SAINT-GILLES L’abbatiale vaut toujours le détour !
C’est bien de visiter Nîmes, la Camargue, les Cévennes et le reste mais n’oubliez pas Saint-Gilles et, par exemple, son abbatiale.
Commençons par ce que nous voyons en premier, la façade. Construite au dernier tier du XIIe siècle sur un soubassement élevé avec la crypte, cette façade est un véritable livre de pierre, destiné à enseigner et à sublimer le dogme catholique.
La finesse des sculptures, l'élégance des figures et du drapé des vêtements, la richesse des décors et l’ordonnance antiquisante de ses trois portails en font un des joyaux de l'art roman bas-rhodanien, fortement inspiré de l'art monumental et funéraire romain, en relation avec les grands foyers artistiques de l'Italie du Nord à l'Aquitaine.
Pourquoi Gilles ?
Habilement forgée vers l'an mil par les moines eux-mêmes, la légende du saint prétend qu'Aegidius, grec de famille illustre, natif d'Athènes, aurait quitté son pays pour fuir la renommée que lui valaient sa vie d'ascète et ses nombreux miracles.
Passant par Rome et Arles, il se retire sur les rives du Gardon auprès de l'ermite Vérédème. Cependant, Gilles part en quête d'un autre ermitage qu'il trouve près de l'embouchure du Rhône dans la vallée du roi goth Flavius, ou Wamba selon une variante de la légende.
On raconte qu'au cours d'une partie de chasse, poursuivie par la meute royale, une biche vient se réfugier auprès de Gilles. Découvrant l'ermite blessé par la flèche d'un chasseur, le roi ému lui offre la « Vallée Flavienne » et l'encourage à y bâtir un monastère.
Pourquoi dit-on l’abbatiale de Saint-Gilles ?
Une abbatiale est l'église principale d'un monastère où siège un abbé, de l'araméen abba (père) de la communauté. Même si la communauté monastique a été dissoute dès 1538 et l'église ruinée, réduite en 1650-1655 à ses dimensions actuelles, le terme « abbatiale » en rappelle la fonction d'origine.
Pourquoi à Saint-Gilles ? La situation est tellement logique ! Situé au nord d'une agglomération antique identifiée avec la Rhodanousia grecque, le site médiéval de Saint-Gilles prend son essor à partir du XIe siècle grâce à la présence du monastère bénédictin influent et prospère.
Mentionnée dès 814, d'origine incertaine, l'abbaye doit sa grande renommée au pèlerinage du tombeau de son fondateur légendaire, invoqué pour la libération des prisonniers, la guérison des infirmités et les maladies.
Dans le même temps, la ville connaît une période de prospérité économique grâce au commerce et devient une cité portuaire importante du bassin méditerranéen. Les marchands, les voyageurs, les pèlerins en partance pour la Terre Sainte animent ce lieu fortifié et assurent la renommée du saint et de la ville, fief de Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, l'un des chefs de la première croisade.
Renommée internationale
Dès le XIe siècle, Saint-Gilles devient le quatrième lieu de pèlerinage de la chrétienté médiévale après Rome, Jérusalem et Saint-Jacques de Compostelle. La richesse de la cité est encore perceptible à travers son abbatiale et les belles demeures médiévales du centre historique.
Si les textes attestent qu'il existait trois églises anciennes, dont une renfermant le tombeau de saint Gilles (à son emplacement depuis le Xe siècle), l'abbatiale actuelle aurait été édifiée durant le dernier tiers du XIème siècle et achevée au XIlle siècle, grâce aux dons des nombreux pèlerins qui venaient déjà vénérer le culte du saint.
Long de 95 mètres, large de 33 mètres à la façade et de 40 mètres au transept ouvert sur un chœur à déambulatoire, cet édifice est bâti au-dessus d'une vaste église inférieure selon un plan architectural rare dans la région et à la dimension des grandes églises de pèlerinage. Au XVIe siècle, les violents conflits des guerres de religion vont considérablement l'endommager.
En 1650-1655, une réfection de l'édifice est entreprise sous une forme réduite, car les dégâts sont trop importants, les moyens financiers limités et le culte de saint Gilles est tombé dans l'oubli. Si on délaisse et démonte le chœur et les restes du cloître, l'abbatiale actuelle demeure néanmoins un des chefs-d'œuvre les plus remarquables de son temps.
L'abbatiale est ainsi justement classée Monument Historique depuis 1840 et sa façade inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO au titre d'étape sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle depuis 1998.
Une visite commentée de l'escalier à vis, célèbre pour sa voûte car chef-d'œuvre de stéréotomie romane depuis le XVIe siècle est à faire. Rappelons que c’est un modèle générique de l'escalier dit « en vis de Saint-Gilles », pour cela, s'adresser au bureau d’accueil où vous serez bien reçu et où vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez !
La crypte
La vaste crypte, ou église basse, s'étend sous la nef de l'église supérieure, emplacement inhabituel dû à la position du tombeau du saint auquel les moines pouvaient accéder par une porte donnant dans le cloître. Commencée au dernier tiers du XIIe siècle selon un projet modifié à plusieurs reprises au cours même du chantier, elle se distingue par le décor de ses voûtes sur croisée d'ogives et ses piliers d'inspiration antique.
En plus du tombeau de saint Gilles, on y trouve une autre tombe, celle de Pierre de Castelnau, cistercien de Fontfroide, légat du Pape Innocent III. Pierre de Castelnau était un prêtre catholique ayant vécu à la fin du XIe siècle. Il passe une grande partie de sa vie à tenter de convertir les cathares.
Un différend l'oppose à Raymond VI, Comte de Toulouse. Pour régler ce désaccord un rendez-vous est fixé devant l'abbatiale de Saint-Gilles. Il se soldera par un échec et, en quittant les lieux, Pierre de Castelnau sera assassiné, le 14 janvier 1208. Cet assassinat, attribué au Comte de Toulouse, a contribué au déclenchement de la croisade contre les albigeois.
Les curieux y verront aussi un gisant, celui du curé d'Everlange, un certain Pierre-Émile d'Everlange de Bellevue (1820-1899). Curé de Saint-Gilles dans les années 1870, il était issu d'une famille de la noblesse Belge et Luxembourgeoise et a beaucoup œuvré à Saint-Gilles.
Il a effectué des travaux de recherche et a écrit des ouvrages, notamment sur saint Gilles. Érudit et bienfaiteur local, il a également offert des vitraux à l'abbatiale. Après sa mort, il est inhumé en gisant dans la crypte de l'abbatiale. Cette statue funéraire, représentant le défunt étendu, renouvelle la tradition médiévale.