L'INTERVIEW Gilles Granier du syndicat AOP olive et huile d'olive de Nîmes : "Goûtez ces huiles de saison, c’est génial, vraiment !"
Gérant du domaine de Pierredon à Estézargues, Gilles Granier a 90 hectares de vignes et 15 d’oliviers. Il a aussi un moulin à huile depuis son installation en 2004. Souvent primé, le domaine magnifie ce fruit antique. Il est surtout le président du syndicat des AOP olive et huile d'olive de Nîmes.
Objectif Gard : Que représente l'olive dans le Gard ?
Gilles Granier : L’olive est une culture ancestrale depuis plus de 2000 ans. La culture de l’olive dans le Gard, jusqu’au gel de 1956 et à la problématique du phylloxera, représentait quelque chose d’important. Les oliviers sont presque morts même s’ils sont immortels, mais comme ils mettent du temps à se régénérer, la culture a évolué. Cependant, les terres étaient très saines et les paysans ont remis de la vigne. La culture a un peu disparu puis a réapparu. Maintenant, l’olive représente 200 hectares de culture pour le Gard et 200 producteurs en AOP. C’est très faible !
Sous de faux airs de simplicité, la culture de ce fruit est-elle complexe ?
C’est en tout cas compliqué d’en faire une culture première, principale, dans une exploitation. L’olive est plutôt une culture secondaire car l’oliver alterne sa production d’une année sur l’autre. Un coup il fait du fruit, un coup du bois. C’est très dur de projeter un chiffre d’affaires. Souvent, les gens sont viticulteurs et oléiculteurs en même temps, mais il y a quand même certains agriculteurs qui se sont lancés à fond dans l’olive, ils ont un moulin et en vivent en achetant des olives. L’un dans l’autre ils se préparent à cette problématique et font des stocks ou mangent leur pain noir ! Mais la culture est compliquée.
Comment s'est passée la récolte 2022 ?
Cette année est une année d’alternance négative. L’an dernier, il y avait des olives partout et tout le monde était content. Les gens disaient que l’olivier s’adaptait parfaitement au climat et à ses changements. Mais cette année l’olivier, naturellement, n'a pas fait d’olive. Catastrophe ! Ne vous en faites pas, l’année prochaine il y aura donc beaucoup d’olives. Cette année ce n’est pas non plus la cata. L’année dernière, on a fait 600 tonnes dans le Gard et entre 50 et 80 tonnes en AOP. On ne fera que 400 tonnes d’huile d’olive dans le Gard et encore je suis optimiste. Cette année on va faire pareil en AOP, la Picholine résiste plutôt bien à ces phénomènes d’alternance.
En parlant d'AOP, pourquoi on retrouve classées l'huile d'olive et l'olive de Nîmes ?
Une AOP, c’est une géographie via un terroir mais c’est surtout un goût précis afin que le consommateur ne soit pas trompé. Il faut aussi que le produit existe, naturellement. L’AOP, ici, c’est la Picholine. C’est presque du mono variétal car nous n’avons droit qu’à 10 % d’autres variétés autochtones secondaires. La Picholine donne une huile significativement différente des autres.
La Picholine vaut-elle tout ce que l'on raconte sur elle ?
La Picholine est la meilleure huile pour la santé, c’est celle qui comporte le plus d’antioxydants. J’ai fait des études de pharmacie et j’ai travaillé sur l’huile d’olive. Ces antioxydants donnent au jus du fruit de l’amertume et du piquant. Le troisième point principal, c'est que la Picholine est fruitée. On y trouve des arômes de prune jaune, d’artichaut cru, plan de tomates, de basilic, des choses bien végétales quand on la ramasse à maturité optimale, quand l’olive est entre vert et noir. C’est la meilleure huile au monde, je suis un poil chauvin mais c’est vrai !
Et la Picholine à table ?
L’olive de table est elle aussi en AOP, l’olive de Nîmes. Nous sommes en train d’essayer de changer le nom de l’appellation pour avoir le nom de Picholine. Elle est ultra connue quand on en parle à Paris, Bordeaux ou Lille. L’AOP est un gage majeur car tout est toujours dégusté par un jury pour garder le même goût, la même sensation de croquant… À prix égal ou presque, cela serait mieux d’avoir l’AOP Picholine !
Il est temps de valider ce changement de nom...
On consomme en France 150 000 tonnes d’huile alors que l’on en produit que 6 000 à 7 000 tonnes les bonnes années ! Ce n’est rien… Mauvaise année, nous allons être à 3 000 ou 4 000 tonnes. La culture grossit, certes, mais elle va aussi vers le nord, jusqu’à Bordeaux voire bientôt plus au nord que la Drôme ou l’Ardèche ! Déjà, les grands châteaux bordelais plantent des oliviers !
Vivement l'AOP huile d'olive Picholine !
Des AOP pour les huiles d’olive il n’y en a pas beaucoup, nous devons asseoir notre savoir-faire et notre variété, la Picholine. Cette variété est née ici et doit le rester. Elle est née à Collias, à côté de chez moi par les frères Piccolini qui avaient inventé la désamérisation des grosses olives ! C’est déjà protégé mais il nous faut la chérir.
Un liquide précieux... La Picholine est-elle un beau cadseau de Noël ?
Parfaitement ! Il faut que cela soit un beau cadeau. En plus et ce qu’il y a d’intéressant à faire comprendre c’est que, comme pour tous les fruits, il y a une saisonnalité. Nous sommes en plein dedans ! C’est la saison de la nouvelle huile d’olive, notre huile de l’Avent est magnifique, elle sort juste du moulin et son goût donnera du soleil et du peps dans les assiettes de Noël. Elle va rester avec ces saveurs pendant un ou deux mois puis se stabiliser sur des arômes un peu plus doux pendant deux ans avant de s’estomper plus encore. Goûtez ces huiles de saison, c’est génial, vraiment !
Peut-on cuisiner à l'huile d'olive ? Et le fruit, on le mange et comment ?
Les Espagnols le font ! On peut la faire cuire, elle tient la cuisson jusqu’à 280°C mais si vous avez une bonne huile c’est dommage car vous perdez les antioxydants, la valeur de nos olives. Par contre, si vous mettez un bon filet d'huile sur un plat chaud en fin de cuisson… C’est une merveille ! L’huile de Picholine monte alors en température, libère ses arômes et c’est là que vous allez vous régaler. Après, pour tout le reste, ça fonctionne aussi quand elle est froide mais les Gardois savent comment utiliser l’huile d’olive. Crue sur un plat chaud comme une tarte au chèvre, ou des pâtes… C’est un truc de fou ! Et pour le fruit seul, à l’apéro évidemment mais n’allons pas faire une caricature car la Picholine a aussi des arômes de noisette et une texture craquante. Moi, je la mange avec des vins blancs du Sud.
Quel est le budget pour de l'huile et des olives ?
Pour le fruit il faut compter entre 12 et 20 euros le kilo selon le conditionnement. Comptez donc une quinzaine d’euros au kilo en moyenne. Pour l’huile il y a moins d’écart, on va être entre 20 et 28 euros le litre. Tout dépend le conditionnement évidemment. Le verre coûte cher actuellement… Je préfère la méthode bag-in-box, comme le vin, sous vide en trois ou cinq litres mais pas plus sinon c’est illégal ! Avec ce conditionnement l’olive ne voit jamais la lumière et ne peut pas s’oxyder c’est l’idéal. En bouteille, veillez à ce qu’elle soit foncée pour éviter les UV. Voir la couleur de l’huile ne sert pas à grand-chose pour l’acheter.
Je suis intéressé pour m'installer, puis-je venir au syndicat ?
Bien sûr ! L’olivier est vraiment un truc super et beau à travailler. Si vous voulez vous lancer dans l’oléiculture comme activité principale ou, comme je le conseille en secondaire, on vous renseignera si vous êtes dans le Gard et l’aire géographique. Nous vous conseillerons pour les plantations, pour les droits à la formation, pour les cours de taille… Et bien évidemment vous saurez tout ce qu'il faut sur la culture de la Picholine !