monnaie »
« Vous ne tenez pas compte des sentiments ! » Teint rosacé, joues creusées et petits yeux perçants, Gérard proteste, jeudi 2 juin au tribunal judiciaire de Nîmes, à l’énoncé de sa peine : un an d’emprisonnement, dont six mois avec sursis, pour des violences habituelles sur sa compagne Michèle.
Le 27 avril dernier, c’est lui qui appelle les gendarmes de Vauvert pour déclarer la disparition de Michèle. Mais en fait, celle-ci s’est rendue au commissariat de Nîmes… pour déposer plainte contre lui pour des violences qui dureraient depuis plus de deux ans. La veille, alors que le couple était en visite chez la sœur de Gérard à Vauvert, il l’a une nouvelle fois insultée, lui a tiré les cheveux et lui a asséné plusieurs claques en public.
« Tous les matins, elle se lève et boit une huit-six »
« Votre sœur a confirmé que vous aviez eu un comportement odieux, tenant les poignets de votre compagne, et l’insultant en la traitant d’ivrogne et de boniche... Alors vous reconnaissez ? », lui demande le président Jérôme Reynes. « Pas tout à fait monsieur le président, non, réplique le quinquagénaire, vêtu d’un t-shirt blanc beaucoup trop long pour lui. Ce jour-là nous avons fait le marché, puis nous avons pris un café. Pour moi car elle a pris un demi. Depuis qu’on se connait, tous les matins, elle se lève et boit une huit-six, alors que je lui porte le petit déjeuner au lit avec un jus d’orange pressé… »
Le juge l’interrompt. « Ce n’est pas le procès de madame…. », tente-t-il d’intervenir. Mais le prévenu ne semble pas l’entendre. « Il n’y a eu aucune violence, je vous en donne ma parole d’homme !, assure-t-il, avant de reprendre son récit. Donc, ensuite, au restaurant, elle a bu son demi de rosé toute seule - et moi de la Badoit. Puis au bar à Vauvert, elle a repris un demi - moi je suis allé lui chercher une aspirine. Elle était ivre et d’un seul coup, elle est partie, tandis que moi je suis rentré chez ma sœur. C’est tout, je ne l’ai pas revu. »
« Ma sœur est une menteuse, elle a tué son mari »
Un peu déconcerté, le juge change d’approche. « Et ça se passe bien avec votre sœur ? », demande-t-il. Sa question relance la logorrhée de Gérard. « Oh non, elle est menteuse, elle a tué son mari, elle a tous les défauts du monde !, déballe-t-il. Elle est bien connue, les gendarmes mangent chez elle. Mais sa parole de compte pas. »
Outre la scène de Vauvert, Michèle a décrit d’autres épisodes de violences à Carbone ou à Avignon. Mais Gérard nie en bloc, convaincu qu’il n’a rien à se reprocher. « C’est faux, à chaque fois qu’elle a bu, elle se cogne de partout. J’ai quatre enfants - pas avec elle - et je vous jure sur eux que c’est vrai, soutient-il encore. C’est elle qui vient me frapper, alors je dois lui maintenir les bras pour ne pas recevoir de coups de pieds. Tous les jours ! »
« Ma belle-sœur a voulu se mettre avec moi »
Le juge semble de plus en plus inquiet, d’autant que Gérard a déjà été condamné à de nombreuses reprises et qu’il est mis en examen depuis 2015, pour viol. Mais le quinquagénaire continue de se présenter en victime. « J’ai souffert toute ma vie : ma sœur a tué son mari, et mon frère est en prison à Madrid pour fausse monnaie. Pendant qu’il était en prison, j’ai divorcé, et alors ma belle-sœur est venue me voir pour se mettre avec moi, raconte-t-il d’une traite. Je lui ai dit qu’elle était folle ! Mais elle a une fille handicapée, et un jour, les gendarmes sont venus m’accuser de l’avoir violée. Que le bon dieu me tue : je n’ai rien fait de mal ! C’est pour se venger d’avoir refusé sa proposition ! J’aime ma compagne, vraiment. Je n’ai jamais tapé sur Michèle »
« Il est dangereux et vis-à-vis d’elle en particulier »
Mais la procureure coupe court aux multiples disgressions de Gérard. « Ce sont des violences habituelles qui se déroulent d’habitude dans l’intimité familiale, mais qui, ce jour-là, ont eu lieu devant témoin. Et il ne s’agit pas de simples déclarations : les enquêteurs ont pris ses hématomes en photo, rappelle Patricia Morais, qui demande son maintien en détention. L’expertise psychiatrique montre par ailleurs qu’il est dangereux, et vis-à-vis d’elle en particulier. »
Son avocat tente d’atténuer la responsabilité de son client. « C’est une relation toxique, explique François Jehanno. Lui se sent victime d’injustice car il souffre de troubles du discernement et d’une importante paranoïa. Mais elle aussi a des problèmes psychologiques : elle a voulu retirer sa plainte, puis lui a écrit des lettres enflammées en prison. Il a besoin de soin. »
Alors qu’il encourrait un maximum de 40 mois d’emprisonnement en raison d’une altération de discernement retenue par l’expert psychiatrique, Gérard écope d’un an, dont six mois ferme. Il reste en détention.
Pierre Havez
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