NÎMES Achille plus Nîmois que jamais !
Jusqu’au 5 janvier 2025, le musée de la Romanité à Nîmes présente une exposition fascinante sur le mythe d'Achille, mettant en vedette une mosaïque monumentale, jamais exposée dans les collections, représentant l'épisode d'Achille à Skyros.
Depuis le 2 juin 2018, date de son ouverture, le musée de la Romanité prend sa place dans le paysage culturel et touristique international et participe à la valorisation du territoire nîmois en ayant déjà accueilli plus de 800 000 visiteurs. Ses collections permanentes permettent de découvrir 25 siècles d'Histoire de Nîmes et sa région grâce à 5 000 œuvres exceptionnelles accompagnées de 65 dispositifs multimédias.
Huit expositions temporaires ont été présentées au public, permettant au musée d'enrichir et d'élargir son discours sur le concept de « romanité » en proposant un regard différent sur cette thématique.
Au cœur de l’exposition de 99 œuvres, de nombreuses pièces sont issus des réserves du musée. Si toutes ne seront pas passées en revue, voici quelques éléments importants de cette exposition.
Urne funéraire étrusque en calcaires représentant la reconnaissance de Pâris 50-25 av. J.-C (provenance inconnue).
Pâris, prince de Troie, a été abandonné à la naissance par ses parents sur le mont Ida. Suite à sa victoire lors de jeux funèbres organisés à Troie, il est menacé de mort par ses frères Déiphobe et Hector qui ignorent son identité. Il se réfugie sous la protection d'Aphrodite. Son identité est révélée par Agélaos, le berger qui l'avait recueilli et élevé. Son père Priam, roi de Troie, le reconnait alors comme son fils. La scène est composée de cinq personnages (de gauche à droite) : Déiphobe se tient en position d’attaque ; Aphrodite, assimilée à Vanth (divinité féminine étrusque) enlace Paris : Pâris est agenouillé sur un autel. Il se tourne vers Priam qui le regarde à son tour et le désigne de son bras droit levé. A l'extrémité droite, se tient Hector.
Statue d'Aphrodite (Vénus) anadyomène. 1er siècle de notre ère, en marbre blanc retrouvée rue du Cirque-Romain en 1848. Cette statue féminine en ronde bosse représente Aphrodite (Vénus) Anadyomène (sortant de l'eau).
Aphrodite, déesse de l'amour, du désir et de la beauté, promet à Paris de lui donner l'amour d'Hélène, la plus belle femme au monde, s'il la choisit lors du concours de beauté entre Héra, Athéna et elle-même.
Aiguière avec médaillon représentant Apollon et Terpsichore du 1er siècle de notre ère retrouvée à Cadenet (84). Les neuf Muses sont les filles de Zeus et Mnémosyne (la Mémoire). Elles font partie du cortège d’Apollon, avec lequel elles sont souvent représentées. Elles maîtrisent la danse et le chant et aident ainsi les hommes à oublier la douleur et les angoisses.
Progressivement, elles ont acquis le rôle de protectrices des connaissances humaines au sens large. Puis elles ont été associées aux différents genres poétiques l’épique, lyrique, dramatique...). L'apprentissage de ces arts fait partie intégrante de l'éducation des jeunes hommes grecs. Terpsichore est la muse de la danse, de la chorale lyrique, de l'éloquence. Elle est représentée couronnée de guirlandes et portant la lyre, dont le son marque la cadence des chants et des danses.
La pièce majeure de cette expo nîmoise n’est autre que la mosaïque représentant l'épisode d'Achille à Skyros faite entre 150-200 de notre ère, en calcaire, marbre, verre et terre cuite, retrouvée à Nîmes.
Cette mosaïque est découverte en 2007 lors de la fouille du parking Jean-Jaurès. Elle décorait l'une des salles de réception d'une très grande domus (habitation urbaine). Cette domus a également livré une autre mosaïque : la mosaïque de Penthée, présentée dans le parcours permanent du musée.
Le panneau figuré se trouve au milieu d'un tapis géométrique de méandres formant des svastikas. Il représente un épisode du cycle troyen : Achille, qui avait été caché, habillé en fille par sa mère Thétis, parmi les filles du roi Lycomède, se dévoile grâce à la ruse mise en œuvre par Ulysse.
La vue des armes apportées par Ulysse et Diomède ainsi que le son de la trompette de guerre réveillent son esprit de guerrier. Il décide ainsi de quitter sa cachette au sein du gynécée (partie de la maison réservée aux femmes) pour s'engager dans la guerre de Troie.
Autre pièce maîtresse de cette exposition, un sarcophage représentant l'épisode d'Achille à Skyros (210-220 ap. J.-C en marbre blanc de provenance inconnue et prêté par le Département des antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre.
Ce sarcophage est composé d'une cuve et de son couvercle. Il présente un riche décor en relief. Des restes de polychromie attestent que le décor était peint. Sur le couvercle sont représentés aux extrémités deux masques de théâtre, au centre le couple de défunts inhumés dans le sarcophage, de part et d'autre les quatre Saisons personnifiées. La face principale de la cuve représente Achille se défaisant de ses vêtements féminins pour reprendre son aspect d'origine. Il a empoigne le bouclier de la main gauche, la lance (?) de sa main droite (partie lacunaire).
Le casque, orné par des scènes de combat, est posé à ses pieds. À sa droite se trouvent trois des filles de Lycomède, à sa gauche deux autres filles de Lycomède (dont Déidamie agenouillée), Ulysse et un guerrier (Diomède ?). Sur le côté gauche, Achille est assis en train de jouer de la lyre. Sur le côté droit, Achille (?) marche avec un bâton et tient un volumen (rouleau de papyrus) de la main gauche.
Statue masculine cuirassée du IIe siècle de notre ère, réalisée en marbre blanc et retrouvée sur le site de l’Augusteum de Nîmes, du côté donc des Jardins de la Fontaine.
Œnochoé (vase à vin) attique à figures noires représentant l'ambassade d'Ulysse auprès d’Achille en 550-500 avant notre ère. En terre cuite, sa provenance est inconnue, elle est prêtée par la BNF et le Cabinet des médailles de Paris.
La scène représente Ulysse qui s'est rendu dans la tente d'Achille pour tenter de le convaincre de reprendre le combat aux côtés des Grecs Achille est assis au centre, enveloppe dans son himation (manteau drapé) avec lequel il se couvre la tête. Il apparait enfermé dans sa colère et sa douleur.
Ulysse, coiffé d'un pylos (couvre-chef rond et sans rebords), une chlamyde (manteau agrafé) posée sur l’épaule, est assis face à Achille. La femme debout derrière Achille est peut-être Thétis, sa mère.
Amphore attique à figures noires représentant Ajax portant le corps d'Achille. Réalisée entre 530 et 510 av. J.-C, en terre cuite et d’une provenance inconnue. Elle est prêtée par le musée Saint-Raymond de Toulouse.
Ultime œuvre magistrale sur laquelle se referme cette magnifique plongée dans le temps et l’espace, ne passez pas à côté de ce sarcophage sans l’observer attentivement. Sur la face principale vous y verrez le rachat du corps d'Hector avec sur la gauche l'ambassade de Priam chez Achille. Le sarcophage date de 190-200 de notre ère et est prêté par les équipes du musée du Louvre.
Dominik Barbier est un artiste spécialisé dans la création artistique immersive. Il a créé une fresque monumentale pour proposer au public une plongée dans l'imaginaire foisonnant du mythe d'Achille, en tentant à travers un regard contemporain de restituer quelque chose de la magnificence des iconographies, la beauté des sculptures, la profondeur du mythe, la poésie des textes anciens... S'appuyant sur une extrême richesse iconographique, la fresque cherche à établir une connexion avec la mémoire, l'imagination, la croyance et le mystère, et immerger le public dans un mythe présent et vivant.
Cette fresque immersive réussit à réunir le meilleur de la scénographie traditionnelle et du dispositif immersif. Il ne s'agit pas seulement d'intégrer de la projection dans la scénographie comme cela est courant, mais d'imaginer une forme innovante globale et cohérente qui organise la montée en puissance d'un parcours d'exposition audacieux, à la fois rigoureux et séduisant, et qui en démultiplie l'impact en offrant au public une expérience riche et qui peut se jouer à plusieurs niveaux : scientifique, historique, culturelle, poétique et artistique.
En dépit des multiples réinterprétations, plus ou moins réalistes, et forcément empreintes de la pensée de l'époque qui les a produites, Achille demeure l'archétype du héros.