L’INTERVIEW Le Dr Ghassan Fayad : « L’insomnie n’est pas une fatalité »

Le Dr Ghassan Fayad, médecin, et Lydia Fayad, infirmière, tous deux formés aux troubles du sommeil.
- photo d'archives Marie MeunierÀ l’occasion de la Journée internationale du sommeil ce vendredi 14 mars, le docteur Ghassan Fayad, spécialisé en médecine du sommeil qui exerce au sein de Somno-Gard à Remoulins et Saze, évoque les différents troubles du sommeil et donne des clés pour mieux dormir.
D’après l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, plus d’une personne sur cinq est concernée par un trouble du sommeil chronique en France, et un mauvais sommeil aggrave les risques de maladies cardiovasculaires, d’obésité, de diabète, de cancer ou encore d’accidents. Cependant, des solutions existent pour dormir mieux. Interview.
Objectif Gard : Depuis des années, on dit que les Français dorment de plus en plus mal. Est-ce vrai ?
Dr Fayad : Oui, les Français dorment de plus en plus mal. On favorise la performance et la productivité sous tous leurs aspects, comme avec le travail posté qui est très efficace sur le plan économique mais délétère sur l’horloge biologique. On vit dans un environnement de plus en plus stressant, avec énormément de pression accentuée par les outils informatiques. On se retrouve aussi avec un environnement pas forcément fait pour un sommeil idéal, entre les normes européennes qui forcent à utiliser des éclairages LED qui contiennent énormément de lumière bleue qui vient perturber le sommeil, les écrans le soir, les portables… C’est un environnement de plus en plus agressif vis-à-vis du sommeil, les vieilles habitudes de s’endormir avec un livre et une lampe de chevet à lumière chaude n’existent presque plus, notamment chez les enfants et les adolescents.
Justement, quel est l’impact du manque de sommeil chez les enfants ?
On sait que dès le plus jeune âge, un enfant qui dort mal peut présenter des troubles du développement, de croissance, des difficultés scolaires, et depuis peu on commence à faire un lien entre les troubles respiratoires du sommeil de l’enfant et l’hyperactivité. Énormément d’enfants diagnostiqués hyperactifs ne le sont pas, mais présentent un trouble d’apnée du sommeil, notamment des enfants qui ronflent la nuit, ce qui n’est absolument pas normal. On commence à s’intéresser aux troubles du sommeil chez l’enfant de plus en plus.
Qu’en est-il des insomnies ?
Elles méritent d’être explorées. Beaucoup d’insomniaques souffrent de troubles psychogènes, se réveillent la nuit en ruminant. On commence à abandonner les benzodiazépines, qui sont très addictifs et présentent des effets secondaires, au profit de thérapies cognitivo-comportementales ciblées pour aider à « exorciser » les pensées qui les font ruminer la nuit, mais ça nécessite un travail de fond. À cela, on peut également associer de nouvelles molécules thérapeutiques accessibles depuis peu. C’est une pathologie chronique, mais pas une fatalité. Il y a aussi des maladies organiques, comme le syndrome d’apnée du sommeil ou du mouvement périodique des jambes, qui se traitent en centre du sommeil. C’est un domaine très complexe, à aborder sous tous les angles.
Le sommeil garde une part de mystère, où en sont les avancées scientifiques ?
C’est un domaine qui est de plus en plus étudié, on commence à faire des croisements entre les troubles du sommeil et des pathologies. Par exemple, un patient en apnée du sommeil sévère va présenter trois à quatre fois plus de risque d’avoir un accident cardiaque, de l’hypertension ou du diabète, un patient qui présente une somnolence excessive va avoir deux fois plus de risques d’avoir un accident de la route ou un accident du travail. Les dernières avancées commencent à faire un lien entre les troubles du sommeil et certaines maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Et on sait également que le sommeil vient influer directement sur le poids.
Comment faire pour mieux dormir ?
Parmi les conseils qu’on peut donner, il faut maintenir des horaires de sommeil réguliers, y compris le week-end pour ne pas décaler l’horloge biologique. Limiter absolument les écrans le soir, la lumière bleue vient inhiber la production de mélatonine et gêner l’endormissement. Il faut créer un environnement propice au sommeil, revenir aux fondamentaux avec une chambre sombre, calme, qu’on évite de surchauffer. Il faut éviter les excitants, comme le café, le thé, l’alcool, notamment en deuxième partie de journée, et éviter les repas trop copieux le soir. Il vaut mieux aussi ne pas pratiquer une activité physique intense le soir et éviter le bain chaud en soirée, qui vient perturber le sommeil, même si ça relaxe. Dormir n’est pas une perte de temps, c’est un investissement, il est nécessaire de mettre en place une bonne hygiène de vie dans sa globalité.