NÎMES Le chantier de restauration de la cathédrale durera jusqu'en mars 2024
On la voit emballée comme un paquet cadeau depuis le mois de février dernier. La cathédrale de Nîmes subit une cure de jouvence. Le point sur la teneur des travaux en cours.
Après la réfection intérieure de la nef entre 2010 et 2017, l'État propriétaire de la cathédrale de Nîmes, a commandé en 2018 un diagnostic sanitaire de la façade occidentale, qui n'avait pratiquement pas fait l'objet de travaux tout au long du XXe siècle. L'étude préalable réalisée par Pascal Prunet, architecte en chef des monuments historiques, a permis de dresser un constat d'état détaillé et élaborer un programme de travaux qui est aujourd'hui mis en œuvre par des entreprises spécialisées. Pour un montant de 2,8 millions d'euros, le chantier serait achevé en mars 2024.
De la cathédrale avant le XIIe siècle, on ne connaît rien ou peu, si ce n'est par les textes qui mentionnent la tenue d'un concile à Nimes vers 394-396 et la légende de saint Castor. Ermite puis évêque d'Apt, il vivait à la fin du IVe et début du Ve siècle et ses reliques ont été transférées en 1179 dans la crypte de la cathédrale de Nîmes, dès lors placée sous la double titulature de la Vierge et du saint. Le 6 juillet 1096, le pape Urbain Il procède à la consécration de la cathédrale rebâtie à l'initiative de l'évêque Pierre Ermengaud.
La cathédrale Notre-Dame et Saint-Castor de Nîmes ne conserve de l'époque médiévale que la grande façade et la travée occidentale romane. Seule rescapée des destructions causées par les guerres de religion au cours des XVIe et XVIIe siècles, elle a été en partie reconstruite en reprenant les lacunes du fronton et la frise sculptée, tout en respectant les grandes lignes de l'architecture médiévale. Au XIXe siècle, hormis un nouveau portail, la grande "restauration" de l'édifice menée sous la direction de l'architecte Henri Révoil n'a pas été achevée, la commission refusant que la façade ne soit modifiée par un projet trop radical.
Malgré une apparence à peu près satisfaisante de loin, la façade occidentale souffre d'une accumulation de problèmes qui, mis bout à bout, constituent un véritable besoin. Les maçonneries sont dans un mauvais état, certaines pierres se délitant sous l'effet du gel et des intempéries, ce qui avait conduit il y a près de 15 ans à la pose de pare-gravois en haut du clocher afin d'éviter la chute de fragments sur la voie publique. Des fissures sont visibles par endroits, de même que des joints dégarnis, ce qui favorise la pénétration de l'eau dans les pierres et contribue à leur dégradation.
Ce phénomène est accentué par la présence de ciments sur certaines zones ou la nature fragile des matériaux, tels que la molasse pour les baies gothiques. La toiture du clocher n'est plus étanche et la terrasse au-dessus du narthex (juste derrière le fronton) n'évacue pas correctement les eaux pluviales du fait d'une pente trop faible et d'une chape en béton aujourd'hui fissurée. Le fronton et la frise sculptée romane de la façade sont affectés par des micro-organismes biologiques type mousses et autres salissures noires dues à la pollution atmosphérique. Enfin, les fenêtres présentent toutes des défauts d'étanchéité au niveau des vitraux et des grillages de protection. Le projet de restauration aujourd'hui engagé vise donc à répondre à l'enjeu conservatoire pour éviter de perdre plus de matière, répondre au besoin d'évacuation des eaux, mais aussi trouver une solution architecturale discrète pour améliorer le couronnement de la façade.
Pour des raisons logistiques, l'actuel chantier est dissocié en trois phases successives ou parfois concomitantes. D'abord, la tour nord du clocher qui nécessite une logistique complexe pour accéder aux maçonneries sur toute leur hauteur. Dans un deuxième temps, la façade ouest de la nef (donnant sur la place aux Herbes) depuis la porte en rez-de-chaussée jusqu'au fronton, ainsi que le mur sud en retour. Enfin, la couverture de la terrasse du narthex.
Après purge des joints au ciment et affouillement, les maçonneries seront révisées systématiquement, déposées et consolidées pour les parements, mais aussi les linteaux des baies et des portes, voire changées lorsque cela sera nécessaire. Les éléments en saillie seront recouverts de feuilles de plomb pour protéger la pierre. Une attention particulière sera portée à la fourniture de pierres de nature et couleurs équivalentes voire identiques à celles existantes, pour veiller à leur compatibilité avec les matériaux anciens.
De la "pierre de Beaulieu", proche de la "pierre de Beaucaire" qui n'est plus exploitée aujourd'hui pour la pierre de taille, sera utilisée pour reproduire les éléments de sculpture sur les fenêtres gothiques du clocher et les changements dans les parties reconstruites au XVIIe siècle. Les carrières de Baruthel, récemment réouvertes pour le chantier de l'amphithéâtre, seront aussi utilisées ponctuellement sur la cathédrale lorsqu'il faudra remplacer a minima quelques parements les plus fragiles : c'est en effet le matériau historique de la cité romaine de Nîmes, utilisée pour les grands édifices, et dont la carrière antique est elle-même protégée au titre des monuments historiques.
Pour la frise, tous les éléments de sculpture romane seront traités par des conservateurs-restaurateurs spécialisés dans ce domaine. Les bas-reliefs feront d'abord l'objet de consolidations des micro-fissures avant un traitement biologique pour éliminer les micro-organismes, puis d'un nettoyage et retrait général des dépôts indurés, avant une consolidation des zones fracturées et un ragréage ponctuel.
Pour réaliser ce travail long et minutieux, il sera nécessaire de combiner trois techniques complémentaires. Un micro-gommage à sec des croutes noires sera d'abord effectué avec un jet fin de poudre de corindon. Des compresses d'argile, de pulpe de cellulose et de granulats seront posées en cataplasme pour absorber les sels contenus dans la pierre. Enfin, un nettoyage par photo-ablation ou laser, grâce à un équipement technologique spécial, permettra de retirer les salissures sans contact avec la surface, tout en conservant l'épiderme de la pierre. Les bas-reliefs autour de la porte et les chapiteaux bénéficieront des mêmes protocoles, qui feront d'abord l'objet de tests pour s'assurer de la résistance des matériaux et de leur innocuité.
Cette façade occidentale, construite au XIIe siècle, est organisée sous un grand fronton triangulaire inspiré des temples romains, avec une corniche sculptée de scènes bibliques tirées de l'Ancien Testament et une série d'arcatures aveugles au-dessus sans doute de grandes fenêtres en plein-cintre aujourd'hui remplacées par une rosace. C'est ce riche décor qui contraste avec l'aspect beaucoup plus sobre et quasi-dénué de sculpture qui caractérise les deux premiers niveaux. En partie basse, les énormes blocs de pierre calcaire, peut-être des remplois de l'époque antique, étaient surmontés de bas-reliefs sculptés autour d'un portail, tous disparus ou presque.
La façade était flanquée de deux tours carrées : il ne reste que celle au Nord, dont la partie haute servant de clocher a été modifiée par deux fois aux XIVe puis XVe siècles, tandis que la tour dite des archives qui s'élevait en retrait au sud, à l'emplacement de l'actuelle chapelle épiscopale, a été détruite après la Nuit de la Michelade en 1567.
Au-dessus du fronton, non visible depuis la rue, la toiture-terrasse qui coiffe le grand orgue et permet l'accès au clocher et aux combles de la nef, sera traitée en trois étapes. En premier lieu, la dépose complète de la chape en béton coulée dans les années 1970 et des dalles de pierre posées au XIXe siècle, puis la réalisation
d'une fouille archéologique afin de vérifier la présence ou non de vestiges d'une couverture pouvant dater du
XVIIe siècle. Il s'agit de comprendre le mode historique d'évacuation des eaux pluviales, pour éventuellement le reproduire, l'adapter ou en créer un nouveau plus efficace.
En fonction des résultats l'élaboration d'un projet dessiné par l'architecte en chef des monuments historiques sera soumis à validation. Enfin, la conception et mise en œuvre de cette nouvelle toiture, accompagnée d'une balustrade neuve ou d'un garde-corps révisé, devront permettre de renvoyer les eaux de pluie au revers du massif occidental et de les canaliser correctement pour éviter qu'elles continuent à ruisseler sur la façade occidentale et ses sculptures.