FAIT DU JOUR Sophie Calley, l’énergique principale du collège Ada-Lovelace
Cette ancienne professeure d’EPS est toujours en mouvement. Café des parents, « cordées » avec l’école de police… Cette amatrice de natation enchaîne les projets depuis sa nomination en septembre à la tête du collège du Mas de Mingue. Cette Nîmoise forme aussi les personnels de l’académie à la laïcité. À Jean-Rostand où elle a été adjointe pendant six ans, elle avait invité élèves et enseignants à bouger. Maths, français, anglais… Les professeurs volontaires faisaient faire 20 minutes d’activités physiques aux élèves pour leur permettre de mieux se concentrer.
Pas de temps mort. Il faut que cela pulse. Sophie Calley, nouvelle principale du collège Ada-Lovelace au Mas de Mingue, est une ancienne enseignante d’EPS. Tous les matins, avant 8h, vêtue de son manteau bleu électrique, elle attend les élèves avec son adjoint, Thierry Hernandez, devant le collège pour les saluer. Sur son temps libre, elle pratique course, natation et randonnée. Au collège où elle a été nommée en septembre, cette quadragénaire enchaîne les projets. Le café des parents revit. On y aborde avec des professionnels des thématiques comme le cyberharcèlement ou le "bien-manger". Le 27 février, madame la principale invite au collège le commandant de l’école de police de Nîmes Courbessac. Il présentera les métiers de la police aux classes de troisième. « Une quinzaine d’élèves pourront faire une journée d’immersion à l’école de police. Il y aura des possibilités de stages », décrit cette native de Nîmes. Le nom de ce dispositif : les cordées du service public. Un atelier citoyenneté défense en lien avec l’armée est aussi dans les tuyaux.
Sortir du quartier
En attendant, elle a lancé d’autres cordées avec Unîmes et le lycée Daudet. Les élèves d'Ada-Lovelace, classé au plus haut niveau de l’éducation prioritaire, dépendent de cet élégant lycée situé face aux arènes. « Nos élèves ne se sentent pas légitimes pour aller là-bas. Des professeurs de Daudet sont venus échanger avec les nôtres et on va aller avec les parents dans ce lycée », dévoile celle qui se déplace souvent en vespa électrique. Des élèves de Daudet accueilleront les collégiens qui assisteront à deux heures de cours et déjeuneront là-bas. Celle qui peint à ses moments perdus, a aussi invité ses enseignants à « claquer le pass culture », dispositif qui permet aux établissements de faire des sorties culturelles. Elle planche même sur le dossier Erasmus + qui permettra aux élèves de voyager en Europe pour de faibles sommes. « On est là pour ouvrir le champ des possibles », martèle cette fan des Rolling Stones. Un poster du groupe en costumes de lumière est d’ailleurs affiché dans son bureau. Il la suit dans les établissements où elle passe.
« Son bureau est toujours ouvert. C’est quelqu’un de disponible, accessible. Son binôme avec son adjoint monsieur Fernandez fonctionne très bien », souligne Roland Camélio, coordinateur du carrefour associatif Samuel-Vincent, association qui s’occupe notamment de soutien scolaire. Sophie Calley l’a sollicité pour le café des parents, lui a proposé de participer à la minute de silence après l’assassinat de Dominique Bernard. « Elle s’est rapprochée assez vite des associations du quartier, du centre social, observe-t-il. On sent qu’elle veut impulser une dynamique pour favoriser les résultats et le bien-être des élèves, pour gommer un peu l’image négative du Mas de Mingue ».
Principale adjointe à 34 ans
Fille d’une secrétaire et d’un acheteur chez Perrier, Sophie Calley avoue être devenue enseignante grâce à un « professeur d’EPS formidable ». Elle débute dans un gros collège d’éducation prioritaire parisien, puis rejoint le lycée professionnel implanté dans la gigantesque cité scolaire Jean-Baptiste Dumas (JBD) à Alès. Elle postule rapidement pour passer le concours de personnel de direction : « Je me sentais un peu à l’étroit dans mon gymnase.» Elle devra patienter un an, il faut avoir cinq années effectives d’ancienneté pour le passer. Elle patiente, le réussit. Son bon classement lui permet de rester dans l’académie. À 34 ans, elle devient adjointe au collège Elsa-Triolet de Beaucaire. « Mon chef d’établissement avait 38 ans. Nous étions la plus jeune doublette de l’académie », se souvient-elle. Elle reste six ans dans ce collège d’éducation prioritaire avant de rejoindre Jean-Rostand. Sophie Calley y est l’adjointe de Didier Lambolez. Situé route d’Alès à Nîmes, ce collège n’est pas classé REP. Au contraire, il scolarise les enfants des zones résidentielles des garrigues nîmoises. En 2018, le collège Diderot de Valdegour ferme. La moitié de ses élèves sont aiguillés vers Jean-Rostand dont certains élèves sont envoyés par ricochets dans d’autres établissements. Le but : créer de la mixité. « La première année c’était un peu musclé, » concède celle qui va être pendant six ans l’adjointe de Didier Lambolez. Le collège conventionne et crée des ambassadeurs citoyens défense. Des élèves volontaires de 4e et 3e se rendent à l’arsenal de Toulon, visitent la préfecture. Les élèves qui n’ont pas de réseau peinent à trouver un stage de 3e intéressant ? Pendant une semaine ils vont créer une micro-entreprise dans le cadre du concours entreprendre pour apprendre. « C’était chouette, pendant une semaine ils ont travaillé sur le lien intergénérationnel », se souvient-elle.
Augmenter la dose de sport
À Jean-Rostand, elle injecte une bonne dose d’activité physique. À la sortie du confinement, l’infirmière du collège constate que 20 % des élèves de sixième ont un IMC de plus de 22. Action réaction. En plus de leurs heures d’EPS, certaines classes tests pratiquent trois fois par semaine vingt minutes d’activité physique dans la cour. Le but est de faire bouger les enfants pour qu’ils se concentrent mieux et pour que le climat de classe s’apaise. La particularité ? Ce ne sont pas les profs d’EPS qui animent ces séquences mais des enseignants volontaires : professeurs de mathématiques, d’arts plastiques, de français, d'anglais… Au programme : ballon prisonnier, jeux de balle, chorégraphie. En 2021-2022, une classe de 6e et une de 4e participent. L’an dernier, trois classes de 6e le testent deux fois par semaine. « On a eu un retour positif, sourit la maman d’un adolescent. On avait fait un flashmob dans la cour sur Jingle bell rock juste avant Noël ». L’infirmière forme les 6e à la nutrition. « C’est vraiment un travail en équipe. Les élèves voient les profs autrement et les profs pensent aussi leur cours autrement », pointe cette fan des BD de Riad Sattouf.
« Sophie Calley est très dynamique, très entreprenante. Elle a envie d’apprendre, d’agir », se souvient Philippe Ibars, formateur du diplôme universitaire laïcité et médiation. En 2022, la Nîmoise a été la major de la première promotion de ce diplôme. « Elle est énergique, ça c’est clair. Elle est engagée. Elle avait un souci d’opérationnalité. Il fallait que ce soit concret », ajoute Shérif Toubal, responsable pédagogique de cette formation. « J’ai toujours eu un intérêt pour ces questions de laïcité et il y a eu Samuel Paty. Je voulais savoir comment venir en appui de mes équipes pour les rassurer et pour leur donner des outils. On a toujours la tête dans le guidon. Le DU (diplôme universitaire, NDLR) a permis de prendre de la hauteur, de me décrasser intellectuellement ». Celle qui apprécie Caravage, Warhol ou les street artistes trouve un moyen décalé d’évoquer la laïcité. Elle sollicite C215, street artiste parisien, qui a notamment été exposé aux Invalides. Il réalise deux pochoirs à Jean-Rostand : un sur Aristide Briand et un autre sur Samuel Paty.
Douze collégiens d'Ada-Lovelace ont participé le 11 novembre dernier avec le préfet à la cérémonie officielle de commémoration de l’armistice de la Première Guerre mondiale. C’était la seule classe du département présente.
« J’ai eu tous les parents. Tous les profs d’histoire géo étaient présents. On était bien », lâche-t-elle. Cette principale forme aussi les personnels de l’éducation nationale aux questions de laïcité. Installée derrière son bureau design, face à la sérigraphie offerte par les profs de Jean-Rostand, elle énumère ses projets qu’elle aimerait concrétiser : se mettre à la guitare, passer le permis bateau… Mais ce sera pour plus tard. La priorité actuelle ce sont ces élèves « plutôt sympas » dont la politesse l’a surprise. Le collège qui déborde va lancer en février des travaux d’agrandissement. Il vient de décrocher le label ÉduSanté mais Sophie Calley planche déjà sur des actions pour obtenir la labellisation égalité fille-garçon. Quand on lui dit que beaucoup la trouvent énergique, elle s’étonne : « Je n’ai pas l’impression d’être énergique mais d’être normale ».