FAIT DU JOUR Le business des Journées romaines de Nîmes
Les Romains sont de retour. À partir du mercredi 1er mai, des légionnaires s’installent dans un fort au quai la Fontaine. Les 3, 4 et 5 mai, ils vont défendre leur honneur face à des Germains déchaînés dans les arènes. Reconstitution pharaonique, animations gratuites… Objectif Gard revient sur ces trois jours de fête.
Attention. À partir du 3 mai, de redoutables guerriers, armés jusqu’aux dents, envahissent Nîmes. Environ 570 reconstituteurs vont participer aux Journées romaines de Nîmes entre le 3 et le 5 mai. 320 d’entre eux ne parlent pas Français mais Italien. « Certains viennent du sud de la botte. Ils font 25 heures de bus pour venir jusqu’ici », renchérit Éric Dars, scénariste de la reconstitution historique « Arminius et la colère barbare ». Certains de ces reconstituteurs italiens viennent faire des manœuvres militaires dans les arènes depuis dix ans. « Énormément de monde a répondu présent pour le spectacle. Cela a de plus en plus de succès », constate Lucie Schnoebelen, responsable des exploitations des monuments romains de Nîmes.
Près de 700 personnes à nourrir
Tous ces reconstituteurs sont bénévoles. Un petit défraiement est versé pour le fonctionnement des associations. Leurs trajets sont pris en charge tout comme leur hébergement et leur nourriture. Edeis, gestionnaire des arènes, salarie aussi 12 cascadeurs professionnels, 8 acteurs, des cavaliers, des techniciens pour « Germanicus et la colère barbare » qui sera joué trois jours de suite. « Il y a 679 personnes à faire manger. Certains arrivent dès le 29 avril car ils sont sur le fort des légionnaires », indique Lucie Schnoebelen. Les années précédentes, le lycée Saint-Vincent-de-Paul, voisin des arènes, mettait à disposition son réfectoire. Les repas étaient assurés par un traiteur. Impossible cette année où les Journées romaines tombent en période scolaire.
Trois brasseries nîmoises, le Gambrinus, le Jean-Jaurès et le Napoléon se chargeront du ravitaillement. « Cela va nous faire un peu plus de 1 000 couverts en quatre à cinq jours. C’est du pain béni. C’est énorme », se réjouit Christophe Blanc, directeur du Gambrinus. Les trois établissements proposeront les mêmes menus. Il y a un challenge : les plats doivent être nourrissants pour que les reconstituteurs qui portent des kilos de matériel assurent pendant le spectacle, mais les mets doivent être aussi rapides à préparer. « Il y aura blanquette, mousse au chocolat… On ne peut pas leur faire des plats avec des cuissons spécifiques car c’est très « timé », il faut qu’ils soient à 13h aux arènes », détaille Olivier Abello, gérant du Napoléon et du Jean-Jaurès.
Cette brasserie et le Gambrinus se situent sur le boulevard Jean-Jaurès. Elles ne bénéficiaient jusqu’à présent d’aucune retombée des Journées romaines. Le spectacle se déroule dans les arènes. Beaucoup d’animations sont organisées sur l’Esplanade ou au musée de la romanité. Des spectacles et ateliers se déroulent aussi aux jardins de la Fontaine, mais les deux brasseries le certifient : les touristes ne descendaient pas le boulevard Jaurès.
Le Gambrinus, qui ne propose pas de repas le week-end, fera travailler ses salariés le week-end comme pour la feria. « Les reconstituteurs arrivent avec leur attirail. Cela va être folklorique, on va rigoler », imagine Christophe Blanc. Lucie Schnoebelen en est persuadée : faire manger des reconstituteurs en tenue, va générer de l’animation et du flux. « Il y a une volonté d’élargir cette zone de fréquentation pour que tous les commerçants puissent en profiter », assure-t-elle.
Chambres réservées
Edeis loge aussi les participants du spectacle dans cinq hôtels nîmois. 48 nuitées ont par exemple été réservées au Campanile du mas Carbonnel. Le Zénitude hôtel, situé juste derrière la gare, accueillera 82 personnes. Certains y resteront trois nuits mais quatre membres des équipes techniques, y dormiront quinze jours. « L’an dernier, on avait reçu à peu près le même nombre de personnes », observe Emma Coudert, première de réception. L’hôtel qui comporte 111 chambres était complet sur toutes les Journées. Essentiellement grâce aux personnes travaillant sur le spectacle mais aussi grâce aux visiteurs. « En général, on est complet au moins deux jours sur trois pendant les Journées romaines », constate Candie, première de réception chez Ibis budget. Cet hôtel voisin de la gare a une vingtaine de chambres réservées pour les reconstituteurs. Selon l’office du tourisme, le taux d’occupation de son panel d’hôtels du centre-ville a atteint les 84 % sur les nuitées du samedi 6 et du dimanche 7 mai 2023.
Plus de 100 000 visiteurs
L’observatoire de l’attractivité touristique de la ville, qui utilise un système de comptage basé sur la téléphonie mobile, évalue à 102 700 le nombre de visiteurs sur l’édition 2023 des Journées romaines de Nîmes. La très large majorité d’entre eux sont des visiteurs français. 16 % venaient de l’étranger : Italie, Espagne, Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne et États-Unis…
Les Journées romaines de Nîmes rivalisent-elles avec les ferias nîmoises ? Ces reconstitutions historiques ont été lancées en 2010 par Culturespaces, précédent délégataire des arènes de Nîmes. Ils s’appelaient alors « Les grands jeux romains ». En 2019, c’est-à-dire juste avant que la pandémie ne gèle la planète, le week-end de reconstitution a attiré 84 000 personnes.
En novembre 2021, la Ville choisit Edeis comme délégataire pour ses monuments. Le week-end de reconstitution historique est rebaptisé en 2022, « Les Journées romaines de Nîmes ». Cette année-là, selon la Ville, 104 000 personnes sont venues assister aux spectacles et autres animations. Un chiffre qui s’est maintenu en 2023 avec 102 700 visiteurs. Les ferias sont bien au-dessus : celle de Pentecôte 2023 a par exemple rassemblé 1 176 906 personnes sur cinq jours tandis que celle des Vendanges a réuni 757 000 fêtards.
Troisième feria ?
Les Journées romaines sont loin de détrôner les ferias mais peut-on considérer qu’elles sont en quelque sorte devenues une troisième feria pour la ville ? « Il n’y a pas la dynamique des premières années où on parlait presque de troisième feria », tranche Corentin Carpentier. Celui qui tient le bar Les enfants denim dans la très festive rue Fresque, se remémore des repas faits sur des grandes tablées derrière Saint-Paul. Il se souvient d’un plan sur lequel était listé les « villages de commerçants » avec animations. « Il y en avait un peu partout. Tout le monde vivait à 100 % romain », complète-t-il. Lui a ouvert son bar à 130 mètres des arènes, en 2019. Pour « Les grands jeux romains », il servait tous les midis et bossait « super bien ».
Depuis la pandémie, il estime que la dynamique n’est pas revenue. Il a fait ses calculs : vu la fréquentation, ce n’est plus rentable d’embaucher des extras pour proposer de la restauration le midi. Il va faire cette année une soirée ou deux pour les Journées romaines. Pas plus. Les gens consomment-ils moins dans un contexte d’inflation ? Associent-ils la rue Fresque à la fête ? Ce sont-ils rabattus sur les boulevards ? « Il n’y a pas vraiment de dynamique pour intégrer les commerçants, analyse Corentin Carpentier. Je suis plus que favorable aux Journées romaines de Nîmes et pour qu’elles se développent mais je pense que l’on peut faire mieux ».
Avantages d’une clientèle familiale
Le ressenti est différent chez Angela café, en lisière de l’esplanade. « C’est un de nos meilleurs week-end. On a des habitués intéressés par l’histoire qui reviennent chaque année ici, témoigne Meryl Manenq, la responsable. C’est un évènement international avec des Italiens, des Allemands, des Espagnols ». Elle aime ce public bon enfant, le caractère familial de l’évènement qui attire enfants, parents et grands-parents. Candie, première de réception à l’Ibis hôtel apprécie ce public : « Pour nous les ferias, Pentecôte ou Vendanges, rapportent plus en termes de chiffres d’affaires mais les Journées romaines sont plus agréables en termes de sécurité. »
Meryl Manenq ne possède pas de licence IV et n’en veut pas. Son établissement est fermé le soir. Pour la feria, elle n’attire pas la clientèle des fêtards mais plutôt ceux qui viennent profiter des animations en journée ou des corridas. « C’est une fête populaire centrée sur la tauromachie. Des gens du Mexique, d’Espagne viennent pour cela ». Selon elle, que ce soit le public familial des Journées romaines ou les aficionados des ferias, tout est porteur pour la ville : « Je préfère que l’on parle de Nîmes pour ses fêtes plutôt que pour les règlements de compte à Pissevin ou au Chemin-Bas-d’Avignon ».