SAGA Bernard Boissier : "Je faisais partie des deux, trois meilleurs latéraux"
Pur produit nîmois, arrivé au club à l'âge de 12 ans, en 1964, Bernard Boissier a fait les beaux jours du stade Jean-Bouin. Il était donc logique d'achever cette série par l'interview de cet ancien défenseur de 65 ans qui vit désormais le foot comme simple spectateur mais toujours supporter.
Objectif Gard : Bernard, vous avez démarré votre carrière à Nîmes, en 1972. Qu'est ce que ça faisait à 20 ans, d'être plongé dans le grand bain de la première division ?
Bernard Boissier : "Jeune, j'étais déjà un fervent supporter. Je connaissais la grande butte, j'y allais avec mon père. Donc automatiquement, bercés par tous ces matches et admiratif quand je voyais tous ces grands joueurs évoluer, j'avais une envie énorme d'être un jour à leur place. Je suis arrivé à porter le maillot du Nîmes Olympique, c'était pour moi un évènement extraordinaire. Parce que le football était ma passion et que je comblais quelque chose que j'ambitionnais depuis des années.
Quel a été votre meilleur souvenir de joueur au stade Jean-Bouin ?
Je n'ai pas un souvenir plus fort qu'un autre. J'ai toujours évolué à Jean-Bouin avec cette passion de footballeur, cette passion de porter mon maillot, de défendre ses couleurs. Toujours en harmonie avec ce public nîmois qui était derrière nous, donc je conserve que des bons souvenirs. Même quand on subissait une défaite, c'était toujours avec une manière de combattre à la nîmoise.
Et vous en tant que latéral droit, cette manière de combattre à la nîmoise vous l'incarniez totalement ?
Bien sûr, de tempérament j'ai toujours été un gagneur. En plus le fait d'être formé par Monsieur Firoud qui lui aussi avait des valeurs énormes par rapport à la victoire, l'engagement et la virilité. Toujours maîtrisée, mais forte, au-dessus de la moyenne. J'étais quand même agressif mais dans le bon sens du terme. Quand on est amené à représenter un public, on est l'incarnation de ce que nos supporters veulent voir de notre part. L'âme nîmoise à ce moment-là, c'était un esprit de tauromachie, de combat, de don de soi, de mouiller le maillot... Avec le respect pour tous ces supporters et cette ville. On donnait tout sur le terrain. Toujours dans un esprit où on avait envie d'amener notre club et nos couleurs au plus haut niveau.
Avec ce public, Nîmes Olympique semblait capable de renverser des montagnes, comment l'expliquez-vous ?
On avait cette puissance dans notre combativité. Nous avions ces supporters qui communiaient beaucoup. Il y a un fait qu'on occulte beaucoup aussi, parfois je trouve ça réducteur, c'est que l'on n'était pas des bourrins (rires). J'en souris souvent, mais on ne peut pas perdurer au plus haut niveau comme l'ensemble des joueurs qui étaient avec moi dans cette équipe-là, si on est uniquement des joueurs agressifs. Techniquement, dans la manière de sortir le ballon, d'attaquer, de prendre les couloirs, de centrer, on n'avait pas à rougir. Si les joueurs de cette époque revenaient au football d'aujourd'hui avec moins de dépenses physiques, le club aurait été encore plus haut.
Vous avez déjà mentionné Kader Firoud, quelle était votre relation avec ce coach, lui qui vous a lancé comme joueur professionnel ?
C'était un meneur d'hommes, quelqu'un qui avait des convictions et qui les tenaient jusqu'au bout. Il ne concevait pas le football sans agressivité, combativité et don de soi. Quand on jurait sur le ballon, c'était une méthode très fusionnelle. On avait une complémentarité qui m'apportait beaucoup et je lui rendais. J'essayais d'être à la hauteur de son message.
Vous avez joué neuf ans à Nîmes (1972-1981), regrettez-vous de ne pas y avoir fait toute votre carrière ?
Honnêtement, je pense que ce n'est pas bon de faire toute une carrière dans un seul club. A un moment donné, c'est comme les meubles dans une maison, on les voit tous les jours, et à la fin on se lasse. Les gens ne se rendent plus compte des performances. Moi, le problème qui m'a handicapé, c'est que je me suis blessé, au mauvais moment, en 1978 au ménisque. J'étais au top niveau. J'avais beaucoup de clubs qui me sollicitaient comme Marseille, Bordeaux, Strasbourg. Je n'aurais pas eu cette blessure, je pense que je serais parti, tout en gardant dans mon coeur ce que j'avais vécu des années auparavant. Cette blessure a mis un frein à ma carrière. Je faisais partie des deux, trois meilleurs latéraux français, après Raymond Domenech et Gérard Janvion, c'est la réalité. En jouant dans une équipe nîmoise qui n'était pas toujours considérée comme elle aurait dû l'être.
Après votre carrière de joueur, vous êtes resté très attaché à Nîmes, en étant entraîneur à deux reprises (1988-1991 et 2001-2002). La fonction de dirigeant ne vous manque pas ?
J'ai été deux fois entraîneurs mais j'ai tout fait à Nîmes : directeur du centre de formation, patron de la post-formation, entraîneur-adjoint de Pierre Mosca. Pas beaucoup d'anciens joueurs de Nîmes Olympique, ont fait ce que j'ai fait au club. C'est ce qui passe parfois inaperçu, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Je pense que j'ai donné ce qu'il fallait ce que je donne et à un moment donné, il faut laisser sa place et prendre du recul, tout évolue. Peut-être que moi certains comportements actuels ne me plairaient pas, comme je suis un peu sanguin... J'ai l'impression en arrivant au stade que certains joueurs, quand je regarde un match, sont plus coiffés pour aller à un défilé de mode que pour jouer au foot. Je ne dis pas qu'avant c'était mieux mais cela me gêne.
On voit que Nîmes est un club familial, avec la présence de votre fils, Laurent, actuel directeur sportif du club, qu'est-ce que cela vous inspire ?
C'est génial ! C'est un gamin qui s'est fait tout seul et qui a été aussi un très bon footballeur, il a joué à Toulon en deuxième division. Malheureusement, lui aussi a eu une blessure, il aurait dû faire une carrière beaucoup plus grande. Et qu'il se retrouve là aujourd'hui, pour moi c'est normal. Il mène son chemin à bras le corps, je suis très fier de lui.
Et vous que faites-vous maintenant ?
Je profite de ma retraite. Je suis le foot tout le temps. Même si les évolutions nouvelles ne sont pas à la hauteur de ce que j'espérais parce que le football a énormément changé. Je regarde les matches des jeunes, je prends mon pied. Je suis toujours là dedans à fond. Pourtant, je ne vais pas souvent aux Costières, je préfère rester chez moi pour regarder les matches de mon fils.
Si Nîmes remonte en Ligue 1, vous retournerez au stade ?
Si cela arrive, bien sûr ! Mais j'attendrais l'année prochaine alors, car comme ça fait quelques temps que je n'y suis pas allé, je ne voudrais pas être le chat noir !
Corentin Corger
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