Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 06.08.2024 - François Desmeures - 4 min  - vu 608 fois

FAIT DU JOUR À Rogues, l'Atelier de Fabia met en conserve une part du revenu des paysans locaux

Isabelle et Luc Bernier

- François Desmeures

Créé en 2017 à Rogues, l'Atelier de Fabia récupère des invendus agricoles que lui confient des producteurs afin que le frais soit transformé en conserves, sous étiquette du producteur. Une méthode qui limite le gaspillage, permet de déguster des produits hors saison de production et, surtout, détache une partie du revenu des agriculteurs de la conjoncture saisonnière en lui permettant de vendre, par exemple, de la ratatouille en hiver. Soit un complément de revenus important. La responsable de l'Atelier pense désormais à la reprise de l'activité. 

Remplissage des conserves • François Desmeures

Pour peu que vous fréquentiez quelques boutiques de producteurs cévenols ou des primeurs et des épiceries de la région, vous avez forcément croisé la production de l'Atelier de Fabia. Mais vous ne pouviez pas le savoir... Depuis 2017, Isabelle Bernier confectionne des conserves à base de produits frais de la région, qu'ils soient végétal ou animal. Mais sans savoir exactement ce qu'elle fera dans deux semaines, en dehors de ce qu'impose le cycle naturel de la saisonnalité des produits. 

"Le projet initial était d'offrir un service aux producteurs locaux pour offrir des débouchés à leurs invendus, explique Isabelle Bernier. On propose donc aux paysans de traiter leurs surplus de productions. Par exemple, un agriculteur qui fait 500 kg de tomates, et sait qu'il n'en vendra que 300 kg, on récupère les 200 kg restants pour les transformer en coulis, gaspacho, sauces, etc." L'Atelier offre le même service avec la viande, "qui peuvent être des invendus de magasins, toujours dans la date limite de consommation, évidemment". Isabelle Bernier donne l'exemple de 30 kg de boeuf bourguignon, pièces peu consommées en été où la grillade domine, mais dont la conserve sera appréciée en hiver sous forme de carbonnade, blanquette et autres. Et permettra trois ans de conservation. 

Isabelle et Luc Bernier • François Desmeures

Le projet est né, aussi, de la volonté de différents producteurs "de créer un laboratoire de transformation. Mais pour qu'il soit rentable, il faut qu'il tourne tous les jours". D'où le pas de côté d'Isabelle Bernier, avec une entité extérieure qui puisse tourner toute l'année et glaner de nouveaux producteurs. "On est façonnier, on n'a rien à vendre à part notre travail", explicite la maîtresse des lieux, même s'il lui faut bien disposer de ses propres ingrédients pour développer une vraie recette à partir de la matière première principale.

Les légumes arrivent en vrac et chaque paysan retrouvera sa production dans ses bocaux • François Desmeures

"Notre fournisseur est notre client : il nous confie la viande, on lui facture le travail, le pot, l'énergie, etc. À charge, ensuite, au producteur de le commercialiser, ce qui lui permet de proposer des produits toute l'année". Raison pour laquelle le nom de l'Atelier n'intervient pas sur les étiquettes. "La vedette, c'est le produit, pas nous", s'incline Isabelle Bernier. En revanche, le producteur est certain de retrouver sa matière première dans les bocaux. "Comme on est petit, on ne mélange jamais deux productions." 

Un exemple de production de l'Atelier • François Desmeures

​​​​L'Atelier de Fabia est évidemment agréé par les services de l'État pour ce qui relève de la manipulation des viandes. "L'agrément CE, c'est très lourd à obtenir. Heureusement que notre belle-fille nous a aidés", lâche Isabelle Bernier, qui embauche régulièrement son mari, dévolu notamment à la découpe de la viande. Deux employées à temps partiel choisi - puisque elles sont elles-mêmes agricultrices - complètent l'équipe. 

Les deux autoclaves de l'Atelier, indispensables à la production • François Desmeures

Ce sont environ 80 producteurs qui font désormais appel aux services de l'Atelier, de La Grand'Combe à Saint-Gilles, mais aussi certains producteurs de l'Aveyron et de l'Hérault, tout proches. "Certains arrêtent et de nouveaux arrivent", commente Isabelle Bernier. L'Atelier peut accueillir des productions conventionnelles ou biologiques et dispose d'une labellisation bio pour compléter une matière première biologique avec des ingrédients de complément qui le sont également. 

"Parfois, l'abattoir du Vigan jetait les tripes (...) En conserve, les gens réservent les pots à l'avance"

Isabelle Bernier, responsable de l'Atelier de Fabia

"Certains producteurs ont leurs idées, d'autres ont besoin de propositions", constate Isabelle Bernier. Ça tombe bien, Isabelle et son mari, Luc, sont du métier. Ou plutôt, "nous le sommes devenus autour de 35-40 ans". Et leur savoir permet aussi que certains plats ne disparaissent pas. "Les abats, par exemple, plus personne n'a le temps d'en faire. Parfois, l'abattoir du Vigan - avec lequel nous travaillons très bien - jetait les tripes. Parce qu'il faut au moins six heures de cuisson et que les gens ne les achètent pas pour les faire. En revanche, en conserve, les gens réservent les pots à l'avance." Et ainsi se trouve valorisés des produits qui partaient à l'équarissage ou étaient donnés aux cochons. 

François Desmeures

Éloigné des grands axes, l'Atelier reste dans une position stratégique pour atteindre les paysans, "à la croisée des chemins". Mais il a aussi connu les transporteurs qui refusaient de livrer sur le causse. Et les hausses de matériaux de ces dernières années qui auraient pu mettre l'activité en péril, comme la hausse "de 70% sur le verre en un an, de 50% du coût de l'énergie ou encore 50% sur les capsules en métal. Fin 2022, ç'a été assez dur. Heureusement, on avait des palettes en stock." Pourtant, Isabelle et Luc restent attachés à la notion de "vivre et travailler au pays"

La pose des couvercles se fait à l'aide d'une machine • François Desmeures

Pour autant, "on commence à réfléchir à la transition", reconnaît Isabelle Bernier. Son mari donne un coup de main mais est déjà retraité. "J'ai envie de passer le relais, de "tuiler" avec quelqu'un. Les locaux appartiennent à la mairie, qui nous a toujours soutenus." Isabelle Bernier prévient, néanmoins, "Si c'est quelqu'un qui cherche à faire fortune, ce n'est pas la peine. Mais il n'est pas obligé d'être du métier, tout s'apprend." D'autant qu'il pourra même garder le nom de la conserverie car aucune Fabia ne travaille en ces murs : "Le nom vient de "fab" en vieil occitan, explique Isabelle Bernier, qui veut dire le pot, la conserve." Une conserve pleine de vertus, qui évite le gaspillage alimentaire, permet un complément de revenus pour les paysans, tout en sauvant des recettes traditionnelles et en apportant une satisfaction au client. 

D'une des pièces de l'Atelier, la vue sur le Causse telle un tableau • François Desmeures

François Desmeures

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