L’INTERVIEW Adeline Rouilly : « Le Gard est fabuleux ! »
Directrice du Muséum d’histoire naturelle de Nîmes, Adeline Rouilly nous fait visiter un musée méconnu qui mérite bien plus que son sort actuel. Interview.
Objectif Gard : Comment fonctionne le Muséum d’histoire naturelle de Nîmes ?
Adeline Rouilly : Nous reposons sur trois piliers qui sont la conservation, la recherche et la médiation. Quand nous organisons des expositions nous ne demandons jamais de prêt car nous avons tout dans nos murs. Je veux essayer de montrer la diversité des Gardois et de leur territoire. J’aimerais que l’on parle plus de ce musée, je veux montrer plus de choses et je veux surtout que les visiteurs gardois sentent que c’est leur patrimoine.
Après avoir salué Maurice la girafe, comment visiter le muséum d’histoire naturelle de Nîmes ?
Je conseille de commencer la visite par la galerie de géologie. C’est quasi toute l’histoire géologique de la planète Terre qui est visible dans le Gard et donc au Muséum ! Avec la galerie géologique les visiteurs peuvent s’en rendre compte. Le Gard a tout sauf le volcanisme. L’exposition que nous avons mis en place explique bien tout cela tout en mettant en avant le Gard et son histoire. On a même des griffes de dinosaures qu’il ne faut pas manquer ! Nous aimerions faire beaucoup plus de choses car il ne faut pas oublier que nous avons une base de données incroyable. Des chercheurs viennent de plus en plus pour étudier nos références.
De grands noms sont liés au Muséum car ils ont légué leurs collections qui de pierre qui de fossiles ou qui d’animaux ?
En effet, le musée a grandi grâce aux dons des Gardois d’ici et d’ailleurs. On a commencé avec Jean-François Séguier au XVIIIe siècle quand il a ramené de Vérone un immense herbier et des fossiles qu’on ne pouvait alors pas expliquer. Sa maison était un vrai musée et c’est aussi grâce à des personnes comme lui que le Gard est devenu célèbre et que les scientifiques s’y sont intéressés. Émilien Dumas, par exemple, est un autre nom associé au muséum. Les chercheurs, dans le Gard, peuvent presque tout avoir sous la main, dans n’importe quel domaine !
Après la géologie place à la préhistoire ?
Oui, on parle des gorges du Gardon, de la garrigue, du paléolithique au néolithique avec aussi la découverte du feu, des outils lithiques, une magnifique collection paléontologique… On a un ours des cavernes quasi complet et reconstitué à partir de trois spécimens. Bientôt, il sera animé grâce à la réalité virtuelle. Cela faisait longtemps qu’on voulait le faire, c’est pour cet été. Ici, il y a un néo-aurochs nommée Hildegarde et un rhinocéros laineux. Nous avons le crâne qui est exposé et nous avons reconstitué l’animal grandeur nature à côté d’un homme de Néandertal pour que tout soit à l’échelle et que le visiteur se rende compte.
On parlait des Séguier et autre Dumas, mais plus récemment les scientifiques gardois ont continué leur travail pour le muséum avec par exemple André Bonnet.
Je l’ai connu ! Il est venu ici à l’âge de 17 ans et y est resté quasi jusqu’à sa mort. C’est vrai que le Gard et Nîmes ont eu un coup de projecteur avec tous ces scientifiques. Il s’intéressait à de nombreuses choses qu’il ramenait ici. C’est comme le crâne qui est deux fois trépané. Pour un crâne préhistorique c’est rare et des chercheurs ou des étudiants en médecine viennent encore l’étudier. Nous avons une sorte de reconstitution d’une partie de la grotte Baume Latrone et la deuxième collection de France de statues-menhirs. La Préhistoire doit rester dans ce musée, c’est tellement logique !
Vous organisez chaque année une exposition à la galerie Jules-Salles. Quel sera le thème en 2024 ?
Les dinosaures. Plus précisément nous irons sur la piste des dinosaures du Gard aux USA et elle aura lieu de mai à novembre. Vous pourrez y voir des animatronics à taille réelle et, par exemple, un nid avec des œufs de dinosaure !
La salle d’ethnologie est la plus petite mais pas la moins intéressante.
Notre collection traite de l’Océanie et de l’Afrique. L’Asie est dans les réserves car on n’a pas la place pour tout… Encore une fois et grâce aux Gardois, voyageurs et donateurs, notre collection est immense mais nous prenons encore, en tout cas nous étudions toutes les donations. Nous exposons aussi des fers d’esclavage, nous sommes sûrement les seuls en Europe à en avoir et à les exposer. J’aimerais créer un espace, lieu de mémoire pour eux. Nous avons aussi des instruments africains et très bientôt nous allons sonoriser cette vitrine pour que les visiteurs soient plongés sous une douche de sons enregistrés et qui proviennent de ces instruments. Nous voulons mettre à l’honneur toutes ces cultures.
La galerie zoologique est sans doute l’endroit le plus célèbre du musée ?
Installé dans les années 1930 toujours grâce aux dons de voyageurs naturalistes gardois, ce lieu nous permet, grâce à sa richesse, de faire une excellente phylogénie du vivant. C’est formidable quand on y pense car sans ces animaux naturalisés on ne pourrait pas avoir de l’ADN… Ici, l’exposition des animaux est historique, scientifique et ludique. Ces animaux n’ont pas fini de parler 150 ans après leur arrivée dans notre vitrine. Et ils parleront encore beaucoup, j’en suis sûre. Surtout et si vous voulez nous donner quelque chose, laissez la boue, la terre, les herbes… Ne nettoyez rien !
On peut venir en famille ?
Bien sûr mais pas que ! Les visiteurs peuvent avoir une vision locale et exotique des animaux. On peut facilement voyager à partir de ce que l’on voit et il ne faut pas croire que le Muséum ne s’adresse qu’aux enfants. Avec ce musée, vous comprendrez votre milieu et les animaux qui le peuplaient. La nature est incroyable. Notre hyène est récente mais on imagine facilement que la hyène des cavernes était encore plus grosse. Comme la différence entre l’hippopotame nain et le « normal ». Seuls deux musées en France exposent le tigre de Sibérie car il ne reste que 400 individus, si vous venez vous en verrez un. Regardez le loup. C’est le dernier loup à avoir été abattu dans le Gard en 1841, vous verrez aussi qu’à l’époque les chiens de berger étaient équipés de colliers à pointes pour ne pas se faire attaquer. L’élan est très impressionnant, le squelette de serpent aussi. D’autres aimeront voir des pangolins ou des oiseaux, le plus grand caméléon qui vient de Madagascar, le crocodile momifié avec son petit qui a encore le bandelettes…
Mais il faut parfois l’aider car l’Homme l’a blessé. Le castor européen a une drôle d’histoire.
Celui que l’on peut voir est en position naturelle, il fait sa toilette, il est magnifique. On pourrait croire qu’un castor n’a pas d’intérêt mais c’est en partie grâce au Muséum qu’il a été sauvé en France et en Europe ! À partir de 1909, il a été la première espèce à être protégée grâce au Muséum de Nîmes qui a ainsi permis de faire repartir l’espèce petit à petit jusqu’à la sauver. Nous devons nous adapter à la nature c’est un vrai travail.
C’est dans ce « vieux musée » que l’on peut être en mesure de comprendre ces enjeux très actuels ?
Oui ! L’adaptation, le hasard, l’évolution. Le milieu force et forme tout. Ici, le visiteur voyage dans l’espace et dans le temps. Je pense que nous devrions sacraliser quelques lieux et partager la planète en la respectant. Nous avons tous une grande responsabilité. La recherche continue, notamment par l’ADN et les chercheurs viennent du monde entier.
Et les réserves ?
Dans la salle Émilien Dumas sont stockés 20 000 échantillons dans nos tiroirs. C’est à lui que l’on doit la carte géologique du Gard qu’il parcourait à pied et en calèche. Il a créé les codes couleurs pour que les lecteurs sachent ce qu’ils regardent et faire la différence entre les couches. 100 ans après ses premières donations, la famille Dumas nous a dit qu’elle avait encore des choses que nous sommes bien sûr allés chercher. Dans cette vitrine vous voyez ces outils, son fameux baromètre, son marteau et son burin gravés de ses initiales et ses cahiers d’études. Il faut savoir qu’alors qu’il travaillait du côté de Valleraugue et qu’il charriait tout ce matériel. Émilien Dumas a été enfermé au presbytère un jour durant par les habitants qui se posaient de nombreuses questions à son sujet… C’était un homme incroyable.
Et les réserves d’animaux ?
Ici, il y a 500 espèces d’oiseaux qui vivent en Europe mais en tout nous avons 5 000 individus. Pour les insectes, nous avons plus de 2 000 boites pleines. Ici, nous avons un œuf d’aepyornis qui a disparu il y a 400 ans. Cet œuf contient 11 litres d’œuf ! Nous avons aussi, chose rare, 200 poissons naturalisés dont un esturgeon naturalisé il y a 100 ans. Des chercheurs l’étudient pour savoir si c’est une espèce que l’on pourrait réintroduire dans le Rhône, endroit de sa capture. Pensez vraiment à garder, à conserver au maximum l’environnement qui est autour de la chose que vous voulez nous donner car ça va nous servir pour contextualiser le mieux possible. Nous avons aussi des graines qui peuvent montrer l’évolution de la sélection humaine et qui dévoilent la pluralité de ce qui existait avant l’impact de l’Homme.
Le Muséum d’histoire naturelle, 13 Boulevard Amiral Courbet 30 000 Nîmes. Tel : 04.66.76.73.45. Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 18h et les samedis et dimanches de 10h à 18h30. Tarif plein à 5 euros.