ALÈS L'énigme des roches gravées des Cévennes au musée du Colombier
C'est le récit d'une recherche qui se poursuit, celle de l'emplacement et de la signification des roches de schiste gravées dans les Cévennes, que le musée du Colombier donne à voir à partir de ce vendredi 20 octobre. Difficiles à dater, soulevant plus de questions qu'apportant des réponses, ces rochers livrent un témoignage comparable aux menhirs ou aux dolmens de la région. Le Groupe alésien de recherches archéologiques (GARA) livre au public un travail de fond, salué par le Service régional de l'architecture, et un recensement impressionnant des pétroglyphes cévenols.
Étaient-ils simplement de passage ou déja sédentarisés sur les reliefs ? Ont-ils commencé leur oeuvre à la fin du Paléolithique ou au cours du Néolithique ? Impossible d'encadrer précisément le travail des femmes et hommes qui ont pris le temps de graver différentes formes sur les rochers cévnols, souvent au-dessus d'un cours d'eau ou bénéficiant d'une vue dégagée. Ces traces, le Groupe alésien de recherches archéologiques (GARA), présidé par Elisabeth Hébérard, les recense depuis des années, en cherche les nervures pour en dévoiler les formes et tente de fournir des explications.
"On en est à 2 500 témoignages", explique Elisabeth Hébérard, en faisant visiter la nouvelle exposition du musée du Colombier. Le GARA les recherche, sachant désormais les humer dans un certain paysage. Il les observe et mène "un travail de mesures, parfois avec des techniques d'estampage, en étandant un drap sur le rocher pour faire ressortir les reliefs. On regarde l'érosion, si la statue vient d'une seule personne ou de plusieurs. On trouve des formes géométriques, de dispersion et de rassemblement, des formes qui ressemblent au corps humain. Mais aussi des cupules, des bols creusés dans la roche, avec parfois des écoulements qui dirigent l'eau vers les failles du sol."
On trouve aussi des cruciformes, clairement anthropomorphes. En Haute-Cèze figurent des formes de croix latine ou grecque, motifs déjà reconnus du Néolithique à la protohistoire, ce qui peut fournir un indice de datation. Certains anthropomorphes affichent clairement un sexe, représenté de différentes manières. Si on ne trouve pas de mains, des pédiformes ornent parfois les rochers. "Ils étaient sans doute gravés avec des outils et des pics en quartz", détaille Elisabeth Hébérard. Pour les cupules, en tapant pour obtenir un trou, puis en effectuant des mouvements de rotation à partir de cette base. "Des cupules, on en trouve déjà au Paléolithique, poursuit Elisabeth Hébérard, qu'ils soient hémisphériques ou coniques."
S'ils décorent presque toutes les Cévennes, les deux plus grosses concentrations sont avérées autour des montagnes du Mortissou, à proximité du Collet-de-Dèze, ou du mont Mars, à deux pas de Barre-des-Cévennes. Mais rien vers l'Aigoual. "On en trouve très peu sur du granit, c'est vraiment localisé sur du schiste. Les lieux étaient connus sur plusieurs siècles, preuve que les Cévennes ont toujours été occupées et toujours parcourues", argumente Elisabeth Hébérard. Aucune de ces formes ne contient non plus de lettres. "Sommes-nous avant l'écriture ?", interroge la présidente du GARA, quand on serait tenité de répondre par l'affirmative. Et ainsi de resserrer la datation des pétroglyphes. Ce qui ne résout pas la question de la durée sur laquelle les formes ont été gravées : à titre de comparaison, les peintures préhistoriques de la grotte Chauvet sont deux fois plus vieilles que celles de Lascaux. Difficile à dire, sans recherche de datation...
Perdu dans la nature, ce patrimoine est géolocalisé par le GARA, un travail salué pour son excellence par le Service régional d'architecture. Mais l'association craint pour sa survie, alors que des idiots emportent parfois un bout de roche ou gravent leurs propres formes. Quand ce n'est pas l'Office national des forêts ou un électricien qui endommage l'existant en ouvrant des chemins. Le GARA continue de chercher d'autres éléments, plutôt en hiver, afin que la lumière rasante fasse apparaître les reliefs. L'exposition retrace cette traque bienveillante et ouvre des fenêtres d'interprétation. Que les enquêteurs en herbe peuvent, à leur tour, compléter si l'exposition les inspire.