Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.07.2023 - Coralie Mollaret - 5 min  - vu 2923 fois

QUE SONT-ILS DEVENUS ? L’ancien élu nîmois, Camille Lapierre : « Je n’ai pas trahi la Droite ! »

Camille Lapierre à son domicile

Camille Lapierre à son domicile

- (Photo : Coralie Mollaret)

Il est l’un des principaux acteurs de la déroute de la Droite nîmoise en 1995. Ce chirurgien, engagé dans l’équipe de Jean Bousquet, n’a pas hésité à se mesurer à lui. Presque 30 ans plus tard, le scénario pourrait-il se rejouer ?

À 92 ans, Camille Lapierre a toute sa tête. C’est à son domicile qu’il accepte de rencontrer Objectif Gard pour retracer le siècle de sa vie. Une vie bien remplie, entre victoires et défaites. Dans la cité des Antonin, l’année 1995 laisse encore des séquelles : la division fratricide Bousquet/Lapierre a provoqué l’ire des militants et autres sympathisants de Droite. Trente ans plus tard, le chirurgien s’en souvient comme si c’était hier : « On m’a giflé, craché dessus… On me balançait même des cercueils par-dessus mon balcon ! »

La lettre au maréchal Pétain

Rien ne prédestinait le petit Lapierre, natif de Boucaïd en Algérie, à connaître pareil destin. Sa vie ressemble à l’une de ces séries télés politiques où ascension professionnelle se mêle aux vicissitudes politiques. Sa mère s’installe dans le Gard, près du château de Portes, à ses six ans. Camille Lapierre entend encore les cliquetis des lampes que sa maman préparait, la nuit, pour les mineurs cévenols. Son milieu social est assez modeste : « Ma mère était lampiste. Elle a élevé ses quatre enfants seule. Je n’ai jamais connu mon père. »

Le docteur Camille Lapierre 
Le docteur Camille Lapierre 

La nature a toutefois donné un atout à Camille Lapierre : une bonne mémoire, lui permettant d’obtenir de bons résultats scolaires. Très jeune, il souhaite devenir médecin : « À la naissance de son frère, Robert, j’ai vu ce monsieur très bien habillé venir examiner mon frère. J’ai été emballé ! » Sa mère se trompe malencontreusement dans l’intitulé de sa bourse : « Elle a écrit au maréchal Pétain qui a finalement accepté notre requête. » L’étudiant poursuit alors ses études à Montpellier pour y apprendre les sciences, avant de se diriger vers la chirurgie.

La rencontre avec Jean Bousquet

Son certificat en poche, le diplômé est reçu au concours de Nîmes. En 1953, il réalise sa première intervention : « Une femme avait fait une fausse-couche, trafiquée par une faiseuse d’ange. Des interventions courantes à l’époque : il n’y avait pas la pilule. La loi Veil a été un progrès pour ces femmes qui y laissaient leur vie. » La docteur Lapierre s’installe en libéral. Aidé par un confrère, il développe fortement sa patientèle : « Les chirurgiens faisaient tout : de l’orthopédie jusqu’aux varices, en passant par les cancers de l’estomac. »

À gauche, Camille Lapierre
À gauche, Camille Lapierre

Camille Lapierre se fait un nom. Il participe à la création de la clinique Kennedy. Notable, il joue au bridge et devient membre de plusieurs clubs. Un jour de 1983, son téléphone sonne : Jean Bousquet, patron de Cacharel, veut le voir. « Je ne le connaissais pas. Je savais juste qu’il présidait le Nîmes olympique », raconte le praticien. Quelques jours plus tard, il rencontre Jean Bousquet dans « son château » à Courbessac : « Il m’a dit qu’il se présenterait aux municipales sous les couleurs de l'UDF. Il voulait que je lui donne mon nom pour l'inscrire dans sa liste. »

À force de persuasion, Camille Lapierre finit par accepter. L’affaire ira cependant plus loin qu’un prête-nom. Quelques semaines plus tard, Camille Lapierre apprend que les colistiers, sans parti politique, sont relégués en bas de liste : « J’ai été piqué dans mon orgueil. J’ai alors convaincu Jean Bousquet de me placer plus haut et de me donner un poste d’adjoint avec une délégation élargie : sport, culture, tauromachie… » Le 13 mars 1983, la Droite emporte le scrutin. Le chirurgien attrape le virus de la politique.

« Je n’avais pas envie d’être maire mais… »

Ses relations avec le maire sont « sympathiques » : « On fumait même le cigare au conseil municipal ! » Camille Lapierre fait la connaissance de Jean-Paul Fournier, élu RPR (Rassemblement pour la République) : « Les élus RPR sont partis trois fois de notre équipe. Jean Bousquet m’a toujours dit de laisser faire, qu’ils reviendraient, que c’étaient des alimentaires de la politique. » Le duo Bousquet/Lapierre mange ensemble tous les midis : « Carré d’Art n’est pas son idée. C’est l’ancien ministre Michel Guy qui lui a soufflée ! »

Le « rêve » est alors à son paroxysme : en 1985, le chirurgien est élu conseiller général, puis régional. C’est lors du second mandat que les relations se tendent : « J’ai senti le coup fourré lorsque le maire m’a dit que Jean-Louis Olivier serait premier adjoint. » En échange, il aurait proposé à Camille Lapierre son soutien aux Sénatoriales de 1992. « Une parole qu'il n’a pas tenue puisqu’il a soutenu ce même Jean-Louis Olivier », se rappelle-t-il encore amer. Divisée, la Droite est battue par le socialiste Francis Cavalier-Bénézet.

Dans la salle d'opération des arènes créée par Camille Lapierre
Dans la salle d'opération des arènes créée par Camille Lapierre

L’imbroglio signe le divorce entre Bousquet et Lapierre. Trois ans plus tard, la Droite part divisée aux Municipales 1995 : « Ce n’est pas moi qui ait trahi la Droite ! Je n’avais pas envie d’être maire, mais je n’apprécie pas que l’on me prenne pour un con ! » Au premier tour, Jean Bousquet récole 23 % contre 18 % pour Camille Lapierre. « Entre les deux tours, il est venu me voir me proposant de prendre une ou deux personne de mon équipe. J’ai éclaté de rire ! On a fait 18 % donc vous prenez 18 % de notre liste. » Jean Bousquet décline. Le 18 juin 1995, la maire sortant est battu.

« Jean-Paul Fournier a tout manigancé »

Ce dont l’on parle moins, selon Camille Lapierre, c’est « du rôle » qu’aurait joué Jean-Paul Fournier pendant la campagne des municipales. « Il est venu me voir, certifie le chirurgien, il m’a dit que Paris lui demandait de me soutenir. Mais il a reconnu que si j’étais élu maire, lui ne le serait jamais ! » Alors quand la Droite a été battue ce soir du 18 juin 1995 « Jean-Paul Fournier a fait semblant d’être outré ! Il était très content que le communiste Alain Clary soit élu puisqu’il pensait que six ans plus tard, ce serait son tour. En réalité, il a tout manigancé. »

Camille Lapierre avec Yvan Lachaud (à droite)
Camille Lapierre avec Yvan Lachaud (à droite)

Calcul politique ou non, six ans plus tard Jean-Paul Fournier est élu maire. « C’est un grand politique, c’est indéniable. Un homme de terrain, ce que ni Jean Bousquet ni moi ne savions faire. » À la suite du « drame » de 1995 : « Je me suis remis à travailler. » S’il est aujourd’hui à la retraite, Camille Lapierre n’en reste pas moins actif : membre de plusieurs associations et autres organismes. La politique ne l’a toutefois jamais quitté : en 2020, il soutient Yvan Lachaud aux municipales : « Un garçon de qualité mais qui n’a pas tout à fait la stature d’un politique… »

Quant à l’avenir de Nîmes ? : « Pour les prochaines élections, il y a beaucoup de prétendants. Yvan Lachaud qui veut prendre sa revanche, le président de Nîmes métropole, Franck Proust, qui n’est pas mal… Le jeune François Courdil, le premier adjoint Julien Plantier mais aussi le sénateur Laurent Burgoa qui en veut. » Alors, selon lui, « s’il n’y a pas de sursaut et quelqu’un qui met de l’ordre, la Gauche, en train de se reconstituer autour du communiste Vincent Bouget, pourrait repasser ». Et l’histoire bégayer ?

Coralie Mollaret

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