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Publié il y a 9 mois - Mise à jour le 05.02.2024 - Sabrina Ranvier - 7 min  - vu 1084 fois

DOSSIER Ces formations qui assurent de trouver un boulot : « Conduire un poids lourd, c’est la liberté » (PARTIE 2)

Jennie, Manon et Carméla, inscrites en bac pro CRTM, échangeront au lycée Raimu avec des élèves de 4e et 3e le vendredi 8 mars pour la journée des droits des femmes.

- Sabrina Ranvier

80 demandes pour 20 places, le Bac pro conducteur routier est la formation la plus recherchée du lycée Raimu, mais aussi la plus féminine.

Un gros moteur bourdonne. Quatre jeune femmes se précipitent vers la fenêtre. Elles regardent un camion traverser la piste qui longe les salles de classe du pôle routier du lycée Raimu. Manon, Carméla, Nadia et Jennie ont chacune déjà effectué deux heures de cours conduite de poids lourd. Elles sont en deuxième année de bac pro CTRM, la formation la plus recherchée de ce lycée nîmois.

Manon Jauffret, 17 ans, vit à Moussac mais rêve de conduire des poids lourds au Canada. L’Alésienne Carméla Savary vise le transport international. Quand on leur demande si les contraintes du métier ne leur font pas peur, toutes affichent aussitôt un air interrogatif. Quelle drôle de question ! Ne pas rentrer tous les soirs, s’absenter longtemps sur les routes, pour ces quatre lycéennes « c’est la liberté ». « Ce n’est pas une contrainte, c’est le rêve », s’écrient Carméla et Jennie Samson. Manon argumente : « On peut être tranquille, seul, faire ce que l’on veut. » Nadia confirme : « Ce que j’aime bien dans ce métier c’est que l’on n’a pas forcément de patron sur le dos. »

Toutes ont des membres de leur famille conducteurs routiers. Le grand-père de Carméla était chauffeur poids lourd, son père mécanicien. Elle l’a convaincu de se reconvertir comme conducteur de camions. Le troisième jour, il était déjà en route vers l’Espagne. « Mon père à moi, quand je lui ai dit que je voulais faire le bac CTRM, il a sauté au plafond », ajoute Jennie. « Ma grand-mère m’a dit "tu changeras d’avis, c’est un métier de garçon", se souvient Manon. Et cette jeune fille aux ongles manucurés n’a pas changé d’avis. L’an dernier, toutes ont obtenu leur permis B. Cette année, elles vont passer le permis C pour conduire des engins de 3,5 à 32 tonnes. Le CE, le permis pour les semi-remorques est programmé en terminale. Aurélien Lafond, leur enseignant de conduite, l’assure : aujourd’hui grâce aux systèmes de direction assisté, n’importe qui peut manœuvrer un camion. Carméla qui mesure 1,55m avoue en riant qu’elle touche juste les pédales mais il en faut plus pour la décourager : « Je me sens plus en sécurité en camion qu’en voiture. »

Les garçons de la classe ont bien tenté quelques « remarques macho » l’an dernier. « Mais ils se sont pris des claques en voyant qu’elles réussissaient, sourit leur enseignant. La présence des filles en classe, cela tempère ». Le lycée leur a d’ailleurs demandé de témoigner à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. « C’est rare que nos jeunes diplômés cherchent du boulot et s’ils le font ce n’est pas longtemps, ajoute Aurélien Lafond. Le salaire net par mois oscille entre 2 000 et 4000 €, frais de repas et nuitées comprises ». En suivant la formation CTRM, les élèves économisent environ 6 200 € de permis divers et variés. Ils n’ont pas non plus à payer la Formation initiale minimum obligatoire permettant d’exercer le métier de conducteur routier. À la rentrée prochaine, le lycée lancera aussi un CAP conducteur livreur de marchandises permettant de passer les permis B et C. Le lycée souhaiterait proposer dans quelques années une formation de chauffeur de bus.

Geoffrey Laurans-Michelin, qui a notamment passé un BTS aéronautique à l’institut d’Alzon, est aujourd’hui directeur de marché pour Sabena technics à Marignane.  • ©DR

MÉCANIQUE

Aéronautique, une filière qui se développe

Bac pro, BTS… Des lycéens gardois se forment à côté de l’aéroport

Deux établissements nîmois forment à l’aéronautique, le lycée public Mistral et le lycée privé sous contrat d’Alzon. Ils partagent un atelier à côté de l’aéroport. Mistral a ouvert son bac pro il y a 7 ans. À la rentrée, il passera de 30 à 45 places pour pouvoir proposer dans de bonnes conditions les trois options permettant de prendre soin des avions de la carlingue à l’électronique embarquée. Il ouvrira aussi un bac+1, un certificat de spécialisation aéronautique option avionique. Le lycée a un partenariat avec l’école nationale aérotechnique du Canada ainsi qu’avec la marine nationale. « Des élèves y effectuent leurs stages. Ils sont accompagnés par des militaires. Chaque année, un à trois élèves intègrent la marine après leur diplôme », analyse Sandrine Hervier, proviseure. Le Campus d’Alzon est quant à lui partenaire d’Airbus dont il a acheté un simulateur virtuel de maintenance. L’institut propose un bac pro aéronautique en alternance et un BTS. Y a-t-il des débouchés ? Oui, affirme Geoffrey Laurans-Michelin. Celui qui a obtenu son BTS à d’Alzon en 2020 est aujourd’hui directeur de marché pour Sabena Technics à Marignane : « Je dirige tous les marchés support et maintenance d’hélicoptères légers de l’armée de l’air. » Après son BTS, il a suivi une double licence professionnelle à côté de Gap. Il a débuté comme technicien. En trois ans, il s’est hissé à un poste d’ingénieur. « Aujourd’hui on est dans une entreprise où on a des difficultés de recrutement, constate-t-il. Les mécaniciens ont une moyenne d’âge élevée et ont besoin de transmettre ».

Mécanicien vélo ou réparateur de véhicule ancien

Les fous de vélo peuvent transformer leur passion en profession au Purple campus de Marguerittes. Ce CFA propose deux formations d’un an : celle de mécanicien cycles qui a un CAP et celle de technico-commercial en vélo de niveau bac. Cette formation existe depuis plus de 10 ans mais la demande a cû de façon exponentielle ces dernières années. Même si elle a atteint un plateau, la demande reste forte. On peut postuler à la formation de mécanicien après la troisième. Pour celle de technicien, mieux vaut avoir un niveau seconde ou première. Le Purple campus Alès forme quant à lui des réparateurs de véhicules anciens et historiques. C’est le seul CFA d’Occitanie à le faire. Pour postuler, il faut avoir un CAP ou un diplôme de niveau équivalent dans le domaine de l’automobile. Cette formation de 15 mois se déroule en alternance. Elle permet d’obtenir un certificat de qualification professionnelle. Portes ouvertes samedi 3 février de 9h à 13h.

Les manipulations sont effectuées à l’intérieur d’un caisson blindé grâce à des bras télémanipulateurs. • Yannick Pons

ÉNERGIE

Opération séduction dans le nucléaire

Pour attirer les candidats les entreprises sont prêtes à tout : payer des bourses de plus de 5 000 €, monter des formations maison…

5 400 €. C’est le montant de la bourse d’études qu’ont décrochée le 21 décembre dix élèves du lycée Einstein de Bagnols-sur-Cèze. Certains sont en BTS, d’autres en bac pro. L’un d’entre eux est même passé par une Segpa. Ce n’est pas 5 400 € à se partager entre eux. Non, c’est 5 400 € par personne. La bourse a été financée par l’université des métiers du nucléaire, une association fédèrant les entreprises du secteur. L’objectif ? Donner envie à des élèves méritants de travailler dans le nucléaire. « Ils sont accompagnés par un professionnel de la filière. Il faut qu’ils fassent au moins un stage dans la filière nucléaire », détaille Corinne Nègre, directrice opérationnelle du campus des métiers Process et technologies en milieu sensible de Bagnols. C’est la troisième année que ce dispositif existe. « Ils travaillent pratiquement tous ensuite dans le nucléaire. La plupart sont embauchés dans l’entreprise de leur parrain ou marraine », observe-t-elle. Du bac pro à la licence pro en passant par les BTS, les lycées Einstein ou Sainte-Marie à Bagnols-sur-Cèze ont une panoplie d’une dizaine de formations autour du nucléaire. Et depuis septembre dernier, des lycéens peuvent aussi passer un « passeport nucléaire ».

Recrutement

Du côté des employeurs, cela recrute à fond. Le 26 mai dernier, Virginie Monnier-Mangue, qui était alors déléguée territoriale EDF Occitanie, détaillait les besoins, lors d’une rencontre école-entreprise au lycée Einstein : « Nous devons augmenter la production d’électricité de 40 % pour baisser notre dépendance aux énergies fossiles. » Bruno Girard, directeur de l’attractivité et du recrutement pour le Sud Est d’Orano, annonce ce jour-là recruter en moyenne chaque année 500 CDI, une centaine de CDD et 250 alternants stagiaires.

Témoignage « J’ai repris deux fois mes études dans le nucléaire »

Sur la photo de droite, elle pose, tout sourire, un chapeau carré sur la tête. Une étole orange barre sa toge noire. Un nom est brodé : Unîmes. Le cliché a été pris en 2022 lorsque Sabrina Berkane a reçu son diplôme de licence professionnelle 3D. À 34 ans, cette maman de deux jeunes enfants s’est classée major de cette formation sur les Technologies du démantèlement, des déchets et du désamiantage. Sur la seconde photo, la jeune bagnolaise serre fort un trophée. L’image est celle de la cérémonie des prix Fem’energia en décembre 2022. Elle met à l’honneur des femmes travaillant dans le nucléaire. « Je l’ai vu comme une reconnaissance de mon parcours atypique, confie la jeune femme. Quand j’étais au lycée, je me disais que le nucléaire était un domaine très sélectif ». Après un BTS dans le commerce, elle devient assistante d’éducation dans un collège. Elle tombe sur l’annonce d’une formation en alternance qui permet de passer en un an le premier niveau en radioprotection à l’INSTN, le centre de formation du CEA de Marcoule. À 29 ans, elle fonce. Véolia l’embauche à la fin de sa formation. Technicienne en radioprotection, elle travaille sur le site du CREFTA à Marcoule où sont entreposés les déchets à très faible activité. « Chaque fois que l'on en reçevait un déchet, cela développait ma curiosité », souligne-t-elle. En 2021, elle s’inscrit en licence 3D à Unîmes. Diplômée en septembre, elle intègre D&S en novembre. Elle a déjà repéré le master Resnuc à Nîmes. Mais promis, juré, elle va attendre que ses enfants grandissent.

© Sabrina Berkhane

Il y a des formations, des emplois, le challenge est d’attirer les candidats. D&S Groupe assure des prestations liées à la maîtrise du risque en milieu nucléaire. Julien Féja, son président, a créé il y a deux ans et demi une formation d’opérateur de 6 mois. Il n’y a pas de diplôme exigé pour postuler, il faut juste être majeur. La formation se fait en alternance des entreprises du nucléaire. Il n’arrive pas toujours à garder ses alternants : « Il y a des gens qui étaient au chômage longue durée et qui sont venus faire leur alternance chez D&S et qui ont été débauchés ailleurs. » Pour travailler dans le nucléaire, il y a des exigences de sécurité et les gens doivent être expérimentés, spécifiquement formés. Opérateurs, techniciens, ingénieurs… La pénurie touche tous les niveaux. Pour les bac+5, c’est même de la folie comme l’explique Adeline Brangbour, responsable Métier Sûreté chez D&S Groupe : « On cherche surtout des gens expérimentés et quand il y en a un sur le marché, on est dix à se mettre dessus et c’est la surenchère. » Cela ne devrait pas se calmer. Au moins six nouveaux EPR, des centrales nucléaires dernière génération, doivent être construits en France.

Énergies renouvelables

« Il y a 100 000 emplois à créer dans le nucléaire pour les dix prochaines années, estime Virginie Monnier Mangue. Mais il y aura aussi des emplois créés dans les énergies renouvelables". L’institut d’Alzon à Nîmes propose justement une licence parcours énergétique et développement durable. Elle a été créée avec le CNAM. « Il y en a seulement trois en France ».

Suite et fin de notre Fait du jour à 12h.

Sabrina Ranvier

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