FAIT DU SOIR J’enracine acquiert ses premières terres pour créer une réserve foncière agricole dans l’Uzège
C’est un projet ambitieux que celui mené par l’association J’enracine, fondée par des paysans de l’Uzège. Un projet qui pourrait, à terme, avoir un impact significatif sur l’agriculture du territoire, et pour lequel une campagne de financement participatif est en cours.
Au départ, il y a un constat : « nous exportons 90 % de ce qu’on produit et nous importons 90 % de ce que nous consommons », pose Marie-Hélène Pillot, adhérente de J’enracine. Le déclic a eu lieu pendant la crise sanitaire du covid, « lors de laquelle on a vu que nous n’étions plus autonomes, et que nous le serions encore moins demain », explique Emmanuelle Philip, agricultrice et cofondatrice de l’association.
Un projet innovant
Une situation dans le Pays d’Uzès due à trois facteurs : « la spéculation foncière, le fait que la moitié des paysans a plus de 55 ans et une agriculture hyper-spécialisée », énumère Emmanuelle Philip. Alors J’enracine a décidé d’agir, avec un but : créer une réserve foncière agricole sur le territoire. « Préserver le foncier et créer un commun », pose Marie-Hélène Pillot, aussi pour répondre aux enjeux « de résilience alimentaire du territoire, expérimenter des pratiques dans le respect du vivant et préserver la biodiversité », rajoute-elle. Pour ce faire, les terres acquises seront placées sous des Obligations réelles environnementales, un dispositif qui protège définitivement les parcelles concernées.
L’idée est, pour l’association, d’acquérir des terres agricoles pour les mettre à disposition de projets en ligne avec ces enjeux. Et c’est en bonne voie : « nous avons acquis une première terre de 3 000 mètres carrés à Montaren, sur laquelle nous préservons la biodiversité et organisons des rencontres entre nos adhérents, explique Emmanuelle Philip. C’est une vitrine alors que la plaine de Montaren est en monoculture intensive. » Par ailleurs, l’association a signé un compromis pour l’acquisition d’un terrain de 2 000 mètres carrés à Vallabrix pour pérenniser les jardins partagés de l’association Les herbes folles, et travaille à l’acquisition de 2,2 hectares à Saint-Siffret.
Sur ce troisième terrain, J’enracine a pour but de « créer quatre parcelles et y créer un espace test agricole avec la Communauté de communes du Pays d’Uzès », avance Emmanuelle Philip. Très bien situé, le terrain serait « mis à disposition d’agriculteurs qui veulent s’installer, en leur fournissant le terrain et pourquoi pas du matériel, pour qu’ils puissent se tester pendant une saison », rajoute-elle. Le projet, qui serait une première dans le Gard, est soutenu par un ensemble d’acteurs de la filière agricole.
Diversifier les cultures
Tous ces projets ont donc pour but d’aider à l’installation d’agriculteurs. « Un paysan sur deux qui s’installe n’a pas accès à la terre car il n’est pas issu du métier », pose l’agricultrice. Car le secteur connaît une tendance de fond, avec de plus en plus de nouveaux agriculteurs issus d’autres secteurs d’activité, mais qui souhaitent se reconvertir. « Aujourd’hui, la personne qui s’installe en agriculture dans le Gard est une femme de 37 ans en reconversion », explique Emmanuelle Philip. Or, l’accès aux terres est de plus en plus difficile pour ces profils. « Avant, les héraultais venaient s’installer dans le Gard car les terres y étaient moins chères, mais aujourd’hui on n’en trouve plus, et les gardois partent ailleurs, comme en Lozère », explique l’agricultrice.
Autre sujet : la diversification des cultures. « Il y a 50 ans, les fermes étaient diversifiées, avec du maraîchage, de l’arboriculture, de la céréale, de la vigne, des animaux… Les fermes se sont peu à peu agrandies et sont devenues hyper-spécialisées », retrace Emmanuelle Philip. Résultat : lorsqu’un secteur comme la vigne, très représenté sur le territoire, rencontre des difficultés comme actuellement, c’est tout un territoire agricole qui souffre. « Or, il nous manque des céréales, des fruits et légumes, du maraîchage », affirme Marie-Hélène Pillot. Pour J’enracine, posséder ces terres pour les mettre à disposition de projets qui correspondent à ces critères permet donc de faire en quelque sorte de la planification.
« Il y a urgence à le faire », estime Emmanuelle Philip, la question étant « un enjeu majeur de santé et de politiques publiques. » Pour y contribuer, vous pouvez participer à la campagne de financement participatif de l’association. Son objectif est de collecter 25 000 euros, pour faire aboutir le projet de jardins partagés de Vallabrix et celui d’espace test agricole de Saint-Siffret. Pour l’heure, un peu plus de 9 000 euros ont été récoltés, et la campagne est encore ouverte jusqu’au 31 décembre ici. Notez que les dons sont défiscalisables, ce qui ne gâche rien.